Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 10 septembre 2013 à 21h30
Consommation — Article 1er

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Il semble assez inopportun de créer une action de groupe sans la destiner aux premiers intéressés, à savoir des groupes d’individus lésés.

Au lieu de cela, le texte actuel réserve la procédure à quelques associations de consommateurs agréées au niveau national et leur confère un monopole, alors même que, pour la plupart, celles-ci n’ont pas de véritable vocation à l’action juridique.

Cet amendement vise donc à supprimer ce monopole en ouvrant la possibilité d’agir à un groupe d’au moins cinquante consommateurs, concernés par le même préjudice.

Il s’agit là, d’une part, de supprimer le filtre qu’instaure le texte entre le justiciable et le juge et qui va à l’encontre du principe d’égalité d’accès à la justice, figurant à l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ou à l’article 6, alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ». Ce filtre est d’autant plus contestable que son efficacité n’est pas garantie.

En effet, au nom de quoi les associations agréées incarneraient-elles un intérêt général ? Parce qu’elles sont nationales, ne risquent-elles pas, par exemple, de déconsidérer certains groupes d’individus lésés habitant dans des zones géographiques délimitées ?

Je ne conçois pas que le Sénat puisse voter une telle disposition, alors que le rôle de filtre pourrait tout à fait revenir au juge. C’est ce qui se fait déjà au Québec.

Il s’agit également, par cet amendement, de supprimer une disposition qui exprime une véritable défiance à l’égard des avocats. Dans la configuration proposée par le texte, ceux-ci seraient confinés dans un rôle de représentation, privés de leur rôle d’initiateur ou de coordinateur et ne pourraient plus présenter aux citoyens leur expertise sur les questions touchant à la consommation et à la concurrence.

Pourquoi écarter ainsi une profession dont les compétences permettent justement de garantir le fonctionnement et la réussite des actions de groupe ? Les avocats sont tenus à une déontologie stricte. Ils sont indépendants et exercent leur mission préservés de toute influence, politique ou économique.

Les dérives dénoncées à juste titre aux États-Unis ne sont pas le fait de la procédure de la class action, ni du métier d’avocat, mais du système judiciaire américain. En effet, l’existence de dispositions spécifiques, telles que les punitive damages, par exemple, ces « dommages et intérêts exemplaires », encourage des comportements abusifs de la part de certains avocats. De tels excès ne sont pas concevables dans le système français.

Mes chers collègues, l’action de groupe peut être un grand progrès de notre système juridique. En adoptant cet amendement, donnons-nous les moyens de le réaliser !

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