L'Agence nationale de la recherche a été créée en 2005 pour assurer des financements sur projet. La France se dotait ainsi d'un instrument dont d'autres pays disposaient déjà de longue date, de la National Science Foundation (NSF) américaine à la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) allemande. L'Agence a mis en place des instruments pour remplir sa mission et développé une compétence de programmation tenant compte des grandes stratégies nationales.
La question est d'actualité, avec le projet de loi qui entre en discussion, et la place renforcée que le gouvernement souhaite donner aux alliances dans la définition du cadre programmatique de l'ANR. Au cours des dernières années et jusqu'à maintenant, le financement sur projet a été un levier important pour nouer des collaborations : collaborations public-public, grâce à un effet de décloisonnement, public-privé, au niveau national, et collaborations internationales, avec l'Europe et des pays tiers. Une part des moyens s'est portée sur des problématiques de recherche appelant par nature des collaborations internationales, ou exigeant des collaborations entre équipes implantées dans différents pays, partout dans le monde. Elles représentent, en termes financiers, 15 % des interventions de l'Agence, les partenariats public-privé atteignant 23 %.
Les comités scientifiques de l'Agence sont très ouverts. Nombre de scientifiques internationaux viennent en appui à sa programmation thématique et participent à ses 67 comités d'évaluation et de pilotage, tandis que 14 500 experts rédigent des rapports sur projets.
La sélection des projets répond aux standards internationaux. Les meilleurs sont ainsi retenus, et l'attractivité de nos appels ne se dément pas. D'année en année, le nombre de candidats s'accroît, au point que cela devient un problème au regard de nos contraintes budgétaires : le taux de succès des demandes est revenu de 25 % à moins de 20 %, un taux parmi les plus bas du monde. En 2012, le seuil des 10 000 projets financés a été dépassé. Chaque année, ce sont quelque 550 millions - 700 millions pour l'année la plus forte -, qui sont ainsi investis. L'Agence gère un portefeuille actif de 5 500 projets, correspondant à 23 000 conventions en cours.
Le terrain d'étude de certains sujets se situe dans les pays en développement, d'autres thèmes donnant lieu à des partenariats, en particulier avec l'Afrique noire et le Maghreb, en association avec des équipes locales. Il y a aussi des partenariats avec l'Agence inter-établissements de recherche pour le développement (AIRD). Nous nous focalisons également depuis plusieurs années sur la coopération régionale en Méditerranée : trois ateliers de prospective sont co-construits avec les pays du sud ; le programme Transméditerranée, qui a bénéficié d'appels à projets jusqu'en 2012 et nous espérons voir le financement repris au niveau européen ; la participation à l'ERA-NET Med prépare une coopération dans la durée, dans le cadre de l'article 185 du traité de l'Union européenne. La France organise cette année à Marseille un colloque international autour de la Commission internationale pour l'exploration scientifique de la mer Méditerranée (CIESM), qui est née il y a plus d'un siècle et qui fédère la recherche et l'exploration scientifique en Méditerranée.
Sur 28 millions d'aides, le secteur de l'environnement et des ressources biologiques vient au premier rang, avec 30 % de l'aide engagée, tandis que 4 % vont à la santé et 1 % seulement à la physique. Les sciences humaines et sociales continuent de figurer en bonne place, à hauteur, elles aussi, de 30 %.
Parmi les projets, 5 % impliquent des équipes africaines, engagées, depuis 2005, dans 70 d'entre eux ; 113 équipes sont répertoriées en Afrique, les plus nombreuses se situant au Maroc, au Sénégal, en Afrique du Sud, au Burkina Faso, en Egypte, au Cameroun, en Algérie, au Mali, en Tunisie, au Congo ; viennent ensuite le Togo, le Zimbabwe, Madagascar Kenya et Tanzanie ; puis la Mauritanie, le Soudan et le Bénin ; enfin la Guinée, le Gabon, le Ghana, la Côte d'Ivoire et le Nigéria. L'Agence participe indirectement à leur financement, en soutenant les équipes françaises pour l'octroi des bourses de thèse, les équipements ou les voyages, à moins que l'aide ne passe par l'AIRD.
En 2007, l'ANR et l'AIRD ont lancé un appel à projets thématique sur « les Suds, d'aujourd'hui », qui induit des recherches diverses sur les dynamiques démographiques, la contagion de la crise du capitalisme financier, les conflits armés et non armés, les langages, langues et productions textuelles... Parmi les projets soutenus dans ce cadre, le programme « Perisud » porte sur les dynamiques territoriales à la périphérie des métropoles du sud et concerne des villes aussi diverses que Shanghai, Mexico, Lima, Le Cap ou Abidjan. Nous avons ainsi noué un partenariat avec l'université d'Abidjan. Un autre projet, « Mobilités ouest-africaines », conduit par Monique Bertrand, implique seize chercheurs. En 2013, s'ouvrira le programme « Agrobiosphère », qui touche aux modifications des pratiques agricoles et de leurs représentations en Afrique subsaharienne, en Afrique de l'Est, en Afrique centrale et à Madagascar. Je citerais aussi le projet « Efficience environnementale et productions animales pour le développement durable » (Epad) et le programme Sustainable Development of Palm Oil Production.
Nous sommes également impliqués dans le Belmont Forum qui regroupe 14 agences de financement de la recherche dont celle de l'Afrique du Sud, et traite des changements environnementaux et de la circulation de biens et de personnes (12 organismes et universités sont mobilisés). Nous finançons le programme « Escape », qui s'intéresse aux vulnérabilités des sociétés rurales africaines face au changement climatique.
Une coopération, en somme, orientée vers les champs traditionnels de la coopération française (sciences humaines et sociales, environnement, agronomie, santé). La demande croissante dans les champs de la technologie ou de la science physique rend nécessaire un mécanisme de coopération tenant mieux compte des besoins exprimés, ainsi que des liens plus forts entre agences et un soutien aux jumelages entre laboratoires et universités. Nous avons signé, avec l'Institut de recherche pour le développement (IRD), un protocole d'accord pour asseoir nos financements, et nous souhaitons également développer des interactions avec l'AFD.