Intervention de Laurence Tubiana

Mission d'information sur l'action extérieure de la France — Réunion du 5 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Laurence Tubiana directrice de l'institut du développement durable et des relations internationales iddri

Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) :

La France dispose d'un appareil de recherche de très haut niveau et très investi sur le plan international, nous figurons aux toutes premières places sur certains grands sujets sectoriels, comme l'agriculture, l'alimentation et la santé. Cependant, nos institutions de recherche sont par trop spécialisées et elles avancent trop souvent en ordre dispersé.

J'ai créé l'IDDRI en 2002 avec d'anciens collègues exerçant dans les instituts de recherche : l'institut est une fondation de coopération scientifique, associant des acteurs publics et privés - le CIRAD, le CNRS et l'INRA en sont membres de droit, tout comme l'Agence Française de Développement (AFD). Nous nous sommes engagés à associer les différentes disciplines et thématiques qui contribuent au développement, en connectant les communautés de chercheurs qui travaillent au service du développement : c'est notre raison d'être.

Depuis une dizaine d'années, la réorganisation universitaire et l'exigence de qualité incitent les instituts à s'aligner sur l'impératif d'excellence académique et la publication dans des revues prestigieuses, dites de rang 1. Les instituts de recherche dans le Sud en ont progressivement abandonné certaines de leurs spécificités, pour adopter des profils plus académiques. Cette évolution ne va pas sans poser de problèmes, ni interroger sur le fond : il me paraîtrait insensé que la France se défasse de ses outils de recherche dans le Sud, qui sont uniques et qui représentent un facteur d'influence non négligeable. Des impératifs financiers existent, nous devons optimiser l'organisation des moyens, mais nous nous ferions du tort à abandonner des secteurs de recherche où nous excellons aujourd'hui et qui sont des outils de coopération internationale, y compris avec des pays émergents comme la Chine ou le Brésil - des coopérations qui peuvent, plus souvent qu'on ne le croit, ouvrir sur des avancées technologiques et la conquête de marchés.

Nos moyens sont trop dispersés, il faut les articuler davantage. J'insiste sur l'excellent niveau des opérateurs français : l'Agence française de développement (AFD), par exemple, même si elle est plus petite que certaines de ses homologues, par exemple allemande, des largement reconnue pour sa compétence et sa capacité d'influence. Pour améliorer l'efficacité de nos institutions, nous devons leur donner des priorités géographiques communes et articuler leurs interventions dans un ensemble plus cohérent. De fait, quels que soient les efforts de rapprochement des institutions ici et là, nous sommes loin de l'optimum.

Je souhaiterais vous présenter les chantiers qui m'apparaissent majeurs pour les années à venir. Le plus important d'entre eux tient dans la définition des objectifs du développement dit « durable ». D'ici 2015, chaque pays devra déterminer son plan d'action, dans cadre de priorité commun. Jusqu'à présent, les objectifs du millénaire pour le développement concernaient les questions de santé, d'accès à l'eau et à l'alimentation, orientant les programmes de recherche. Le contexte actuel pousse à élargir ces objectifs aux questions d'environnement, telles que la préservation des ressources naturelles ou la protection de la biodiversité. La fusion de ces deux visions créera un cadre d'intervention plus intégré pour nos instituts de recherche. Il me semble que les Assises du développement n'ont accordé que peu de place à la recherche, alors qu'elle est essentielle dans une période charnière comme la nôtre. En effet, la recherche peut identifier les synergies entre les objectifs d'éradication de la pauvreté et ceux de protection de l'environnement, et elle peut cibler les ressources à mobiliser pour le développement durable. Il faut redonner un sens à la recherche et, de ce point de vue, les Assises du développement me paraissent avoir été un rendez-vous manqué. La France accueillera la conférence sur le climat en 2015, sujet éminemment transversal puisqu'il regroupe des questions d'agriculture, d'énergie, de ressource en eau. C'est un contexte particulièrement motivant : nous ne devons pas manquer ce rendez-vous, il faut mobiliser le milieu scientifique.

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