C'est avec fierté que je vous présente, au nom du Gouvernement, ce projet de loi, qui a été enrichi par l'Assemblée nationale lors de son examen en juillet dernier. Il touche aux fondements de la démocratie et aux conditions d'existence de la liberté d'expression. Il répond aux engagements du président de la République. C'est un texte concis et sans détour, comme le principe d'indépendance qu'il défend. Après les coups portés par la loi du 5 mars 2009, il était temps de renouer avec la défense de la liberté d'expression.
Le projet de loi s'articule autour de trois grands principes : indépendance, démocratie et impartialité. L'indépendance : c'est à nouveau le CSA et non plus le Président de la République qui choisit les patrons de Radio France, de France Médias Monde et de France Télévisions. Nicolas Sarkozy avait entendu, en reprenant ce pouvoir, « mettre fin à une hypocrisie » : non, les garanties démocratiques ne sont pas une hypocrisie et nous les rétablissons aujourd'hui. Le mode actuel de nomination des dirigeants de chaîne éveille la suspicion, ce qui rend plus difficile l'exercice de leur mission.
La démocratie, ensuite : la procédure de nomination des membres du CSA réserve un plus grand rôle au Parlement et à ses commissions chargées des affaires culturelles en particulier, en y associant l'opposition parlementaire. Seul le président du CSA sera désormais nommé par le Président de la République ; le collège passe de neuf à sept membres ; six seront désignés par les présidents des assemblées après avis conforme adopté à une majorité de trois-cinquièmes par chacune des deux commissions, impliquant nécessairement l'opposition. C'est une avancée majeure et le signe d'une société de confiance. Certains craignent des blocages mais j'ai confiance dans votre capacité à surmonter les logiques partisanes, sur un sujet si important.
L'impartialité, enfin : ce projet s'accompagne d'un projet de loi organique qui en tire les conséquences en retirant les présidents des sociétés audiovisuelles publiques de la liste des emplois auxquels nomme le Président de la République sur le fondement de l'article 13 de la Constitution. La procédure de sanction se conformera aux jurisprudences constitutionnelle et européenne ; les fonctions de poursuite et d'instruction, assurées par le rapporteur, seront séparées de la fonction de sanction, qui appartient au collège.
Le travail des députés a enrichi le texte, pour faire du CSA une autorité de régulation rénovée qui devra davantage rendre compte et justifier ses choix, dans un souci de transparence. Le statut est modifié : le CSA devient une autorité publique indépendante. Je m'associe aux initiatives des députés, qui vont plus loin que le texte du gouvernement sur trois points : les membres seront nommés pour leurs compétences ; les règles d'incompatibilités sont améliorées ; les nominations respecteront la parité, en parfaite cohérence avec la ligne suivie par le gouvernement.
Grâce aux députés, le projet de loi prend également en compte les enjeux économiques, en faisant précéder d'une étude d'impact toute nouvelle autorisation délivrée par le CSA et susceptible de modifier le marché audiovisuel. Le rapport annuel du CSA est enrichi ; ses décisions seront motivées donc mieux comprises par les entreprises visées. Le conseil pourra désormais autoriser le changement du mode de financement des chaînes, pour le passage du payant au gratuit par exemple. Il faudra être d'une grande prudence à l'égard de cette prérogative nouvelle, pour sécuriser juridiquement les décisions du CSA et pour garantir que ces modifications du modèle ne mettent en péril ni le pluralisme ni les équilibres économiques du secteur. Nos débats permettront sans doute d'atteindre la solution la plus équilibrée.
Enfin, les députés ont ajouté des dispositions sur divers points en suspens, en particulier le maintien de la publicité en journée dans l'audiovisuel public après 2015 ou une meilleure gestion du domaine public hertzien, avec l'abrogation des canaux compensatoires de la TNT.
Avec ce projet de loi, nous vous demandons de régler rapidement ce qui peut l'être : l'indépendance, condition et première étape d'une réforme de grande ampleur de l'audiovisuel. J'ai voulu que des réflexions soient engagées dès aujourd'hui, pour aboutir à des décisions réfléchies. Les conclusions de la mission Lescure ont montré que les bouleversements en marche appelaient une réforme de fond, sur laquelle nous avons voulu recueillir l'avis des secteurs concernés. C'est pourquoi j'ai organisé les assises de l'audiovisuel en juin et engagé une concertation pour adapter le cadre juridique, en prenant en compte l'essor des divers terminaux connectés à Internet. Je viens de lancer une consultation publique sur la modernisation de la réglementation applicable à la communication. Cela nous sera utile pour élaborer la position de la France dans les négociations européennes sur l'évolution des directives Services de médias audiovisuels, Paquet télécom et Commerce électronique.
La présente réforme du CSA est le socle sur lequel fonder la régulation des médias dans une grande démocratie.