Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons tout entendu cet après-midi, tout a été dit. J'ajouterai cependant quelques mots.
Il a été souligné que légiférer était un exercice difficile. Effectivement, lorsque la loi touche à la dignité de l'être humain, la conscience du législateur est particulièrement sollicitée.
Je ne peux pas imaginer que nous discutions la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie sans évoquer, vous m'en excuserez, le pape Jean-Paul II, humble et abandonné dans la maladie, vivant sa mort en pleine lucidité aux yeux du monde entier. J'ai la certitude qu'il a montré le chemin de la vérité par l'amour confiant pour l'homme dont il a fait preuve tout au long de son pontificat. Il a voulu signifier que vie et mort se confondent dans l'espoir et l'espérance. Il a souvent invité le monde à ne pas avoir peur. Je pense qu'aujourd'hui ce dernier message prend toute sa dimension.
C'est cette peur devant la mort qui semble inspirer le texte de la proposition de loi : peur du malade qui redoute la souffrance, qui redoute de se montrer diminué et de mourir ; peur du soignant qui craint de ne savoir guérir ni traiter utilement, voire de faire l'objet de poursuites ; peur des proches de voir souffrir et de ne savoir ou de ne pouvoir accompagner suffisamment ; peur, en fin de compte, de notre propre mort.
Si j'ai pu comprendre, et même apprécier certains des témoignages qui ont été apportés à cette tribune, d'autres ont eu à mes yeux le mérite de l'honnêteté, de la clarté pour attiser mes craintes. Nous abordons évidemment les rives de l'euthanasie, et toutes les explications sur l'étymologie du mot ne m'ont pas convaincue. Moi qui suis bien portante, je sens que nous prenons le risque de légiférer sur la mort de l'autre.
La proposition de loi est ambiguë, comme notre collègue M. Lardeux l'a si bien montré.
Je me pose également la question de savoir s'il était nécessaire d'édicter une loi alors que le code de déontologie médicale régissait parfaitement les rapports entre le médecin et le patient et que nous ne pouvons imaginer que toutes les pratiques médicales jusqu'alors étaient trop ou n'étaient pas assez utiles ou efficaces. Serait-il nécessaire de légiférer, également, si la reconnaissance de la dignité de toute vie humaine, accomplie dans la mort, était un acte d'amour et de respect de l'autre dans toute la dimension de son être ?
Si les sénateurs sont appelés sages, ce n'est pas seulement le fruit de leur compétence, réelle, bien entendu, pour nombre d'entre eux : c'est également le fruit de leur expérience. Je me dois donc d'évoquer le souvenir de deux exemples récents de proches qui, accompagnés en fin de vie, furent émerveillés de découvrir, à l'annonce de leur maladie, le magnifique élan d'amitié et de solidarité qui est né autour d'eux, leur apportant la certitude qu'ils avaient du prix pour leur entourage, corps médical et corps soignant compris.