Intervention de François Rebsamen

Réunion du 4 septembre 2013 à 16h00
Débat sur la situation en syrie

Photo de François RebsamenFrançois Rebsamen :

Je tiens d’ailleurs à saluer ici l’efficacité de nos services de renseignement. Ils prouvent ainsi qu’ils sont l’une des clefs de voûte de notre autonomie stratégique, permettant à la France de disposer d’une liberté d’appréciation des situations de crise que peu de pays possèdent. Cette autonomie stratégique et cette liberté d’appréciation sont au fondement de notre indépendance politique.

Que savons-nous aujourd’hui de cette attaque ?

J’ai écouté avec attention, monsieur le ministre, ce que vous nous avez dit à ce propos. Nous savons qu’elle était préméditée. Nous savons qu’elle a été préparée en trois jours. Nous savons, enfin, que la seule structure disposant des moyens matériels, logistiques et humains nécessaires pour mener ce type d’opération est l’armée syrienne. Une telle attaque suppose en effet un entraînement, des infrastructures et un savoir-faire dont les insurgés sont dépourvus.

Mes chers collègues, j’entends, ici et là, avancer des comparaisons hasardeuses avec les cas irakien ou libyen. Rien n’est plus erroné.

En Libye, la coalition internationale est intervenue sur le fondement de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, pour empêcher la Jamahiriya libyenne de massacrer des civils. Cette intervention a précipité la chute de Kadhafi.

Nous ne sommes pas non plus, comme Bachar Al-Assad et les Russes le prétendent, dans la fantasmagorie des armes de destruction massive de l’administration Bush à propos de l’Irak, dont nos amis Anglais, et surtout leur Premier ministre, David Cameron, ont dernièrement payé assez cher les conséquences ! Dans ce cas-là, les missions d’inspection internationales n’avaient pu apporter d’éléments tangibles relatifs à un réarmement irakien en matière d’armes de destruction massive.

Aujourd’hui, dans le cas qui nous occupe, les preuves de l’emploi d’armes chimiques sont là. Elles existent.

De fait, ces actes sont donc constitutifs d’un crime contre l’humanité au sens du droit international et doivent donner lieu à une sanction, qui ne peut être que de nature militaire. En cela, nous ne nous conduisons pas purement en guerriers ; nous cherchons des solutions afin d’empêcher Bachar Al-Assad et son régime de continuer à perpétrer de tels crimes, qui ne peuvent nous laisser indifférents.

Le massacre de la Ghouta ne saurait être la réédition du drame de Srebrenica, à l’occasion duquel la communauté internationale, pourtant bien présente, s’était illustrée par sa passivité. La passivité, en l’occurrence, serait une nouvelle faute qui entacherait profondément notre mémoire.

Le massacre de la Ghouta ne peut attendre une justice qui serait hypothétiquement rendue sur le tard, après un jugement tout aussi hypothétique de ses responsables, comme dans le cas du massacre de 4 000 Kurdes à Halabja, commandité par Saddam Hussein.

Ce massacre massif et aveugle ne peut rester impuni et doit être sanctionné. Comme le Président de la République l’a déclaré, nous sommes manifestement en présence d’« une violation monstrueuse des droits de la personne humaine ». Le seul message que ce régime puisse comprendre est une vigoureuse intervention militaire.

Cela a été rappelé maintes fois, et répété encore aujourd’hui : même si cela peut choquer, il s’agit non pas de libérer la Syrie, ni de renverser Bachar Al-Assad – à titre personnel, je n’y verrais pourtant pas d’inconvénient –, mais d’interdire à ce régime, qui ne connaît ni limite ni retenue lorsqu’il s’agit de massacrer sa propre population, d’utiliser l’un des modes opératoires les plus effroyables de son arsenal.

Cette action militaire, au regard des faits et des éléments de droit que j’ai soulevés précédemment, est, je le pense, légitime et doit avoir une valeur de dissuasion. Il serait pour le moins curieux de considérer comme illégale une action qui vise à faire respecter le droit international.

La dissuasion est l’objectif principal de l’intervention militaire, autrement dit le « but de guerre ». Il s’agit de sanctionner militairement le régime et de marquer notre détermination quant aux limites à ne pas franchir. C’est la seule et unique façon d’ouvrir la voie à une solution politique. Vous pouvez ne pas être d’accord avec nous sur ce point, chers collègues de l’opposition, mais alors, faites des propositions !

Pour marquer notre détermination, il faut envisager une action proportionnée mais ferme contre le régime de Damas, dans le cadre d’une coalition internationale.

Vous avez pris un malin plaisir, monsieur Raffarin, à affirmer que nos partenaires européens ne se joindraient pas à nous, comme si vous le souhaitiez au fond de vous-même. Pour notre part, nous voulons les convaincre et constituer cette coalition internationale, sans pour autant court-circuiter l’ONU. Aujourd’hui, cependant, le Conseil de sécurité est empêché d’agir.

La France ne veut pas faire la guerre au peuple syrien. La France, vous le savez, a été exemplaire depuis le début de la guerre civile. Notre diplomatie s’est distinguée par la recherche obstinée d’une solution politique visant au départ de Bachar Al-Assad et à un avenir meilleur pour la Syrie.

Contrairement à ce que l’on a pu dire ou écrire ici et là, il s’agit non pas d’agir dans la précipitation, mais d’intervenir dès lors qu’un faisceau de preuves est réuni.

Tout d’abord, cela a été rappelé, nous n’agirons que dans le cadre d’une coalition, qui devra être la plus large possible. Lorsque la France et les États-Unis convergent vers un même objectif, à savoir la justice et le respect du droit international humanitaire, il s’agit là d’une vision partagée de la justice, apte à rassembler bien au-delà de nos deux pays.

Cette coalition ne pourra agir que dans le seul dessein de sanctionner le régime de Bachar Al-Assad, et se bornera donc à mener des actions ciblées et limitées dans le temps.

Je ne doute pas que le Gouvernement, que nous soutenons, prendra les mesures nécessaires pour préserver nos intérêts dans la région et assurer la sécurité de nos implantations diplomatiques, ainsi que celle de nos ressortissants et de nos soldats engagés au Liban.

Le conflit syrien irradie déjà bien au-delà des frontières du pays et menace aujourd’hui de déstabiliser l’ensemble de la région, ne serait-ce que par l’afflux de réfugiés au Liban, en Jordanie, en Turquie.

Bachar Al-Assad ne fait d’ailleurs pas mystère de ces menaces. En cet instant, la communauté française, la représentation nationale doivent être rassemblées. La France ne peut pas se laisser intimider par les propos d’un dictateur rapportés par un de nos journaux ! Ce n’est pas tolérable ! §

Chers collègues de l’opposition, nous avons su, à d’autres époques, applaudir certaines interventions de membres de gouvernements que vous souteniez. J’aurais apprécié que vous fassiez de même aujourd’hui, à votre tour, eu égard à la grande qualité du discours de M. le ministre des affaires étrangères. §

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