Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 10 septembre 2013 à 9h30
Questions orales — Mariage et loi personnelle

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Madame la ministre, ma question porte sur les conséquences de l’interprétation de la hiérarchie des normes donnée dans la circulaire du 29 mai 2013 sur la mise en œuvre de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Le second alinéa de l’article 202–1 du code civil, voté par le Parlement au mois d’avril 2013, est clair : si une personne réside en France, sa loi personnelle, c’est-à-dire la loi du pays dont elle a la nationalité, ne doit pas limiter le droit au mariage. Pourtant, la circulaire précise que sont exclus de ce droit les ressortissants des pays avec lesquels la France est liée par des conventions bilatérales qui prévoient que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est celle du pays dont le ressortissant a la nationalité.

La soumission d’une personne à ce qui est appelé « sa loi personnelle » n’est pourtant pas un principe intangible de la France. Ainsi, notre pays accorde le droit d’asile à des personnes selon leur situation propre et en dehors de toute règle de conflit des lois, et sans considérer comme légitime la loi personnelle du demandeur. Il y est dérogé aussi pour des raisons d’ordre public.

Selon cette circulaire, le mariage entre un Français et un ressortissant d’Algérie, de Bosnie-Herzégovine, du Cambodge, du Kosovo, du Laos, du Maroc, du Monténégro, de Pologne, de Serbie, de Slovénie et de Tunisie serait impossible, par le seul fait de la nationalité de ce dernier.

Les ressortissants de ces pays ne seraient donc pas nés « libres et égaux en droit » face au mariage en France avec un citoyen français.

Interpréter les choses ainsi, dans le cas de ressortissants de pays de l’Union européenne comme la Pologne ou la Slovénie, revient à pratiquer, sur le territoire national, une violation du principe du droit européen de non-discrimination entre ressortissants des pays de l’Union européenne installés sur leur territoire par les États membres. Ce principe est intégré à un traité qui a fait l’objet d’une ratification, complétant les normes conventionnelles qu’il conviendrait de prendre en compte pour l’application de la loi votée au printemps dernier par le Parlement au nom de l’égalité.

Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Serbie et du Kosovo, la France n’a pas formellement ratifié de convention avec ces pays ; elle l’a fait avec la Yougoslavie. À l’exception de la Serbie, ces pays, parfois à la suite d’une guerre avec la Yougoslavie, ont déclaré leur indépendance. Je m’interroge donc, au regard des articles 52 à 55 de la Constitution, sur la pertinence à donner à des échanges de lettres confirmant les dispositions d’une convention franco-yougoslave datant de 1971 en matière de droit des personnes et de la famille le niveau conventionnel que nous leur attribuons par cette circulaire.

Quant aux autres pays concernés – Maroc, Cambodge, Laos, Tunisie, Algérie –, nombre de leurs ressortissants vivent en France depuis longtemps et il est regrettable qu’ils ne disposent pas du même droit que les autres résidents en matière de mariage, alors même que, précisément, ce droit au mariage leur est interdit dans leur pays d’origine. À ce titre, cette discrimination constitue une atteinte au principe d’égalité entre les habitants de notre pays.

En conséquence, madame la ministre, il est essentiel d’engager toutes les démarches pour qu’une loi votée au nom de l’égalité ne renvoie pas des ressortissants étrangers présents sur notre territoire à leur origine. Cela va à l’encontre de nos principes républicains et de la reconnaissance de droits identiques à tous les habitants de notre pays, condition d’une bonne intégration des étrangers dans notre pays.

Par ailleurs, madame la ministre, les dispositions précisées dans la circulaire sont-elles compatibles avec le principe de non-discrimination dans l’Union européenne consacré par traité ? En outre, je m’interroge sur une éventuelle dénonciation des dispositions conventionnelles actuelles, qui apparaissent en totale contradiction avec la volonté du législateur.

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