Intervention de Olivier Schrameck

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 10 septembre 2013 : 1ère réunion
Indépendance de l'audiovisuel public — Audition de M. Olivier Schrameck président du conseil supérieur de l'audiovisuel csa

Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) :

Lors de mon audition du 23 janvier, je me suis engagé à vous rendre compte régulièrement des activités du CSA. Cependant, je m'en tiendrai aujourd'hui, comme vous le souhaitez, à quelques remarques sur ces deux projets de loi. Je tiens cependant à réaffirmer qu'à nos yeux, le contrôle par le Parlement des activités du CSA est indispensable. Nous avons besoin de vos observations et orientations pour jouer notre rôle en nous fondant sur la légitimité démocratique que vous incarnez.

Vous vous apprêtez à renforcer l'indépendance et les moyens du CSA tout en veillant à ce qu'il fonctionne selon des règles exemplaires. La réforme du mode de nomination des membres du Conseil me paraît à cet égard emblématique, et comme toutes les dispositions du projet de loi délibéré en conseil des ministres, il a reçu un avis très favorable du CSA.

Nous sommes conscients de la nécessité de rénover les dispositions régissant les compétences, les missions et le fonctionnement du Conseil, afin qu'il continue à jouer son rôle de régulateur dans un environnement diversifié et ouvert à la révolution numérique. Cette régulation doit être d'abord économique, et reposer sur une vision d'ensemble de l'évolution de plus en plus rapide du secteur audiovisuel.

Le projet de loi, qui dans sa version initiale rénovait les fondations institutionnelles du CSA, comporte depuis son examen par l'Assemblée nationale plusieurs dispositions réformant son mode d'action : ce sont là les premiers jalons d'une rénovation d'ensemble de la législation audiovisuelle, auxquels vous apporterez sans doute votre contribution.

Le projet de loi restitue au CSA le pouvoir de nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public. C'est une compétence dont le Conseil a lui-même souligné la légitimité. Je ne me félicite pas moins que le texte prévoie leur audition par les commissions parlementaires compétentes, dans un délai raisonnable suivant leur nomination : le Parlement exercera ainsi son contrôle sur les orientations choisies.

La réforme du mode de désignation des membres du CSA, qui respecte les mandats en cours, garantit l'impartialité du collège en exigeant l'approbation des trois cinquièmes des membres des commissions parlementaires. Le CSA sera ainsi l'une des plus indépendantes des autorités indépendantes.

Avec un rapporteur indépendant du collège chargé de l'instruction, la procédure de sanction répond désormais aux exigences constitutionnelles et conventionnelles de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le texte a été enrichi par l'Assemblée nationale de dispositions dont plusieurs entrent en consonance avec les propositions formulées par le CSA dans son rapport public de 2012 - le Conseil renouait ainsi avec une tradition oubliée depuis 1994, afin justement d'éclairer les débats législatifs. Je me réjouis tout particulièrement de deux mesures relatives à son organisation et à son fonctionnement. D'une part, sa transformation en autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière lui donnera la souplesse de gestion dont il a besoin, sans préjudice de la nécessaire maîtrise des deniers publics. D'autre part, la reconnaissance aux membres du collège et de son président d'un droit d'expression à des fins pédagogiques me paraît tout à fait conforme à la vocation d'une autorité de régulation. Jusqu'à présent, l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986 interdisait aux membres du CSA - artificiellement à mon sens, et sans portée pratique - toute prise de parole sur des questions relevant de l'exercice de leurs missions. En limitant cette interdiction aux questions en cours d'examen et au déroulement des délibérations, le projet préserve les règles d'une saine déontologie, tout en laissant les membres du Conseil s'expliquer sur leurs objectifs, leurs méthodes et leurs décisions.

Certains ont posé la question de savoir s'il fallait interrompre les mandats en cours des présidents de sociétés de l'audiovisuel public. Les dispositions prévues sur la révocation ne font que reprendre les dispositions antérieures en tirant les conséquences de la modification du mode de nomination, en vertu du principe de parallélisme des formes. Ce parallélisme existait aussi bien dans la loi de 2009 que dans le droit antérieur, auquel le projet de loi fait pour l'essentiel retour.

Sans doute serait-il opportun de nommer les présidents quelques mois avant le terme du mandat de leurs prédécesseurs afin d'assurer la continuité du service public, y compris dans la préparation et la mise en oeuvre des choix éditoriaux. C'est d'ailleurs une pratique établie pour certaines institutions culturelles.

Les nouvelles attributions confiées au CSA par l'Assemblée nationale correspondent à l'esprit de notre rapport public de 2012. Je pense tout d'abord à la capacité de différer l'attribution de fréquences si les conditions économiques ne s'y prêtent pas : la régulation ne peut pas s'opérer à guichets ouverts. Je mentionnerai ensuite la possibilité, lors du passage à la haute définition de services à vocation nationale, de restreindre l'appel à candidatures à des opérateurs déjà autorisés ; ou encore la faculté de statuer sur une demande de changement de régime, du payant au gratuit ou inversement, en tenant compte des conditions économiques du secteur - car celles-ci doivent retenir l'attention du régulateur, et un tel changement de régime mériterait une étude d'impact. Je me réjouis aussi que le Conseil soit appelé à contribuer, sous la forme d'un avis, au contrôle de l'exécution de leurs contrats d'objectifs et de moyens par les sociétés de l'audiovisuel public.

L'extension du champ des études d'impact répond précisément à la nécessité de mieux intégrer les finalités économiques de la régulation. Le rapport annuel du Conseil devra faire une plus large place aux incidences économiques de son action, ce que favorisera l'organisation d'un dialogue permanent avec les commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale.

L'attribution et la gestion des fréquences, dans un contexte économique où il importe de valoriser et de promouvoir le secteur audiovisuel, constitueront une partie importante de notre travail. Parce qu'elles exigent réactivité et interactivité, elles ne sauraient être soumises à des procédures systématiques ou excessivement lourdes. Je me permettrai donc de faire une suggestion. L'article 6 quinquies prévoit, dans sa rédaction actuelle, que « toute autorisation de modification de convention susceptible d'avoir un impact significatif sur le marché en cause est précédée d'une étude d'impact ». Or il est difficile de déterminer a priori si une telle décision doit avoir un impact significatif. Une telle rédaction est source d'incertitude et multiplie les risques de censure contentieuse. En outre, des centaines de demandes de modifications de convention étant déposées chaque année, le risque d'engorgement apparaît redoutable. Il me paraît donc important de cantonner l'obligation de recourir à une étude d'impact aux modifications de conventions liant des chaînes de télévision ou des stations de radio nationales. Dans les autres cas, le CSA apprécierait si l'impact attendu sur les bassins locaux d'audience justifie par son « importance » - terme consacré par la loi en ce qui concerne les consultations publiques - une étude formalisée.

En revanche, il ne nous paraît pas légitime de nous affranchir d'une étude d'impact pour la seule raison que le Gouvernement aurait déposé une demande de réservation prioritaire, en vertu du II de l'article 26 de la loi de 1986. Telle serait la conséquence de l'article 6 septies et de son insertion dans l'article 31 de la loi de 1986, lequel ne renvoie pas à l'article 26. La priorité accordée au service public, à la demande du Gouvernement, ne serait nullement remise en cause par une analyse préalable, globale et cohérente des besoins susceptibles d'être exprimés par les opérateurs publics et privés.

Le droit en vigueur n'autorise aucune forme de conciliation sur les litiges relatifs à la circulation d'oeuvres audiovisuelles, notamment entre éditeurs et promoteurs. Le CSA, reprenant une proposition du rapport du sénateur Plancade, souhaite que cette faculté lui soit ouverte, au moins à la demande des parties.

L'article 6 quater prévoit, avant toute réallocation de fréquences affectées au CSA, la consultation d'une commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle comprenant des parlementaires. Cela nous paraît tout à fait souhaitable, compte tenu de l'incidence de telles décisions pour tous les acteurs du secteur, et d'abord pour les téléspectateurs. Cette procédure pourrait être informellement anticipée à propos de la réallocation de la bande de 700 MHz.

Le CSA se tient à votre disposition pour vous présenter ses observations, tout au long de l'examen de ce texte grâce auquel il espère remplir plus efficacement ses importantes missions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion