Intervention de Alice Dautry

Mission d'information sur l'action extérieure de la France — Réunion du 21 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Alice dauTry directrice générale de l'institut pasteur

Alice Dautry, directrice générale de l'Institut Pasteur :

Merci de m'avoir invitée ; ce sujet me tient à coeur.

L'Institut Pasteur est une fondation privée reconnue d'utilité publique. Son siège parisien est au coeur d'un réseau de 32 centres sur tous les continents. Il y a, physiquement un Institut Pasteur à Dakar ou au Laos... ; partout, les missions y sont les mêmes : recherche, formation et enseignement, santé publique, même si cette dernière mission est plus développée dans les pays en développement. Notre activité principale est la recherche biomédicale. A l'international, nous nous focalisons sur les maladies infectieuses (sida, tuberculose, paludisme, etc.) et des maladies spécifiques à certaines régions, comme la méningite dans les pays du Sahel.

Depuis l'origine, nous cherchons avant tout à nous insérer dans les pays d'accueil. Les centres étrangers ont parfois le même âge que l'Institut parisien : celui-ci a 125 ans, mais Pasteur lui-même a ouvert deux ans après un centre au Vietnam ; le centre tunisien a 120 ans... Pasteur souhaitait en effet que les découvertes de la recherche servent à l'ensemble de l'humanité. Notre réseau est ancien mais notre dernier centre a été ouvert au Laos en janvier 2012 ; celui de Montevideo avait été inauguré en 2006. Les plus vieux sont installés dans les anciennes colonies, les plus récents dans des pays comme la Chine, la Corée ou l'Uruguay.

Nous développons des stratégies régionales pour remédier aux problèmes de santé publique qui concernent plusieurs pays : ainsi, sur les maladies respiratoires aiguës en Asie du Sud-est, sur la grippe en Chine, ou encore sur l'encéphalite, très présente au Cambodge, et due au même agent qu'en Chine ou au Vietnam. Tous nos instituts travaillent de concert avec les acteurs locaux comme internationaux.

La global health, ou stratégie de santé globale, est un outil majeur du développement. De nombreux Objectifs du Millénaire pour le développement concernaient la santé. Celle-ci est un bien public mondial : sans elle, en effet aucun développement n'est possible.

En outre la recherche contribue au développement, car elle est source d'emplois et de création de richesses. L'Institut a la spécificité de pratiquer le développement par la création d'entreprises et les brevets licenciés. Nous découvrons à l'international une grande appétence des instituts pour des incubateurs d'entreprises : nous le voyons à Shanghai ou à Montevideo. Certaines start-up créées dans des pays en développement ont opéré des choix intéressants : une grande entreprise indienne produisant des produits biologiques pour la santé a ainsi été créée par une femme qui, travaillant sur la fermentation, a eu l'idée d'utiliser des levures. De nombreux entrepreneurs sollicitent notre expérience en matière de création d'entreprises et de brevets.

Une crise sanitaire peut suspendre l'activité d'un pays. Deux cas d'infection au coronavirus ont été diagnostiqués en France ; lors de l'épidémie de SRAS il y a quelques années, il a suffi qu'un passager rentre en avion de Hong-Kong à Toronto pour mettre la ville à l'arrêt pendant un mois, provoquant des milliards de pertes. Or, plus une économie est fragile, plus les effets sont lourds, car les moyens de prévention et de traitement font défaut.

Dans certains pays, enfin, le développement, parfois très rapide et anarchique, s'accompagne de changements écologiques et environnementaux, liés par exemple à l'urbanisation ou à la déforestation, qui ne sont pas sans conséquence en matière sanitaire. Il s'agit alors de fournir aux autorités des données scientifiques éprouvées pour les aider à conduire des politiques publiques accompagnant le développement dans des conditions harmonieuses.

Depuis plusieurs années, les institutions françaises travaillent à l'international en synergie. Ainsi l'Institut Pasteur collabore dans certains pays avec l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ou le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Le nouveau bâtiment de notre institut au Cambodge résulte d'un projet commun avec l'INSERM, l'IRD, le CIRAD et la Fondation Mérieux. Nos moyens étant limités, ces partenariats sont source d'efficacité dans la résolution de problèmes complexes. De plus ils donnent une belle image de notre pays.

A cet égard, notre diplomatie est exceptionnelle. La France, à la différence des autres pays, rayonne à travers une diplomatie culturelle, linguistique, scientifique et médicale. Un peu comme M. Jourdain, les Instituts Pasteur menaient sans le savoir depuis 120 ans une diplomatie culturelle et médicale. Nous contribuons à porter l'image de notre pays. Lors de mes déplacements, je suis toujours frappée en constatant la reconnaissance pour cette action, aussi bien dans les pays autrefois sous influence française, que dans les pays comme la Chine ou les Etats-Unis. Ce positionnement est unique. Il joue même lorsque les relations se sont dégradées, grâce à la persistance d'une présence scientifique reconnue.

Les diplomates que je rencontre dans les pays où l'Institut est présent exercent un rôle crucial. Nous avons la chance de bénéficier de l'octroi par le ministère des affaires étrangères de postes d'assistants techniques, souvent en charge de postes stratégiques : directeurs ou directeurs administratifs et financiers, ou chefs du service de virologie quand le poste n'a pu être pourvu par un recrutement local. Néanmoins plus de 80 % du personnel est d'origine locale. Nous cherchons à former nos collaborateurs. Au total nous employons 24 assistants techniques dans 8 pays aussi différents que la Chine, le Laos le Cambodge, le Niger, Madagascar, la République centrafricaine, le Cameroun ou le Sénégal.

Le soutien diplomatique de la France, en outre, est crucial. A Bangui en proie à de graves troubles depuis le coup d'État, l'Institut aurait été pillé sans la protection des soldats français. De même, lorsque nous avons renouvelé notre convention avec le gouvernement cambodgien et conclu un accord avec l'Agence française de développement (AFD), portant sur une région couvrant le Laos, le Cambodge, le Vietnam ou la Birmanie, l'appui de l'ambassade s'est révélé décisif pour nous aider à travailler dans ces différents pays.

La politique de recherche et développement constitue un outil diplomatique majeur. Les institutions présentes à l'international contribuent à l'image de la France et sont très appréciées. La science et la médecine font partie de notre action culturelle de plein droit, au même titre que les arts et les lettres.

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