Mission d'information sur l'action extérieure de la France

Réunion du 5 juin 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • IDDRI
  • institut
  • partenariat
  • sud
  • équipe

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Cette mission d'information, dont l'excellente initiative revient à Mme Ango Ela et à son groupe, examine l'action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement, en particulier les partenariats et coopérations entre le Nord et le Sud, pour, si possible, les conforter, à tout le moins les rendre le plus efficaces possibles. Le positionnement de l'IDDRI nous intéresse particulièrement : quel est votre point de vue sur le sujet ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

La France dispose d'un appareil de recherche de très haut niveau et très investi sur le plan international, nous figurons aux toutes premières places sur certains grands sujets sectoriels, comme l'agriculture, l'alimentation et la santé. Cependant, nos institutions de recherche sont par trop spécialisées et elles avancent trop souvent en ordre dispersé.

J'ai créé l'IDDRI en 2002 avec d'anciens collègues exerçant dans les instituts de recherche : l'institut est une fondation de coopération scientifique, associant des acteurs publics et privés - le CIRAD, le CNRS et l'INRA en sont membres de droit, tout comme l'Agence Française de Développement (AFD). Nous nous sommes engagés à associer les différentes disciplines et thématiques qui contribuent au développement, en connectant les communautés de chercheurs qui travaillent au service du développement : c'est notre raison d'être.

Depuis une dizaine d'années, la réorganisation universitaire et l'exigence de qualité incitent les instituts à s'aligner sur l'impératif d'excellence académique et la publication dans des revues prestigieuses, dites de rang 1. Les instituts de recherche dans le Sud en ont progressivement abandonné certaines de leurs spécificités, pour adopter des profils plus académiques. Cette évolution ne va pas sans poser de problèmes, ni interroger sur le fond : il me paraîtrait insensé que la France se défasse de ses outils de recherche dans le Sud, qui sont uniques et qui représentent un facteur d'influence non négligeable. Des impératifs financiers existent, nous devons optimiser l'organisation des moyens, mais nous nous ferions du tort à abandonner des secteurs de recherche où nous excellons aujourd'hui et qui sont des outils de coopération internationale, y compris avec des pays émergents comme la Chine ou le Brésil - des coopérations qui peuvent, plus souvent qu'on ne le croit, ouvrir sur des avancées technologiques et la conquête de marchés.

Nos moyens sont trop dispersés, il faut les articuler davantage. J'insiste sur l'excellent niveau des opérateurs français : l'Agence française de développement (AFD), par exemple, même si elle est plus petite que certaines de ses homologues, par exemple allemande, des largement reconnue pour sa compétence et sa capacité d'influence. Pour améliorer l'efficacité de nos institutions, nous devons leur donner des priorités géographiques communes et articuler leurs interventions dans un ensemble plus cohérent. De fait, quels que soient les efforts de rapprochement des institutions ici et là, nous sommes loin de l'optimum.

Je souhaiterais vous présenter les chantiers qui m'apparaissent majeurs pour les années à venir. Le plus important d'entre eux tient dans la définition des objectifs du développement dit « durable ». D'ici 2015, chaque pays devra déterminer son plan d'action, dans cadre de priorité commun. Jusqu'à présent, les objectifs du millénaire pour le développement concernaient les questions de santé, d'accès à l'eau et à l'alimentation, orientant les programmes de recherche. Le contexte actuel pousse à élargir ces objectifs aux questions d'environnement, telles que la préservation des ressources naturelles ou la protection de la biodiversité. La fusion de ces deux visions créera un cadre d'intervention plus intégré pour nos instituts de recherche. Il me semble que les Assises du développement n'ont accordé que peu de place à la recherche, alors qu'elle est essentielle dans une période charnière comme la nôtre. En effet, la recherche peut identifier les synergies entre les objectifs d'éradication de la pauvreté et ceux de protection de l'environnement, et elle peut cibler les ressources à mobiliser pour le développement durable. Il faut redonner un sens à la recherche et, de ce point de vue, les Assises du développement me paraissent avoir été un rendez-vous manqué. La France accueillera la conférence sur le climat en 2015, sujet éminemment transversal puisqu'il regroupe des questions d'agriculture, d'énergie, de ressource en eau. C'est un contexte particulièrement motivant : nous ne devons pas manquer ce rendez-vous, il faut mobiliser le milieu scientifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Merci pour ce propos éclairant, qui ouvre des perspectives nouvelles à notre mission. L'IDDRI compte des membres fondateurs publics et privés : comment conciliez-vous les deux secteurs ? Votre institut reste-t-il indépendant ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Nous avons créé cet institut ex nihilo, sans savoir exactement où nous allions. Onze ans plus tard, l'IDDRI s'est considérablement stabilisé et bénéficie d'un fort affectio societatis. Les règles fixées au départ se sont avérées résilientes et fructueuses. Depuis le début, nous revendiquons notre statut d'un institut de coopération scientifique, par opposition à un bureau de consultants. L'IDDRI n'engage aucune recherche pour une entreprise particulière. Nos travaux sont publics. Au-delà du financement, certes primordial, travailler avec des partenaires privés nous permet de réfléchir autour d'informations et de questions propres à chaque entreprise. Nous estimons qu'en réunissant des personnes aux compétences différentes et en confrontant un regard public et un regard privé, nous identifions des questions dépassant les conflits d'intérêts immédiats.

Je vous citerai deux exemples réussis. Nous souhaitions comprendre ce que la décarbonation de notre système énergétique signifiait pour les industries françaises et européennes. Nous avons donc mené un exercice avec les grands groupes industriels français membres de l'IDDRI autour de trois grandes équipes de recherches, dix entreprises et des membres de l'administration intéressés par le suivi des travaux. Nous avons élaboré des questions et créé un modèle afin de simuler l'impact sur chaque secteur, préciser les problèmes et identifier des solutions. En réunissant autour de la table des entreprises concurrentes, comme GDF SUEZ, EDF, Veolia, Lafarge ou Saint-Gobain, différentes visions se sont affrontées. Les entreprises ont apporté de nombreuses informations, l'analyse s'en est trouvée enrichie. Personne n'a revendiqué la propriété de ces résultats, rendus publics. Deuxième exemple : nous cherchions à déterminer la validité des partenariats entre les secteurs public et privé dans les services d'eau au Maroc, en Inde et en Indonésie, avec à l'esprit cette question globale, intéressant toutes les entreprises concurrentes que nous avons associées pour l'occasion : quel modèle et quelles solution technique pour faire accéder les plus démunis à l'eau potable ? Nous avons publié les résultats, avec l'appui de l'AFD et je crois que la collaboration des acteurs directs de ces problématiques enrichit considérablement l'information et l'analyse.

L'IDDRI est également un lieu de débat pour l'administration avec le secteur privé, en témoignent nos conseils d'administration dont les débats sont longs et fructueux. Cette réussite repose cependant avant tout sur des personnes et tient à l'implication personnelle des participants.

L'IDDRI est un institut de recherche, sans agenda politique ni campagne de communication : nous souhaitons faire progresser la cause de l'environnement car cela nous semble important pour le développement économique et social. Nous fournissons à nos administrateurs ainsi qu'aux équipes exerçant chez nos partenaires, les informations nécessaires afin qu'ils soutiennent ces idées au sein de leur entreprise. Des salariés du groupe Lafarge ont défendu des objectifs de réduction d'émission contraignants alors que spontanément, la politique de l'entreprise était autre. Ces contributeurs deviennent des agents de changement en faveur de l'environnement au sein de leur propre structure. Nous retrouvons là l'objet de notre fondation.

Nous définissons nos projets lors de nos conseils d'administration. Nous publions généralement nos travaux mais sur des sujets plus sensibles, comme le biocarburant, une partie de nos discussions se tient en privé. Notre travail s'avère long car beaucoup d'intervenants doivent s'exprimer. Enfin, le financement de l'IDDRI provient du secteur privé pour un tiers, de fonds internationaux pour un second tiers et du secteur public français pour le dernier tiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Quelle est l'origine de vos financements internationaux ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Une partie provient des financements de recherche européens. Certains gouvernements européens, britannique et allemand notamment, financent des travaux sur les énergies renouvelables. Enfin, des fondations internationales participent à certains programmes. Nous travaillons avec l'European Climate Foundation et la Children's Investment Fund Foundation, une fondation britannique. La Fondation Gates va commencer à nous financer. Contrairement à d'autres institutions environnementales internationales, nous recevons encore peu de fonds gouvernementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Quand les financements publics se font plus rares, les financements extérieurs sont non seulement nécessaires, mais également source d'indépendance...

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

L'indépendance exige des financements diversifiés, sauf lorsque le capital propre est important.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

L'IDDRI entretient-elle des partenariats spécifiques dans les pays du Sud ? Quelles sont vos réussites et vos regrets dans ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Nous développons des partenariats dans trois domaines. Le premier, dont je suis particulièrement fière et qui devrait porter ses fruits d'ici 2015, est un travail engagé avec des équipes de recherche dans les quatre grands pays émergents que sont le Brésil, la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud. Ces partenariats portent sur la vision de ces pays sur leur système énergétique aux horizons 2030 et 2050. Dans ce cadre, nous collaborons avec des experts exerçant auprès des gouvernements locaux. Nous avons exposé les travaux français et européens sur le sujet, en donnant beaucoup d'informations sur nos marchés et notre approche. En parallèle, nous nouons une relation de travail avec ces équipes. Nous accueillons des chercheurs, en envoyons sur place, organisons des séminaires. Ces nations s'investissent réellement. Ainsi, il y a quelques années, un engagement de la Chine sur une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre semblait impensable. Aujourd'hui, nous en sommes proches. Ce travail au quotidien nous permet de créer un canal de communication privilégié. Les programmes avec la Chine et le Brésil sont de vraies réussites. La collaboration se révèle plus compliquée avec l'Inde compte tenu de la situation actuelle du pays. Nous attendons des résultats qui seront utiles à la préparation de la conférence de 2015 sur le climat.

Pour m'être penchée avec attention sur les négociations sur le climat, je constate l'ampleur de l'incompréhension entre pays. Ces partenariats nous aident à nous comprendre plus en profondeur. Je pourrais également citer en exemple les partenariats réussis avec l'Indonésie et l'Afrique sur la biodiversité. Nous travaillons avec des équipes locales sur des outils légaux pour protéger des espèces et des savoirs.

Il m'est difficile d'évoquer un exemple d'échec particulier, car nous tentons de les oublier. Au départ, nous éprouvions de nombreuses difficultés à travailler avec l'Inde. En effet, leur logique restait très bureaucratique.

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

La réticence des Indiens tenait peut-être au système politique, au manque de maturité du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Les pays que vous évoquez sont davantage des pays émergents voire déjà avancés plutôt que des pays en développement.

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Nous collaborons également avec des pays pauvres comme le Bangladesh, le Sénégal ou de petites îles telles que Maurice et la Nouvelle-Calédonie sur les risques liés au changement climatique. Nous nous basons sur ce que nous connaissons des évolutions climatiques et des modèles de régionalisation des impacts. Nous abordons également le sujet urbain avec la Bolivie, le Maroc ou le Sénégal. Nous travaillons sur le lien entre les formes d'urbanisation et les transports publics. Ce programme de recherche a démarré il y a tout juste un an.

L'IDDRI demeure un petit institut. Nous nous demandons si nous devons nous agrandir ou continuer avec un effectif restreint.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Hormis pour ses performances, pour quelle raison un acteur du domaine s'adresserait spécifiquement à votre institut ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

La rencontre de plusieurs cultures scientifiques suscite un grand intérêt, d'autant que nous nous focalisons sur des programmes de recherche liés aux préoccupations de politiques publiques. Nous rapprochons des scientifiques avec la perspective pratique de résoudre des problèmes publics, plutôt que de nous engager sur la recherche fondamentale ; ensuite, nous sommes présents à l'international, où nous jouons un rôle d'interface utile aux chercheurs et aux administrations.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

A la lumière de votre expérience, quelles pistes auriez-vous à nous suggérer ? Les opérateurs sont nombreux, avec chacun ses références et son histoire : pensez-vous, par exemple, qu'un guichet unique soit envisageable et qu'il serait utile ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

La question est délicate. La France dispose d'institutions internationales avec l'IFRI et l'IRIS, des think tanks liés aux questions de politique publique. J'avais envisagé une fusion de l'IDDRI avec une autre institution, mais nous avons finalement rejoint Sciences Po. Comment cela se passe-t-il chez nos homologues européens ? Les Allemands ne sont pas particulièrement performants et les grands exemples dans ce domaine restent pour la plupart anglo-saxons : le World Resources Institute ou le Stockholm Environment Institute emploient chacun environ 300 chercheurs. Regrouper les plus petits instituts pourrait avoir un sens, mais cela me parait difficile.

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Si ces institutions jouent vraiment leur rôle d'interface auprès de tous les acteurs français, je ne juge pas utile d'avoir un « guichet unique ». J'ai participé à de nombreux rapports sur le regroupement des institutions de recherche. Je pense que nous devrions déterminer si nous souhaitons nous positionner sur un modèle de recherche universitaire : dans ce cas, un regroupement n'aurait pas de sens. Nous nous dirigerions alors vers l'incorporation de tous les instituts au sein des universités et mettrions ces dernières en compétition.

A l'inverse, nous pouvons estimer qu'il existe une spécificité de la recherche pour le développement. Dans le premier modèle, nous ne nous posons pas de questions : les grands instituts s'associent à des universités et nous laissons faire. Je reste convaincue que nous devons conserver cet outil. Dans ce contexte, la question de la pertinence de l'IRD se pose. Le CIRAD et l'INRA ont effectué le travail nécessaire pour se rapprocher. Aujourd'hui, ces deux institutions mêlent la spécificité du CIRAD avec des chercheurs expatriés et des lignes de recherche définies en commun. L'IRD n'a pas réussi son rapprochement avec le CNRS, mais la tâche était compliquée. Par ailleurs, la création de l'Agence Inter-établissements de Recherche pour le Développement (AIRD) ne me convainc pas : j'estime que l'ANR pouvait assumer cette fonction. Les appels à regroupement, positifs ou négatifs, lancés auprès des universités n'ont pas été réédités auprès des instituts de recherche. Créeraient-ils de grands pôles thématiques ? Je l'ignore : les réformes structurelles restent difficiles en temps de crise.

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

La question de la dimension adéquate de ces institutions reste effectivement posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Vous mentionnez l'Inde, la Chine, le Brésil, de très grands pays. Le fonctionnement de l'IDDRI est-il adapté et sa taille est-elle suffisante pour répondre à leur besoins ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Notre institut est certes trop petit pour épuiser la demande possible de coopération avec de tels pays et nous sommes à la fois en compétition et en collaboration avec les grands instituts. Nous intervenons parfois en amont, avant que les pays ne se tournent vers les organismes les plus importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Quelles actions souhaitez-vous mener en aval de la recherche sur les politiques publiques des pays du Sud ? Ensuite, vous dites ne pas être convaincue par l'AIRD : mais quelle est alternative, puisque l'ANR ne finance aucune équipe du Sud ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Le financement des équipes du Sud est une question centrale et si nous réorganisons ces institutions, cet aspect devra évoluer. En travaillant avec le Sénégal, nous nouons des relations avec l'université de Dakar et avec le ministre de l'environnement. Nous travaillons sur les questions de déforestation dans le bassin du Congo avec le ministre de l'environnement camerounais et son homologue en République Démocratique du Congo. Souvent, les gouvernements ne considèrent pas leurs universités comme des interlocuteurs valables, ce qui peut être un obstacle et ce qui constitue pour nous un objectif d'action : nous devons aider à ce que les équipes de chercheurs soient considérées à leur juste valeur. Les choses avancent de ce côté, nous l'avons constaté au Cameroun et au Sénégal.

A l'initiative de l'université de Columbia à New-York dans laquelle j'enseigne, 22 universités dans le monde proposent un nouveau Master en pratiques environnementales. En mettant en place un curriculum commun avec une reconnaissance mutuelle des diplômes et un partage des cours, nous confortons les universités, qui sont des agents de changement dans leur pays. C'est l'une des clés : mieux vaut conforter la légitimité des équipes nationales plutôt que nous poser en experts internationaux - je crois que les choses évoluent très positivement sur ce point, d'autant que la technologie facilite le partage de la connaissance. Nous pouvons ainsi former un grand nombre de personnes et leur donner la parole, notamment au Sénégal où le gouvernement apparait très ouvert sur ce point. Toutefois, cette mission revient peut-être aux équipes du CIRAD et de l'IRD qui se trouvent sur le terrain. La démarche actuelle qui consiste à se présenter en conseil direct disparaît d'elle-même, puisque nous n'en avons plus les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Avez-vous des pistes pour intégrer davantage l'AFD à cette valorisation de la recherche dans les pays du Sud ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Depuis plusieurs années, l'AFD nourrit le débat local plutôt que d'imposer des politiques publiques : cette évolution est positive. L'intégration de chercheurs du Sud pourrait peut-être figurer au cahier des charges : ce serait un progrès, car leur implication est un facteur de changement pérenne. En tout état de cause, je crois que l'Agence, qui est une grande institution, a des marges de progrès pour mieux intégrer la recherche et les chercheurs du Sud dans ses interventions.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

L'AFD est effectivement un outil performant à ne pas fragiliser. Ses équipes, réparties dans le monde, sont très efficaces. Etes-vous favorable à un rapprochement entre le secteur public et le secteur privé ?

Debut de section - Permalien
Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Ce rapprochement est indispensable mais il doit être réalisé dans de bonnes conditions. Nous devons dépasser les conflits d'intérêts et être très attentifs aux procédures d'appel d'offres, sachant que le développement requiert des investissements - mais que les malfaçons de certains investissements retardent le développement. C'est pourquoi je milite pour un dialogue informé et rigoureux, avec l'expertise d'un tiers. Notre méthode n'est pas miraculeuse mais elle fonctionne. Nous n'avons pas d'autres solutions puisque l'aide au développement ne résoudra pas ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Monsieur le Ministre, nous vous remercions très sincèrement d'accepter de partager avec nous un moment de travail. Dans cette mission, initiée par Madame Ango Ela et le groupe écologiste, nous examinons la place occupée par la recherche dans les politiques de développement et les moyens de favoriser le développement des pays concernés. Nous nous attachons particulièrement aux nations du Sud avec lesquelles nous entretenons une importante tradition de coopération. Ces échanges nous paraissent essentiels face à l'accession de certains pays à des places éminentes et à la progression de pays dits « pauvres ».

Debut de section - Permalien
Erik Solheim, Président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Je vous présenterai un aperçu des domaines de développement abordés par le CAD. Ma collègue, Chantal Verger, qui connait bien les politiques de recherche françaises, pourra vous préciser l'ordre du jour de la recherche au CAD.

Le bilan des dix dernières années en matière de développement est contrasté : pour certains, nous avons perdu une décennie, tant les problèmes paraissent au moins inchangés, au pire aggravés ; cependant, l'éducation progresse et, surtout, la pauvreté absolue diminue de 1 % par an depuis 1990, ce qui a réduit de moitié la misère dans le monde. Nous ambitionnons de l'éradiquer entièrement.

Le monde devient multipolaire : l'époque est révolue où l'Europe et les Etats-Unis, avec peut-être le Japon, définissaient l'ordre du jour mondial. La Chine est assurément le nouvel acteur principal, aux côtés de pays comme le Brésil. Ces Etats ont reçu beaucoup d'aide au développement et la Chine en est devenu le principal pourvoyeur. L'Indonésie, la Turquie, le Chili, l'Inde, le Mexique ou le Pérou ont « émergé » à leur tour. Notre principale problématique est de tendre la main à tous ces « nouveaux venus » dans notre monde. Si ces pays semblent plus prometteurs en termes démocratiques, des efforts restent à accomplir en matière de changement climatique et d'énergies renouvelables.

L'aide au développement reste considérable, mais son montant est inférieur à l'investissement privé, aux échanges commerciaux et aux subventions pour l'énergie fossile. Dans ce contexte, nous sommes favorables à l'instauration d'une taxe spécifique pour le développement mondial, comme plusieurs pays le proposent, par exemple la France avec l'idée d'une taxe sur les mouvements internationaux de capitaux. De fait, la fiscalité est très perfectible à l'échelle mondiale - George Osbourne, le ministre britannique des Finances, s'est indigné du fait que Google, Starbucks et Amazon ne paient pas d'impôts au Royaume-Uni, de même qu'ils n'en paient pas en Afrique. Il est certain que les pays en développement ont besoin de moyens pour commencer à rattraper les autres, il faut trouver de nouveaux financements.

En tant que bailleurs de fonds, nous nous focalisons sur le montant de l'aide : nous devrions davantage porter notre attention sur les bénéficiaires. En effet, le montant de l'investissement n'est pas synonyme de la qualité d'un système. En matière de santé, par exemple, la Norvège dépense plus, pour de moins bons résultats que la Finlande. Cela montre bien que la mesure d'efficacité doit aller bien au-delà du simple montant des investissements et que nous devons trouver les outils statistiques pour apprécier les résultats des politiques publiques.

En 2015, deux rendez-vous majeurs nous attendent : une conférence sur les objectifs de développement du millénaire à New-York et une grande conférence sur le changement climatique à Paris. Les objectifs de la finance et de l'environnement doivent converger, c'est un impératif général, qui conditionne également nos politiques d'aide.

Nous sommes donc dans un monde devenu multipolaire où des nations émergentes jouent un rôle grandissant. Ces pays apportent de nouveaux capitaux que nous devons apprendre à mieux utiliser. Enfin, il apparait nécessaire de faire converger les problématiques environnementales et les autres objectifs de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Merci, Monsieur le Ministre. Les faits que vous présentez constituent des données fondamentales de la politique de la France en matière de développement. Les conférences de New-York et de Paris figurent à l'agenda des pays qui, comme la France et la Norvège, essaient de conjuguer efficacité et possibilités financières. Cependant, les ressources ne sont pas infinies. Nous travaillons depuis longtemps à la mise en place de cette taxe sur les transactions financières. Le gouvernement actuel, tout comme le précédent, en examine l'affectation : lorsque les finances publiques vont mal, la tentation est grande d'affecter toute ressource nouvelle au budget général. Pourtant, nous savons bien que l'aide au développement est nécessaire au maintien de l'équilibre mondial. Les besoins actuels sont évalués à 180 milliards d'euros : une somme que nous ne saurions réunir sans ressources nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Nous nous intéressons à la recherche pour le développement dans les pays du Sud, émergents ou plus démunis. Quels contours et enjeux voyez-vous à cette recherche pour le développement ?

Debut de section - Permalien
Erik Solheim, Président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

La recherche pour le développement est importante, ses effets sont positifs, mais je crois que nous devons promouvoir une culture du résultat car sans résultats, aucun responsable politique ne peut défendre de telles dépenses auprès du grand public. Je crois que nous devons fixer un nouveau cap et relier l'attribution de l'aide, à l'atteinte des résultats attendus. C'est ce que nous avons fait pour la protection de la forêt amazonienne : la responsabilité en incombe au Brésil, les outils sont parfaitement identifiés, il s'est donc avéré particulièrement efficace de verser l'aide à mesure que les objectifs étaient atteints - et une fois seulement qu'ils l'étaient. Un tel dispositif, cependant, est difficile à mettre en place avec des pays très pauvres, qui manquent de capacité de recherche ou encore d'institutions pour mettre en place des politiques publiques partenariales, ce qui ne nous interdit pas, bien sûr, d'expérimenter.

Debut de section - Permalien
Chantal Verger, Direction de la coopération pour le développement de l'OCDE

Plusieurs pays membres du CAD disposent de programmes de recherche pour le développement. Les programmes de la France figurent parmi les plus importants, aussi bien dans le secteur de la santé, avec l'Institut Pasteur, que de l'agriculture, avec la CIRAD et l'IRD. En volume, la France apporte 250 à 350 millions de dollars par an ; des montants considérables, tant en valeur relative qu'absolue. En comparaison, elle alloue environ 200 millions d'euros au secteur de la gouvernance. Nous notons également l'existence d'une assistance technique considérable. Le CIRAD dispose de 800 chercheurs dans 90 pays, l'IRD emploie plus de 1 500 chercheurs et 9 000 personnes exercent dans 33 Instituts Pasteur répartis à travers le monde.

La recherche aide à formuler des stratégies de développement plus efficaces : c'est ce que la France vise en faisant participer les instituts de recherche et les universités à la définition des stratégies, par exemple lors des Assises du développement, ou encore lorsque l'AFD, s'engage, dans son contrat d'objectifs et de moyens, à définir ses programmes en concertation avec l'IRD et le CIRAD.

La recherche, ensuite, sert la cohérence des politiques pour le développement, en examinant si l'aide ne contrarie pas les efforts de développement des pays partenaires. Les instituts de recherche français sont membres du Groupe Interministériel sur la Sécurité Alimentaire : cette participation aide le Gouvernement à définir ses positions auprès de l'Union Européenne ou du G20.

Enfin, la recherche, via l'action des équipes sur place, se révèle importante dans le développement de certains pays. Au Cameroun et à Madagascar, les instituts de recherche français jouissent d'une très bonne réputation.

Nous pouvons améliorer l'impact de la recherche sur le développement, en prêtant plus d'attention à la mise en oeuvre même des programmes de recherche dans les pays partenaires. Les équipes locales de l'IRD connaissent cet enjeu, mais elles doivent composer avec les directives de leur direction, qui regarde surtout les résultats en termes de publications, selon les standards internationaux de la recherche. Il n'y a qu'un seul mécanisme d'évaluation pour tous les programmes de recherche, ce qui laisse peu de place aux spécificités de la coopération au développement. Le nombre de co-publications prouve l'effort de travail en partenariat. Cependant, il serait nécessaire d'évaluer l'impact de la recherche sur la coopération au développement.

Enfin, la fragmentation de nos institutions de recherche est une faiblesse, qui amoindrit la recherche dans les politiques de coopération. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) ne s'est pas réuni depuis 2009. Cela signifie que le Ministère de la Recherche n'a pas été impliqué dans la détermination des grandes orientations de la politique de coopération depuis quatre ans. La mission budgétaire « Aide publique au développement » n'intègre pas le budget de la recherche, pourtant important. Enfin, dans les pays partenaires, les documents cadres de partenariat, censés consigner l'ensemble des efforts de la France pour appuyer le développement d'un pays partenaire, font peu référence aux efforts de la recherche. Ces documents ne sont plus obligatoires que dans 17 pays dits « pauvres prioritaires ». La question se pose de la cohérence de l'ensemble des leviers d'action de la France dans les autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Estimez-vous que l'absence de cohérence constitue une réelle entrave à l'efficacité des politiques de recherche pour le développement ?

Debut de section - Permalien
Chantal Verger, Direction de la coopération pour le développement de l'OCDE

Ce manque de cohérence affecte le pilotage stratégique et la cohésion de l'effort de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Comment pourrions-nous prendre davantage en compte les politiques nationales des pays partenaires ? Comment s'assurer que les partenaires soient réellement pris en compte dans les documents cadres ?

Debut de section - Permalien
Chantal Verger, Direction de la coopération pour le développement de l'OCDE

Le document cadre est l'occasion d'un dialogue avec le pays partenaire, pour s'assurer de la cohérence avec les priorités nationales et de la complémentarité avec les réalisations d'autres acteurs. J'ignore ce qu'il adviendra lorsque ces documents cadres disparaîtront. Je pense que la France essaie de consulter davantage les autorités nationales. Ces documents s'inscrivent dans les quatre ou cinq grands axes stratégiques des programmes de lutte contre la pauvreté ou pour la croissance ; ces cadres sont si larges qu'il me semble aisé de s'y insérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Quels sont les points forts et les points faibles de l'action de la France, par comparaison avec les pays de l'Europe et de l'OCDE ?

Debut de section - Permalien
Chantal Verger, Direction de la coopération pour le développement de l'OCDE

La réponse exigerait une investigation supplémentaire, d'autant que le CAD ne dispose pas d'un groupe de travail consacré à la recherche pour le développement et que cette dimension n'est pas souvent mise en avant lors des examens par les pairs, car son volume financier reste faible. Quelques pays membres disposent toutefois d'importants programmes de recherche en la matière. L'Australie est relativement innovante dans le secteur de l'agriculture, le Royaume-Uni collabore avec ses instituts de recherche, la Belgique travaille beaucoup avec ses universités, très intégrées dans la coopération. Je pourrais vous transmettre les données chiffrées de certains pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Ces pistes sont intéressantes. Disposez-vous d'exemples de bonnes et de mauvaises pratiques de partenariats de la France avec des pays du Sud ?

Debut de section - Permalien
Chantal Verger, Direction de la coopération pour le développement de l'OCDE

Le rapport identifie des programmes positifs, comme celui du CIRAD à Madagascar. L'équipe d'examen a été impressionnée par la qualité de la recherche et la volonté de créer des équipes conjointes. L'effort de formation se révèle important mais non documenté car il n'apparait pas dans les critères d'évaluation. Il en va de même dans le domaine de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Vous présentez, Monsieur le Ministre, l'exemple d'aides délivrées a posteriori. Pourriez-vous expliquer cette pratique ? Connaissez-vous d'autres méthodes innovantes pour valoriser la culture du résultat ?

Debut de section - Permalien
Erik Solheim, Président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Cette méthode est encore marginale, mais j'estime qu'elle devrait être davantage utilisée, parce qu'elle est la plus transparente. Au Brésil, la déforestation a été réduite de 80 % et pays affiche la meilleure contribution en matière de protection de l'environnement ces dernières années, loin devant la Chine, l'Europe ou les Etats-Unis. Le Brésil a conçu et mis en place cette politique et a été partiellement rémunéré par des bailleurs de fonds internationaux qui attendaient des résultats. Des outils militaires américains ont été utilisés pour photographier chaque mètre carré de forêt et calculer précisément le degré de déforestation. Le Royaume-Uni a mis en place un système similaire en Afrique dans le secteur de l'éducation. Les aides dépendent du type d'enseignement dispensé et du respect de l'égalité entre les garçons et les filles. Ce système responsabilise les gouvernements des pays du sud par rapport à leurs concitoyens. Il permet également de montrer au public les résultats concrets obtenus.

Quelques mots, encore, des financements et des efforts de la France pour instaurer la taxe sur les transactions financières. L'aide au développement se maintient globalement, mais la part relative des contributeurs change : certains pays augmentent leur participation, comme la Chine, la Turquie ou le Brésil, ou encore la Grande-Bretagne, d'autres la diminuent fortement, comme l'Espagne, ou légèrement, comme les Pays-Bas. Les grandes déclarations ne manquent pas, comme celle d'Hillary Clinton promettant, devant la conférence de Copenhague sur le changement climatique, quelque 100 milliards de dollars supplémentaires pour la protection de l'environnement. Cependant, nous sommes très loin de cet objectif et nous ne l'atteindrons pas sans la contribution du secteur privé. Dans ces conditions, la taxe sur les transactions financière nous paraît nécessaire, les efforts de la France sont méritoires et nous devons convaincre l'Allemagne et l'Union Européenne d'agir dans ce sens. La taxation du carburant peut également représenter une source de financement innovante.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

La France a tenté de convaincre ses partenaires européens mais à ce jour, seuls huit ou dix des 27 pays de l'Union Européenne ont accepté. La question de l'affectation de cette taxe se posera également. Nous ne pourrons répondre à des besoins grandissants avec des enveloppes équivalentes. Nous avons besoin du produit de cette taxe.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Comment pouvons-nous mettre en place la culture du résultat dans un pays comme la République Centrafricaine, où la recherche reste très peu développée ?

Debut de section - Permalien
Erik Solheim, Président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Je reconnais la difficulté d'appliquer ce système dans certains pays mais nous ne devons pas y renoncer. Nous pouvons trouver des accords avec des entreprises privées ou créer des joint-ventures autour d'objectifs spécifiques. Le gouvernement ougandais, avec l'appui de sociétés du secteur de la santé, mobilise des fonds pour réduire le nombre de personnes atteintes de maladies afin de les éradiquer. S'il y parvient, les fonds seront débloqués. Nous devons expérimenter ce système.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Les résultats sont-ils déterminés de façon bilatérale, en fonction des besoins définis par les politiques nationales des pays du sud, ou multilatérale, à l'occasion de conférences internationales ?

Debut de section - Permalien
Erik Solheim, Président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Au Brésil, le Président Lula puis la Présidente Rousseff ont établi un projet dans l'enseignement avec des gouvernements étrangers, notamment celui de Norvège. Nous avons défini conjointement les résultats attendus et les mécanismes de suivi permettant de s'accorder sur la réalisation ou non des objectifs. Dans le cas de la déforestation de l'Amazonie, la performance atteinte s'est avérée bien plus élevée que les attentes. Je ne pense pas que les Brésiliens auraient accepté, il y a dix ans, de conclure un accord leur demandant de réduire la déforestation de 80 %. Si l'idée semblait sympathique, elle n'apparaissait pas réaliste compte tenu de la situation économique du pays. Aujourd'hui, le site du Ministère de l'Environnement affiche les preuves indiscutables de ces résultats. Effectivement, nous ne pouvons nous attendre à ce que le gouvernement centrafricain agisse de cette façon.

Le Royaume-Uni a mis en place ces obligations de résultats dans d'autres secteurs. Le meilleur exemple concerne les maisons d'arrêt. Nous essayons de fixer un objectif pour limiter la récidive. Ce système peut fonctionner car il implique la société civile. Dans le secteur de la santé, des groupes médicaux peuvent travailler en consortium avec le gouvernement et la société civile pour réduire le nombre de personnes atteintes par une maladie donnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Vous évoquiez la volonté de rapprochement entre les objectifs du millénaire pour le développement et la conférence sur le changement climatique. D'après vous, quelle est la nature des attentes et des écueils à éviter ?

Debut de section - Permalien
Erik Solheim, Président du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Une convergence me semble nécessaire dans deux domaines principaux : l'énergie et l'agriculture. L'énergie représente plus de 50 % des émissions responsables du changement climatique. Pourtant, 1,5 milliard de personnes ne sont toujours pas connectées à l'électricité. Ban Ki-moon a reconnu avoir appris à lire à la lueur de la bougie mais l'électricité facilite cet apprentissage. Tout le monde devrait avoir accès à cette ressource. Comme nous ne devrons pas la produire par les moyens traditionnels tels que le charbon, l'énergie et l'environnement doivent converger.

Nous devons également adapter l'agriculture à l'environnement. De nombreuses personnes pensent que les récoltes dépendent du climat, alors qu'elles dépendent de l'eau. La gestion de l'eau doit donc évoluer pour que l'agriculture devienne plus productive. Cet aspect me semble fondamental. L'Asie augmente sa production sur des territoires qui se restreignent tandis que l'Afrique produit moins sur un nombre plus important de terres arables. Sur ce continent, une révolution de la productivité s'avère nécessaire mais elle doit être pérenne.

La finance climatique me semble également essentielle. Malheureusement, aucun plan réaliste n'a été établi sur ce sujet, me laissant penser que nous ne trouverons pas d'accord lors de la conférence de Paris. Pourtant, plusieurs milliards de dollars sont en jeu. Ces sommes impliquent un investissement du secteur privé ainsi qu'une assurance d'obtenir des résultats, que nous ne pourrons fournir sans un leadership mondial. Peu de nations prennent des initiatives car la crise accentue la sensibilité aux risques. Néanmoins, la France peut endosser ce rôle. De nombreux Etats sont trop occupés par la crise, d'autres n'ont pas cette tradition du leadership hors de leurs frontières. Votre pays peut se targuer de cette culture grâce à sa société civile.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Monsieur le Ministre, je vous remercie infiniment pour cette rencontre, extrêmement instructive. Je ne doute pas que nous serons amenés à nous revoir car ces sujets nous intéressent particulièrement, au-delà de cette mission. Leur importance pour l'avenir de la planète est réelle.