Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 10 septembre 2013 à 9h30
Questions orales — Mariage et loi personnelle

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Cette règle générale concerne 181 pays. Le Gouvernement avait toutefois immédiatement identifié une dizaine de conventions bilatérales précisant que la loi personnelle ne pouvait être suspendue. Ces textes sont de nature différente. Pour un certain nombre de pays, tels que la Tunisie, l’Algérie, le Laos ou le Cambodge, il est explicitement mentionné que les Français ne peuvent déroger à la loi personnelle. Il s’agit en fait de mesures de protection, ces conventions datant de la période coloniale ou postcoloniale. Pour autant, l’officier d’état civil, voire le procureur de la République ont beaucoup de souplesse et ne sont pas tenus de considérer que, pour les ressortissants de ces pays, il ne peut être dérogé à la loi personnelle.

Pour les autres pays que vous signalez à raison, notamment ceux qui ont composé l’ancienne Yougoslavie, la situation est différente. Il faut noter avec intérêt qu’aucune date de révision de la convention n’est prévue.

J’écarte immédiatement la comparaison avec le droit d’asile. En effet, ce dernier relève de la Convention internationale de Genève qui élabore le statut de réfugié. Par conséquent, c’est le statut de réfugié et non la nationalité qui est pris en compte. Je rappelle que, dans notre pays, le droit d’asile a une valeur constitutionnelle.

Vous avez parlé de discrimination, mais il s’agit bien plutôt de l’application des dispositions d’une convention internationale. Ainsi, le juge peut énoncer que l’interdiction du mariage est contraire à l’ordre public international français et donc souverainement décider d’autoriser ce mariage. Je conviens toutefois qu’il n’est pas satisfaisant de s’en remettre à des décisions de justice. Néanmoins, nous devons respecter notre droit interne et le droit international. D’où le sens de cette circulaire.

Par ailleurs, j’ai demandé à mon cabinet, notamment à mon conseiller diplomatique, et à l’administration du ministère de la justice de sensibiliser le secrétariat général aux affaires européennes, de mobiliser notre représentation permanente à Bruxelles et de retravailler la circulaire du 29 mai ainsi que la dépêche explicative du 1er août avec le ministère des affaires étrangères. C’est en effet celui-ci, et non le ministère de la justice, qui a la main pour renégocier éventuellement les conventions bilatérales, lesquelles portent sur de nombreux sujets et pas seulement sur la question du mariage.

Pour six pays, aucune date de révision n’est prévue, ce qui signifie que cette révision peut être introduite à tout moment. Cette mobilisation devrait nous permettre d’avancer, à un rythme différent selon les pays visés.

Quoi qu’il en soit, je suis bien déterminée à sortir de cette situation de blocage. En effet, même si elle ne concerne qu’une dizaine de pays, plus vraisemblablement seulement cinq ou six, il ne saurait y avoir d’exception à la règle et au principe d’égalité. C’est tout de même sous les auspices de l’égalité que la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été adoptée aussi bien par les députés que par les sénateurs.

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