Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC est bien évidemment favorable à l’action de groupe à la française.
Cependant, il faut dire qu’il serait illusoire de croire que la création d’une telle procédure destinée à faire respecter les droits des consommateurs puisse pallier les défaillances de la police économique qui seraient causées par le manque de moyens. Nous souhaitons réaffirmer ici l’importance des missions qu’il appartient à l’État d’assurer pour prévenir ou sanctionner les comportements illégaux dans le domaine de la consommation et de la concurrence. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, une légère augmentation des effectifs. Nous savons tous que cela ne suffira pas !
Accroître la prévention des contentieux et, donc, la protection en amont des consommateurs, passe inévitablement par un renforcement des moyens de la répression des fraudes, mais également par l’assurance d’une indépendance et d’une expertise publique, notamment dans le cadre des contrôles sanitaires ou de sécurité des produits.
Cette précision est importante, car il serait faux de penser qu’un nouveau recours contentieux pourrait lutter contre toutes les dérives et les pratiques commerciales abusives.
De plus, force est de constater que la privatisation d’un certain nombre de secteurs de l’économie a entraîné une baisse de la qualité de service pour les usagers devenus consommateurs, dans le domaine de la téléphonie, en particulier, mais également dans les domaines des transports ou de l’énergie. J’ai, d’ailleurs, été très heureuse d’entendre des collègues de l’UMP livrer leur pensée selon laquelle la concurrence libre n’a pas toujours apporté que des baisses de tarifs !
Renforcer les droits du consommateur, c’est bien. Assurer son droit d’accès aux services ou aux biens, c’est mieux. Or la hausse des tarifs de l’énergie, l’augmentation de la TVA sur la billetterie d’entrée des sites de loisirs et des lieux culturels, pour ne citer que ces deux exemples, vont, de fait, à l’encontre des intérêts des consommateurs et de leur pouvoir d’achat.
C’est donc sous ces réserves que nous approuvons la création en droit français de l’action de groupe. En effet, celle-ci s’inscrit dans un marché où la mondialisation et la dérégulation sont redoutables pour le consommateur.
Lors du projet de loi Lefebvre, nous avions soutenu la version équilibrée de l’action de groupe, alors présentée par notre collègue Mme Bonnefoy au nom de la commission des lois. Notre préférence va encore aujourd’hui à ce texte, plus qu’à celui du Gouvernement tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, même si l’on peut comprendre les motivations qui ont conduit à créer une action de groupe dite « simplifiée ».
Nous partageons les critiques et les recommandations formulées sur l’article 1er par la commission des lois. Celle-ci a déposé en séance publique de nouveauxamendements qui nous semblent tout à fait opportuns. Il en va ainsi du fait d’attribuer au juge, et non à l’association, les conditions dans lesquelles sont gérées les indemnités.
Le travail mené au Sénat revient également sur la volonté du projet de loi de confier à l’association des missions qui relèvent de la juridiction. C’est bien ! Quant à l’homologation par le juge de l’accord négocié entre le consommateur et l’association, elle est une bonne mesure.
Il ressortira sans aucun doute de ce travail, mené au sein de plusieurs commissions, un texte qui protège des recours abusifs et qui est protecteur pour le justiciable. Dès lors, pourquoi ne pas élargir la procédure au-delà des domaines de la consommation et de la concurrence ? Vous avez donné, monsieur le ministre, des éléments dans votre intervention.Nous avons eu ce débat au sein de la commission du développement durable. Il ressort du rapport du sénateur Jean-Luc Fichet des propositions allant dans le sens d’un élargissement à court terme de l’action de groupe dans les domaines sanitaire et environnemental.
Comme vous le savez, les sénateurs du groupe CRC ont déposé en janvier dernier une proposition de loi reprenant le dispositif adopté par le Sénat en 2011 en l’élargissant notamment au domaine de la santé et de l’environnement. Et comme le rappelle le rapporteur de la commission des lois, quelques mois plus tard, le groupe du RDSE a déposé une proposition de loi reprenant également la procédure en l’élargissant à la santé. Les députés du groupe GDR, c'est-à-dire Gauche démocrate et républicaine, ainsi que certains députés Verts, ont déposé des amendements allant dans ce sens.
Dans ses conclusions, la mission commune d’information sur les pesticides, dont Mme Bonnefoy était rapporteur, estime « qu’introduire l’action de groupe est une solution préférable à l’inversion systématique de la charge de la preuve lorsque survient une pathologie connue pour être provoquée par les pesticides. » En bref, il est préconisé d’élargir cette action au secteur de la santé. Par ailleurs, nous défendons depuis longtemps cet élargissement au domaine de l’environnement.
Nous avons déjà entendu des explications. Sans doute y reviendrons-nous à l’occasion de la discussion des amendements. En tout cas, nous souhaitions aller aujourd’hui au fond de cette question, puisqu’un consensus semble se dégager pour l’avenir.