Je me réjouis que le projet de loi conforte l'indépendance du service public. Cette valeur cardinale est une composante majeure de la relation que nous entretenons avec nos concitoyens. Le mode de nomination du président de l'audiovisuel public n'est qu'un élément de son indépendance. Celle-ci doit être confortée dans l'exercice de ses fonctions, notamment dans ses choix éditoriaux. Depuis ma nomination, je n'ai cessé de m'y employer. Un mode de financement pérenne est une autre composante fondamentale de l'indépendance. À cet égard, le maintien de la publicité en journée après 2015 est extrêmement important, même si ce dispositif limité continue de nous défavoriser par rapport à nos concurrents.
Le texte dispose en outre que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) tiendra compte de l'impact économique de ses décisions relatives à l'usage des canaux de diffusion. Ce point est fondamental. Jusqu'alors, la disponibilité d'un canal ouvrait automatiquement appel à candidatures, ce qui pouvait porter préjudice au marché, et atteinte à la bonne exécution des cahiers des charges.
La création d'une commission consultative sur la bande des 700 MHz, dite du second dividende numérique, est par ailleurs envisagée. Cette question est stratégique pour nous, dans le développement des nouvelles technologies, de l'interactivité et des passages en haute définition. Restreindre de telles possibilités techniques ne servirait pas le développement de nos entreprises.
J'en viens à l'avenant à notre contrat d'objectifs et de moyens. Nous y avons travaillé avec le gouvernement. Il a été présenté à notre conseil d'administration en juillet. Le contrat en vigueur, signé fin 2011, courait jusqu'en 2015, mais le choc subi par notre trajectoire de ressources a rendu sa modification impérative. En effet, la ligne budgétaire de 450 millions d'euros qui nous était accordée pour compensation de la suppression de la publicité après vingt heures a été fortement réduite et les prévisions de ressources publicitaires pour 2013, 2014 et 2015 ont été revues à la baisse en raison de la crise et de la nature de notre dispositif publicitaire. En 2015, nos ressources devraient ainsi baisser de 10 %, soit 300 millions d'euros sur un total de 3 milliards d'euros.
Notre contrat doit s'adapter à la modification de notre environnement. Notre objectif principal est désormais de parvenir à l'équilibre en 2015. Nous comptons d'abord différencier davantage notre offre de celle du privé, en réaffirmant notre double rôle : d'une part, fournir des informations indépendantes et de référence ; d'autre part être le lieu de développement de la création sous toutes ses formes - fiction, documentaire, animation, spectacle vivant. Deux autres objectifs clés guident notre stratégie : le rapport aux territoires, notamment en région et dans les outre-mer, où France Télévisions est partout présente ; et l'offre sportive gratuite, dans un contexte de croissance de l'offre sportive payante. Le service public est le seul endroit où peut se développer une telle offre.
Tout est mis en oeuvre pour accompagner l'évolution profonde qu'est l'émergence du numérique. Ordinateurs, smartphones, tablettes, montres connectées même depuis les progrès accomplis par Samsung : les supports d'images ne cessent de se multiplier. Nous devons être présents sur des supports toujours plus divers, afin que nos contenus soient vus par le plus grand nombre. Vous vous êtes battus pour l'exception culturelle : votre combat n'a de sens que si la création est diffusée. Sur l'audiovisuel public, elle l'est.
L'avenant au contrat d'objectifs et de moyens entérine en outre l'évolution du positionnement de France 4 et de France Ô, et valide la pause dans le développement des heures de diffusion des antennes régionales de France 3.
Ces arbitrages se conjuguent à des mesures d'économies destinées à conforter notre trajectoire de retour à l'équilibre en 2015. Toutes les dépenses sont concernées. Grâce au plan d'économies engagé en 2012, l'équilibre a été atteint en dépit d'une perte de 70 millions d'euros par rapport à 2011. Des économies importantes, de l'ordre de 10 %, ont été réalisées sur les coûts externes, les dépenses de structure et les frais généraux, ainsi que sur les achats de programmes - des audits systématiques sur les émissions de flux ont aidé à économiser entre 7 % et 8 % des sommes négociées depuis un an. Grâce aux choix des contenus que nous avons opérés, le coût de notre grille de programmes baissera de 1 % par an en moyenne par rapport à 2012, contre une croissance de 2 % à 3 % par an initialement prévue.
Le volet social n'est pas ignoré. À l'issue de négociations longues mais fructueuses avec l'ensemble des syndicats, nous avons signé de nouveaux accords d'entreprise, qui se substituent aux conventions collectives et accords des différentes entreprises en vigueur avant la constitution de France Télévisions en une entreprise unique. L'unification des statuts et des règlements du travail facilitera les mutualisations de moyens et les transferts de collaborateurs. Des économies en sont également attendues : les effectifs sont déjà passés de 10 600 en 2012 à 10 100 au début 2013, soit une baisse de 500 équivalents temps plein (ETP).
En 2015, nous ambitionnons de les réduire à nouveau pour parvenir à 9 750. Cette deuxième phase de réduction sera engagée le 1er octobre avec la présentation au comité central d'entreprise d'un plan de départs volontaires. À l'inverse des précédents plans de départ, celui-ci est fondé sur une nouvelle organisation, les départs n'étant pas remplacés. Les emplois non permanents, qui représentent près de 16 % de nos effectifs contre 19 % entre 2010 et 2012, poursuivront leur diminution. Une négociation a été lancée sur ce sujet, de même qu'un débat sur l'intermittence. Et comme toutes les entreprises, nous nous conformons à l'obligation légale de négocier sur l'emploi senior.
Le premier aléa que nous rencontrons sur le chemin du retour à l'équilibre tient à la recette publicitaire. Celle-ci dépend de l'offre en journée, de l'évolution de la concurrence, et de la situation économique. Nous prévoyions déjà un recul par rapport aux recettes réalisées en 2012, et nous avons constaté fin août un écart de près de 10 millions d'euros par rapport aux objectifs initiaux.
Deuxième défi à relever : le financement public. Sur la ligne budgétaire votée pour 2013, 31 millions d'euros ont d'ores et déjà été gelés. En somme, nous subissons le même traitement que l'administration, alors que nous sommes avec l'État dans une relation contractuelle dont l'équilibre dépend de la ressource que celui-ci nous alloue. Enfin, le plan de départs volontaires est tributaire, par définition, de la volonté de nos salariés. Si j'ai confiance dans son succès, la prudence n'en est pas moins de mise.
J'ai proposé au gouvernement, qui a accepté, qu'à l'instar des plans stratégiques glissants qu'élaborent les grands groupes industriels, le contrat d'objectifs et de moyens soit révisable. En effet, les choses changent. Par conséquent, il est sage de fixer un rendez-vous annuel, au moment de la discussion du budget, afin d'analyser ses éléments constitutifs et de modifier les objectifs assignés en conséquence, en gardant à l'esprit l'absolue nécessité de retourner à l'équilibre : une entreprise qui perd son équilibre affaiblit sa capacité d'investissement, perd son indépendance et compromet son avenir !