Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 11 septembre 2013 à 14h30
Consommation — Article 1er

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Je vais demander l’indulgence du président de commission des affaires économiques, à laquelle j’appartiens, sur cet amendement important et dont pourrait dépendre la position des membres du groupe UMP lors du vote sur l’article 1er.

Nous proposons de supprimer la procédure d’action de groupe simplifiée, somme toute d’exception, pour des raisons de forme et de fond.

Certains orateurs l’ont déjà indiqué hier soir, M. le rapporteur, notamment, l’a répété, cela fait trente ans que l’on parle de l’action de groupe. L’accouchement est difficile, car cette notion heurte notre tradition juridique.

La majorité précédente avait pris énormément de précautions que l’on retrouve dans votre texte : le filtre des associations, la mise à l’écart de la procédure de l’opt out, par exemple, ou encore un meilleur respect des droits de la défense. Ces précautions avaient su nous convaincre qu’il était sans doute utile de transposer l’action de groupe dans notre droit.

Et voilà qu’est voté, à l’Assemblée nationale, un amendement qui vise à instituer une procédure d’exception sur laquelle le Conseil d’État n’a pu donner son avis puisqu’elle ne figurait pas dans le projet du Gouvernement et dont il n’a pas été suffisamment débattu.

Ces raisons de forme sont importantes, car on ne peut bouleverser notre droit en y introduisant une disposition de cette ampleur sans prendre les mesures et précautions nécessaires. Il aurait sans doute été plus utile de procéder à l’expérimentation de la procédure de droit commun, quitte, éventuellement, à la compléter par la suite, plutôt que de se précipiter et d’instituer subrepticement, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, une procédure d’exception à côté de la procédure de droit commun.

Après les raisons de forme, j’aborderai les raisons de fond.

En économie, on dit que la « mauvaise monnaie chasse la bonne ». Nous craignons qu’il en aille également ainsi en matière juridique et que, en l’espèce, la mesure d’exception ne devienne progressivement la règle. Or cette mesure ne présente pas les mêmes garanties que celles dont je parlais en évoquant la procédure de droit commun, qui devrait être la seule en vigueur.

Certes, la commission des lois avait émis énormément de réserves et la commission des affaires économiques a tenté de corriger les dérives mais sans y parvenir complètement. Il ne suffit pas que, dans une deuxième phase, les membres d’un fichier, les consommateurs, puissent dire qu’ils souhaitent être indemnisés.

En réalité, la procédure de l’opt out revient par la fenêtre ! Or, je vous le rappelle, elle est contradictoire avec les principes de droit français. Je citerai à mon tour la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, dans une décision de 1989, rappelle que nul ne peut ester en justice sans en avoir manifesté clairement l’intention. En l’espèce, ce n’est pas le cas et je pense qu’il faut que les professionnels connaissent ceux des plaignants qui les mettent en cause pour que les droits de la défense soient respectés.

Je terminerai en disant que cette procédure d’exception sera aussi une mesure discriminatoire, car elle concernera certains secteurs économiques beaucoup plus que d’autres.

C’est la raison pour laquelle il nous semble bien plus raisonnable, notamment du point de vue de la légistique, de s’en tenir, dans un premier temps, à la procédure de droit commun, de l’évaluer, quitte ensuite à la rectifier ou à introduire une procédure exceptionnelle.

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