Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 10 septembre 2013 à 21h30
Consommation — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Benoît Hamon, ministre délégué :

… alors qu’il est possible de l’accompagner dans un processus lui permettant d’éviter de basculer dans cette spirale dont on ne sort pas et qui produit, chaque semaine, des drames dans nos cités, nos villages et nos villes. Telle est la raison pour laquelle nous avons proposé cette mesure.

Mais nous ne nous sommes pas contentés de la seule création de ce registre, et vous m’excuserez si je reprends les autres mesures figurant dans le texte.

Nous diminuons la durée des plans de redressement de huit à cinq ans ; cela ne fait pas plaisir aux créanciers, et il ne vous aura pas échappé que la presse économique n’a pas chanté les louanges de cette loi, au motif qu’elle serait favorable à la politique du crédit !

Nous renforçons l’encadrement, dans le sillage de la loi Lagarde – vous avez eu raison d’y voir la démonstration du fait que ce gouvernement est tout sauf sectaire, car nous avons repris tous les progrès de la loi Lagarde. À l’Assemblée nationale, j’ai même dit que nous nous appuyions sur ce socle parce que nous avions enregistré que la loi Lagarde sur l’offre alternative de crédit avait permis des progrès, dès lors que le montant de l’achat dépasse 1 000 euros, en obligeant les organismes de crédit à proposer le choix entre un crédit amortissable et un crédit renouvelable. Nous voulons aller plus loin, parce que l’esprit de la loi Lagarde n’a pas été respecté partout sur le terrain. Il a été constaté que cette offre alternative n’était pas systématiquement présentée lorsque le montant de l’achat dépassait 1 000 euros.

En outre, nous portons le délai de résiliation des lignes « dormantes » de deux ans à un an. Combien de crédits renouvelables supprimons-nous grâce à cette mesure, qui tient en un alinéa ? Sachez-le : 8 millions ! Il n’y aura plus non plus de subprimes à la française si le projet de loi est voté, puisque nous y avons inscrit la suppression des hypothèques rechargeables.

Enfin – j’ai déjà évoqué cette mesure d’un mot, mais je vous prie de croire qu’elle hérisse quelques poils chez celles et ceux qui exercent le métier de banquier –, nous mettons en place un service d’aide à la mobilité bancaire et une réflexion sur la portabilité du numéro de compte.

Nous avons là des mesures qui, véritablement, nous permettront de mieux encadrer la politique de crédit, sans pour autant être dans l’ignorance d’une réalité qui a été décrite sur toutes ces travées : nous avons aussi besoin du crédit à la consommation ! Parce qu’on ne peut pas réaliser certains achats avec son seul salaire – l’achat d’un canapé, d’une télévision, d’une voiture, etc. –, on peut avoir besoin du crédit à la consommation. Ce dernier est donc indispensable pour soutenir la demande, au travers de la consommation des ménages. Au même titre que l’investissement des entreprises, qui est aussi une composante de cette demande, c’est un instrument important.

Notre objectif est donc d’encadrer ce système de crédit.

Si je tenais à vous apporter ces précisions, c’est pour insister sur le fait que le registre national des crédits aux particuliers n’est pas la seule mesure prise par le Gouvernement. Je ne résiste toutefois pas à la tentation de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ce jour où, dans une célèbre émission animée par Jean-Pierre Pernaut, Paroles de Français, le candidat à l’élection présidentielle que vous souteniez s’est prononcé en faveur d’un tel registre. Nicolas Sarkozy, répondant à M. Jean-Louis Kiehl de la Fédération CRESUS, qui l’interrogeait, avait dit : « Je le ferai ! ». Il ne l’a pas fait, puisqu’il n’a pas été élu… Pour ma part, je considère que c’est une mesure de bon sens politique !

Par ailleurs, pour répondre à Mme Dini – je m’étais déjà exprimé sur ce point, mais je vais de nouveau préciser ma position –, il est une mesure à laquelle, après y avoir réfléchi, notamment avec les associations, je ne suis pas favorable. Il s’agit du recours aux trois derniers relevés de compte. Pourquoi ? Tout d’abord, il faudrait penser à se promener avec ses relevés de compte bancaire au cas où – il peut encore y avoir un peu d’achat compulsif – on souhaiterait faire un crédit. Ensuite et surtout, on se met beaucoup plus à nu en montrant le détail de ses relevés plutôt qu’en ayant précisé, sur une fiche, la totalité des crédits à la consommation que l’on a déjà contractés.

S’agissant maintenant de l’identifiant – la question a été soulevée par Mme Lamure, me semble-t-il, ainsi que par plusieurs autres orateurs –, nous avons aussi été interpelés sur le sujet par le Conseil d’État et par la CNIL, et avons répondu à leurs demandes. Nous n’utiliserons pas le numéro d’inscription au répertoire, le NIR, qui sera réservé à la sphère sociale, et nous avons commencé, en lien avec la Banque de France, un travail de réflexion sur un identifiant qui comprendrait des éléments d’état civil, ainsi que d’autres éléments afin d’éviter au maximum les risques d’homonymie. Cet identifiant, me semble-t-il, pourrait être demain l’identifiant de la sphère bancaire ou financière et pourrait peut-être nous être utile dans le cadre de la réflexion sur la portabilité du numéro de compte bancaire, si jamais nous la prolongeons. Quoi qu’il en soit, nous travaillons sérieusement sur cette question, évidemment en veillant à prévoir toutes les garanties en matière de préservation des libertés individuelles.

Vous n’avez pas à me croire sur parole, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je n’ai pas proposé ce registre national des crédits aux particuliers pour ficher les pauvres de ce pays ! Ce n’est pas non plus pour cela que les associations le proposent ! D’ailleurs, on estime à 10 ou 12 millions le nombre de personnes qui, ayant recours au crédit à la consommation, seront concernées par le dispositif. Celui-ci ne se restreint donc pas aux plus pauvres. L’objectif est bien sûr d’éviter le crédit de trop !

Nous débattrons de ce sujet, mais il me semblait important, en ouverture de nos discussions, de rappeler l’approche qui a été la nôtre : elle ne peut se résumer à cette seule question du RNCP.

Par ailleurs, j’ai promis de répondre à Mme Procaccia, qui n’est pas parmi nous ce soir, mais qui m’a assuré qu’elle me regarderait sur internet. Elle doit donc suivre la séance en streaming, ce qui me permet, en passant, de la saluer !

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