Intervention de Jean-François Delfraissy

Mission d'information sur l'action extérieure de la France — Réunion du 22 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-François delFraissy directeur de l'agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales anrs

Jean-François Delfraissy :

Le modèle « Sida », du fait de l'interaction du milieu homosexuel, il y a une vingtaine d'années, est très particulier mais il me semble aujourd'hui sinon généralisable, du moins très largement extensible. Il renvoie à la place du citoyen dans les décisions de recherche ou de santé : les structures ne doivent pas uniquement être conçues pour vivre sur elles-mêmes. Elles doivent s'ouvrir davantage aux questions et aux préoccupations de la société.

Cette idée ne nous est pas venue de la communauté des chercheurs ou des médecins : elle nous a été imposée. Nous fêtons ces jours-ci le 30ème anniversaire de la découverte du VIH par Françoise Barré-Sinoussi. J'ai le souvenir de la période (où j'étais jeune médecin) à laquelle l'intrusion du milieu associatif a imposé un changement complet de notre vision. Ce ne fut pas simple. Nous passions d'une toute-puissance médicale à un échec complet, en ce qui concerne le Sida. Nous voyions des gens de notre âge en train de mourir et le milieu associatif savait autant de choses que nous, puisque nous ne savions rien. Il s'est donc naturellement imposé. Cette phase d'intégration a été lourde. C'est toute l'histoire d'Act Up que vous connaissez sans doute.

Nous sommes ensuite passés à une deuxième phase dans laquelle nous nous trouvons encore, marquée par un changement d'état d'esprit des médecins, qui ont reconnu la place du milieu associatif dans les instances de décision. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec le milieu associatif, loin de là. L'objectif n'est pas d'arriver au consensus. Mais nous échangeons et il existe une plate-forme de discussion, ce qui alimente un débat très riche.

Au sein de l'ANRS, nous sommes depuis trois ans dans une troisième phase, puisque nous confions même au milieu associatif la possibilité de conduire des recherches, en particulier sur des questions de sciences humaines et sociales.

Les premières données parues en France sur l'utilisation du test rapide non médicalisé sont par exemple issues d'études pilotes de l'Agence que nous avions confiées au milieu associatif. Cela n'est pas allé de soi. AIDES, par exemple, a été agitée par des réactions violentes lorsque ce principe a été proposé. Du côté des chercheurs, des interpellations ont également surgi, certains se demandant en quoi le milieu associatif pouvait porter des sujets de recherche. Evidemment, en biologie moléculaire, pour trouver l'expression d'un gène, il faut être un professionnel pour discuter. Lorsqu'il s'agit de savoir si le test de dépistage doit être proposé en milieu médicalisé, à l'hôpital, ou s'il faut le proposer près des bars du Marais, ou s'il s'agit de déterminer l'opportunité d'une mise à disposition de ce test en prison en Côte d'Ivoire, pour savoir qui est séropositif, on peut se demander si la participation du milieu associatif n'est pas envisageable.

Au total, cette collaboration n'est pas simple mais s'avère extrêmement positive. Elle doit s'étendre à d'autres domaines que celui du VIH/Sida. L'Inserm est en train de le faire sur les maladies rares et s'est doté d'un comité ad hoc issu de réflexions de l'ANRS. Avec Bernadette Murgue, nous nous sommes occupés de la recherche sur la grippe H1N1 il y a quatre ans. Lorsqu'il a fallu trouver des femmes enceintes (chez qui la grippe H1N1 prenait des formes plus graves) touchées par la maladie, nous nous sommes heurtés à une difficulté.

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