A l'étranger, peu importe le statut ; pour nos interlocuteurs, nous représentons la France et sommes d'ailleurs souvent accompagnés de l'ambassadeur ou du consul général. C'est seulement en situation de crise que nos interlocuteurs établissent une distinction avec les représentants de l'État.
Notre stratégie consiste à nous implanter dans les pays, à travailler avec les autorités locales, dans leur intérêt. Nous cherchons à faire partie du paysage. A 90 % notre personnel est d'origine locale et nous consentons un gros effort de formation : je rencontre souvent des personnes que nous avons formées dans d'autres organismes. Nous privilégions toujours le dialogue et ne cherchons en aucun cas à enfreindre les décisions des autorités. Nous sommes souvent les premiers à diagnostiquer un nouveau virus. Lors de la crise du chikungunya, les pays voisins de la Réunion niaient l'existence de l'épidémie et ne souhaitaient pas communiquer ; nous les avons convaincus de changer de méthode. De même, les premiers cas de grippe aviaire ont été décelés au Laos - une maladie maudite comme la lèpre autrefois -, nous n'avons pas cherché à déclarer le cas à la place des autorités, mais préféré les convaincre que cette épidémie, loin de signifier la mise au ban de l'humanité, pourrait être endiguée avec de l'aide internationale.
Notre action s'inscrit dans la durée ; lors de crises, nous ne nous comportons pas comme des cow-boys arrogants, mais privilégions le dialogue avec nos partenaires. Voilà pourquoi dans les pays qui avaient connu la colonisation, les rues ont changé de nom, sauf la rue Pasteur. L'Institut appartient au mobilier national du pays d'accueil.
Tout est question de respect. Nous ne saurions mener une recherche de moindre qualité ni utiliser des équipements au rabais. Ainsi à Bangui, comme à Madagascar ou au Cambodge, nous avons construit un laboratoire de haute sécurité, de manière à mener une recherche sur les maladies émergentes avec les méthodes adéquates. Cet effort est reconnu. Les gens du pays voient bien que nous y mettons les moyens, d'autant que par un effet de levier, nous levons des fonds importants auprès des organismes internationaux. Les équipements sont les mêmes qu'à Paris, et la qualité du personnel s'améliore sans cesse - la grande difficulté, dans ces pays, est de trouver du personnel qualifié, et de le fidéliser, car les cerveaux locaux sont bien souvent attirés à l'étranger.