Car, pardonnez-moi de le dire, on a pu constater qu’un certain nombre d’acteurs avaient déjà « fauté » et recommençaient à le faire.
Cette affaire des sanctions ne vise donc en aucun cas à stigmatiser les entreprises. Je trouve d’ailleurs toujours amusant que l’on fasse des distinctions entre ceux qui connaissent les entreprises et ceux qui ne les connaissent pas. Si ceux qui prétendent les connaître les connaissaient si bien, nous aurions vécu une belle période de croissance pendant dix ans, avec des entreprises florissantes. Or il est impossible d’établir un lien entre croissance et direction du pays par ceux qui, prétendument, connaissent les entreprises.
Il faut arrêter de se jeter l’anathème. À titre personnel, j’ai une expérience dans le secteur privé que, peut-être, plusieurs d’entre vous n’ont jamais eue. Chacun peut parler de ce qu’il connaît et, en l’occurrence, je ne prétends pas mieux connaître les entreprises, alors que j’ai travaillé en entreprise, que d’autres qui n’y ont jamais mis les pieds.
En outre, en tant que responsables politiques, nous devons pouvoir nous mettre en situation de défendre l’intérêt général. Il n’est pas nécessaire d’être médecin pour parler de santé, d’être chef d’entreprise pour parler d’entreprise, d’être membre d’un syndicat pour parler des intérêts des salariés. C’est le rôle des sénateurs et, plus généralement, des représentants de la République d’être en capacité d’évoquer tous ces sujets, sans que l’on n’ait auparavant à examiner leur curriculum vitae. Je tenais à le dire car ce genre d’approche me dérange un peu.
J’en viens enfin à l’action de groupe. Il me semble, madame Lamure, que vous avez évoqué à ce sujet une certaine impréparation. J’ai trouvé que vous étiez un peu sévère et, dans le même temps, je pense honnêtement que nous avons tous cheminé parallèlement sur la question, même si – c’est de bonne guerre – on pourra toujours vous reprocher d’avoir annoncé que vous vouliez le faire et de ne pas l’avoir fait. Richard Yung l’a d’ailleurs souligné avec une certaine légitimité…
Que nous efforçons-nous de faire ? Le Gouvernement n’a pas pour objectif de créer une charge supplémentaire pour les entreprises. Le projet de loi ne comporte pas une seule ligne – j’y insiste ! – portant sur une quelconque procédure administrative supplémentaire à la charge des entreprises françaises. Ce projet de loi ne change rien au quotidien des entreprises de notre pays.
Quel est l’apport du présent texte ? Désormais, parce qu’elles seront exposées à de nombreux clients potentiellement lésés, les entreprises tenteront de prévenir une éventuelle action de groupe en améliorant, en amont, leur relation avec leurs clients et, plus globalement, avec les consommateurs. J’estime cela positif.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué – il me semble que c’est M. Alain Fauconnier qui l’a fait le premier –, pour qualifier l’action de groupe que ce projet de loi a pour ambition de créer, une « arme de dissuasion ». C’est exactement cela ! L’action de groupe va multiplier les médiations, améliorer la qualité de la relation avec les clients, conduire les entreprises à être attentives à construire une médiation intelligente avec les associations de consommateurs, dès lors qu’elles s’estimeront potentiellement exposées à une procédure incontestablement coûteuse en termes d’image.
En revanche, lorsqu’il n’y a pas de médiation possible, parce qu’un fait délictueux a été objectivement constaté, une pratique anticoncurrentielle détectée ou encore un contrat de consommation rompu, le présent texte permettra – enfin ! – au consommateur lésé d’être indemnisé du préjudice économique qu’il a subi.
Nous allons discuter de tous les aspects de cette action de groupe. Le travail effectué dans cette perspective par la commission des lois et par M. le rapporteur Martial Bourquin nous sera très utile.
J’entends dire que l’instauration d’une action de groupe dite « simplifiée » serait un aveu, celui que l’autre dispositif créé par ce projet de loi serait trop complexe à mettre en œuvre. Cet argument est fallacieux ! Le Gouvernement souhaite simplement établir une distinction entre deux types de situation : celui dans lequel les clients faisant l’objet d’un préjudice ne sont pas identifiés et celui dans lequel ces derniers sont connus à l’avance, parce que l’entreprise responsable d’un fait délictueux dispose du fichier des clients lésés.
Cette distinction est assez simple. Un opérateur téléphonique, par exemple, dispose d’un fichier de clients. S’il fait l’objet d’une condamnation, il connaît donc parfaitement l’identité de ceux qui sont en droit d’être indemnisés d’un préjudice subi. En revanche, dans le cas, par exemple, des barquettes de lasagne, que j’ai évoqué tout à l’heure, il n’était pas possible d’identifier ceux qui avaient acheté ces produits. Ce second type de cas exige par conséquent une démarche de publicité, afin de permettre aux consommateurs de se faire connaître.
Il est donc logique que les modalités de liquidation de l’action de groupe soient adaptées. Le Gouvernement a de ce fait souhaité qu’une procédure dite « accélérée » puisse être mise en œuvre dans les cas où le fichier des clients lésés est connu à l’avance. Il s’agit tout simplement d’améliorer la protection des consommateurs. En tout cas, je me réjouis du débat que nous aurons sur ce sujet.
Je terminerai par un sujet qui a été évoqué par M. Richard Yung, par Mme Bonnefoy et par Mme Aïchi : la question du périmètre. L’action de groupe, c’est avant tout une « procédure valise » – je ne sais pas si l’expression est juste –, en ce sens qu’il y a plusieurs types d’actions de groupe. Il n’y a pas un type unique d’action de groupe, dont le Gouvernement étendrait progressivement le champ à la santé, puis à l’environnement.
Nous créons une action de groupe dans le champ spécifique de la consommation. Et elle s’épanouira strictement dans ce domaine. Je le répète, lorsque Marisol Touraine vous présentera un texte, au début de l’année 2014, celui-ci traitera du champ de la santé. Les victimes du Mediator, par exemple, ne demandent pas à être exonérées du prix de ce médicament : elles demandent à être remboursées du préjudice corporel qu’elles ont subi.
Or, en l’occurrence, le juge a besoin d’être éclairé par une expertise au cas par cas sur les conséquences, par exemple, de l’exposition à l’amiante, ou de l’absorption du Mediator, ou encore de la pose d’une prothèse PIP sur un individu à chaque fois différent, souffrant de telle ou telle pathologie, ayant tel ou tel âge, et présentant d’autres caractéristiques qui exigent que l’on mesure, par exemple, les conséquences de l’absorption d’un médicament sur sa santé. Nous créons donc plusieurs procédures différentes, dont une qui sera spécifique à la santé.
S'agissant de l’environnement, prenons l’exemple de la pollution. Celle-ci a des conséquences écologiques sur l’écosystème, des conséquences économiques sur le tourisme, des conséquences sanitaires sur les personnes chargées de nettoyer les plages goudronnées. La pollution peut donc entraîner trois effets bien différents. C’est la raison pour laquelle les engagements qui avaient été pris par Delphine Batho et qui ont été confirmés par Philippe Martin lors des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement consistaient à mettre en place des groupes de travail consacrés à l’action de groupe dans le champ particulier de l’environnement.
Nous sommes donc sur une fusée à trois étages. Par principe, il est nécessaire qu’un premier étage se détache : c’est l’action de groupe dans le champ de la consommation. L’action de groupe en matière sanitaire viendra ensuite, suivie elle-même par une procédure en matière d’environnement.
Le mieux est l’ennemi du bien : à vouloir aller trop vite, nous nous serions heurtés à une absence de consensus et à un défaut de réponse commune. Les débats, certes, ont été particulièrement animés. Il en est d'ailleurs allé de même à l’Assemblée nationale. Pour autant, nous avons connu des débats bien plus clivés : chacun reconnaît, en effet, que la procédure d’action de groupe prévue par le présent texte permettra de mieux protéger le consommateur et répondra à l’objectif d’aboutir à une solution dans un contexte où l’action en représentation conjointe n’a absolument pas donné satisfaction, puisqu’elle a été très marginalement utilisée, jusqu’ici, dans le droit français.
Voilà ce que je voulais vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs. Je n’ai pas répondu, loin de là, à toutes vos interrogations. Je reviendrai, avec Bernard Cazeneuve, sur les remarques qui ont été faites par M. François Trucy et Mme Michèle André sur les jeux en ligne. Je répondrai également aux autres remarques qui ont été faites.
Nous aurons l’occasion de débattre dans le détail des mesures sectorielles qui ont été évoquées. Je répondrai également aux interrogations de M. Poniatowski sur la question de l’énergie et sur l’existence, que je confirme, de mesures dérogatoires concernant les distributeurs d’énergie dans le code de la consommation, qui demeurent applicables en dépit des nouvelles dispositions prises pour la transposition en 2013 de la directive européenne relative aux droits des consommateurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quel que soit le groupe politique auquel vous appartenez, je tiens en tout cas à saluer, pour avoir écouté attentivement vos conclusions, l’esprit d’ouverture dont vous avez témoigné concernant votre attitude au moment du vote final. Je ferai montre du même esprit d’ouverture lors de l’examen des différents amendements.
Il y a plusieurs points sur lesquels nous ferons évoluer le texte. Et je m’appliquerai à être le plus constructif possible, guidé par le souci de dégager de larges majorités. Certes, il m’arrivera, sur ce banc, d’être battu quelquefois, hélas. Je ne l’espère pas, mais j’accepte l’éventualité de cette configuration. En tout cas, tel est l’esprit du Gouvernement.
Je voulais vous remercier pour la qualité des arguments échangés, toujours adossés à une analyse de fond : cela montre qu’il est possible d’adopter, même sur un sujet tel que la consommation, des approches de gauche ou de droite, ce qui est plutôt sain, d’ailleurs, dès lors que ces approches sont fondées sur des arguments ancrés dans la réalité. Je serai très heureux de poursuivre le débat avec vous pendant de longues heures encore. §