Eh bien, ce n’est même plus le cas !
À n’en pas douter, Bachar Al-Assad a voulu tester les limites tolérées par les puissances occidentales qui tentent de mettre un frein à la répression sanglante qu’il inflige à une partie des populations de Syrie et d’imposer une solution politique, à laquelle tout le monde est évidemment attentif.
En faisant cela, ce régime vacillant, et non pas renforcé, commet une double forfaiture.
Il a franchi une « ligne rouge », tracée par la convention sur les armes chimiques de 1925, qui fut la réponse logique, humaniste et justifiée à l’horreur des gaz de combat employés de façon massive lors de la Première Guerre mondiale et dont furent victimes des centaines de milliers de combattants.
Bachar Al-Assad peut arguer qu’il se situe en dehors du champ de cette convention. C’est d’ailleurs ce qu’il sous-entend dans un entretien accordé à un quotidien français, quand il est interrogé sur la détention par l’armée syrienne de stocks d’armes chimiques. Mais la communauté internationale, à commencer par le secrétaire général des Nations unies, considère, à juste titre, qu’il s’agit bien d’un crime contre l’humanité. C’est la première forfaiture.
Les combattants n’étaient même pas les seules cibles de l’attaque du 21 août. Ce sont des civils, des femmes, des enfants qui ont payé le plus lourd tribut à cette attaque aux portes de Damas. Ces femmes et ces enfants représentent la moitié des victimes. Il est inutile d’employer le conditionnel : nous avons vu des photos, nous avons des preuves !
Seconde forfaiture insupportable, ultime : cette nouvelle marche dans l’escalade de l’horreur intervient alors même que ce conflit a engendré, en deux ans et demi, 3 millions de réfugiés et de déplacés. Le Haut Commissariat aux réfugiés estime à 1 million le nombre d’enfants aujourd’hui exilés. C’est donc toute une génération qui est en situation de détresse. Imaginez, mes chers collègues, les conséquences de cette situation, pour la Syrie, tout d’abord, mais également, dans les années à venir, pour les autres pays de la région touchés par le conflit.
Alors, que devons-nous faire ? Quel est notre devoir ?
J’ai écouté avec intérêt l’intervention de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, qui a exposé toutes les raisons de ne rien faire. Je pense, pour ma part, que la communauté internationale, la France, ses alliés ne peuvent pas rester inactifs face à cette nouvelle tragédie ! Elle ne peut se contenter d’une simple condamnation morale, qui n’atteindra jamais un tel régime ! Celui-ci n’a que faire des préoccupations humanitaires ; seules sa propre survie et celle du clan au pouvoir le préoccupent depuis des années : il est prêt à toutes les extrémités pour les assurer, et si nous restons les bras croisés, les choses empireront.
Nous avons donc le devoir de l’arrêter, de mettre un coup d’arrêt à l’utilisation d’armes chimiques : c’est cela, le sujet de notre débat d’aujourd’hui, et non pas de savoir s’il faut ou non voter ; sur quoi voterions-nous, d’ailleurs ?
Nous ne savons pas si nous obtiendrons l’aval de la Russie – ce serait certes largement préférable ! –, et donc la résolution des Nations unies qui permettrait de conférer une légalité absolue à une intervention militaire. Pour autant, il s’agit bien de faire respecter le droit international ; les arguments en faveur de la légitimité d’une action coercitive ne manquent pas et méritent d’être entendus.
Même si la Syrie n’est pas partie prenante à la Convention pour l’interdiction des armes chimiques signée en 1993, l’emploi des armes de cette nature constitue incontestablement une violation du droit international. Comme l’a déclaré le secrétaire général des Nations unies le 21 août 2013, « toute utilisation d’armes chimiques par un quelconque camp et en n’importe quelle circonstance constituerait une violation du droit international humanitaire ». C’est légitime ! Un régime politique, quel qu’il soit, ne saurait s’exonérer du respect d’un socle minimum de valeurs et de principes qui sont au fondement même de la communauté des humains. L’interdiction de l’emploi d’armes de destruction massive contre des populations civiles en fait naturellement partie. À ce propos, nous nous félicitons que la Coalition nationale syrienne s’engage, comme vous l’avez rappelé voilà quelques jours, monsieur le ministre des affaires étrangères, à proscrire les armes chimiques dans un avenir que nous espérons proche.