Votre rapport intéressant témoigne d'un vrai travail de réflexion de la part de la Cour des Comptes. J'en retiens deux points positifs : les objectifs de la France en matière d'énergies renouvelables sont ambitieux, mais pas inaccessibles ; il n'est pas possible de les atteindre dans le cadre du système actuel où tout est dispersé, et vous vous prononcez donc en faveur d'une planification forte des dispositifs d'aide financière comme des réseaux. On voit bien qu'aujourd'hui tout le monde rechigne à franchir cette marche, car certaines installations de production d'énergie traditionnelles devront fermer à mesure que se développeront les énergies renouvelables. Mais je suis convaincu qu'à un moment, quels que soient les choix énergétiques qui seront faits, il faudra planifier.
Je ferai quatre observations techniques. Premièrement, le niveau de la CSPE dépend du différentiel entre le prix estimé de l'énergie nucléaire et celui des énergies renouvelables. Si l'on partait du prix estimé par la Cour des Comptes, soit 50 euros le MWh, ce différentiel serait moindre. La CSPE est en fait une simple écriture comptable, qui ne cache aucun scandale financier. C'est pourquoi je serais curieux de connaître votre avis sur la manière de faire remonter le niveau de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). Selon les derniers chiffres fournis par l'industrie nucléaire, nous sommes déjà à un niveau supérieur à 80 euros le MWh pour les centrales nucléaires dont la durée de vie doit être prolongée. Les énergies renouvelables matures ne coûtent pas plus cher. Le consensus se renforce sur ce point, ce dont je me félicite.
Deuxièmement, la CSPE couvre également la solidarité avec les îles. C'est un vrai sujet car, même si le coût des investissements dans les énergies renouvelables reste élevé, il serait plus vite rentabilisé dans les îles que sur le continent.
Troisièmement, vous n'avez pas parlé du mécanisme de capacité, qui sera l'une des clefs du marché de l'énergie de demain. A mon sens, c'est une aberration typiquement française, alors qu'il nous faudrait un mécanisme de capacité européen, pour faire face au phénomène de l'intermittence qui se développe dans la production énergétique en Europe.
Quatrièmement, la situation du secteur photovoltaïque est complexe. Nous devrions tirer les leçons de l'expérience de nos voisins allemands pour que le développement de ce secteur nous coûte moins cher qu'à eux. En ce qui concerne l'éolien marin, il s'agit d'un choix politique national de structuration d'une filière industrielle lourde, qui permettra de faire émerger des champions compétitifs à l'exportation. C'est une problématique bien différente de celle du photovoltaïque. Je trouve paradoxal que nous ayons fait du photovoltaïque un symbole de notre déclin industriel, alors que les panneaux ne représentent que 20 % du coût d'une installation. Il nous faudrait des mécanismes d'incitation financière articulés à l'évolution des prix de production, capables de s'ajuster en permanence, car on ne sait pas où cette évolution va finir. A une certaine échéance, rien ne dit que ce ne sera pas le photovoltaïque qui deviendra l'énergie renouvelable la moins chère.