Madame la ministre, je souhaite revenir sur cette affaire du « fait maison », qui secoue beaucoup la profession.
Votre texte a le mérite d’aborder le problème de la qualité de la restauration sous l’angle d’une meilleure information du consommateur.
Pourtant, il n’apporte qu’une réponse partielle et bien éloignée des attentes des professionnels, comme mon collègue Antoine Lefèvre vient de le souligner.
On est en effet, dans ce secteur, en plein paradoxe. La restauration française est, certes, un fleuron pour l’image de marque de la France. Le prestige de ses tables étoilées et la qualité de sa gastronomie y ont largement contribué. Cela vient d’être rappelé, le « repas gastronomique » français a été officiellement reconnu par l’UNESCO, dans le cadre du patrimoine culturel immatériel.
Et pourtant, dans le même temps, des milliers de restaurants ne pratiquent plus que le réchauffage, qui, comme son nom l’indique, consiste à décongeler des surgelés, à réchauffer des plats sous vide ou des conserves alimentaires.
Dans d’autres restaurants, on pratique simplement l’assemblage : sur une même assiette, on sert aux clients des produits qui n’ont pas été élaborés sur place ou qui l’ont été très partiellement.
Par chance, d’autres, enfin, pratiquent la cuisine « maison ». Ces véritables artisans respectent nos savoir-faire traditionnels et proposent des repas préparés entièrement sur place, à base de produits bruts. Ils utilisent souvent des produits issus de l’agriculture locale, de nos terroirs ou de nos marchés d’intérêt national, garantie de fraîcheur et de qualité.
Or les consommateurs recherchent de plus en plus la transparence sur l’origine, la composition et la qualité gustative des produits qu’ils consomment dans les restaurants.
Les récents scandales alimentaires n’ont fait qu’accroître leur méfiance. En réponse, les professionnels ont multiplié les labels de toutes sortes. Malheureusement, cela n’a pas eu pour conséquence de mieux informer le client.
Hélas ! cela vient d’être dit, votre texte ne répond vraiment pas à cette attente. Aux dires des professionnels eux-mêmes, signaler la mention « fait maison » n’est pas applicable et, surtout, ce sera incontrôlable.
Après cette mention viendra peut-être un jour celle des plats allergènes, comme certaines associations commencent à le demander. Nos cartes de restaurant finiront ainsi par ressembler à une ordonnance médicale !
Il faut donc que le législateur propose une solution qui valorise vraiment le métier de cuisinier. C’est le sens de la proposition de loi que j’ai déposée le 18 avril 2013 et qui a déjà été signée par plus de soixante de nos collègues. Elle porte création d’une appellation « artisan restaurateur », lequel s’engagera à cuisiner sur place avec des produits bruts, n’ayant jamais été travaillés en amont. Plusieurs collègues ont déposé des amendements allant dans le même sens.
Madame la ministre, il faut vraiment avoir le courage d’une mesure forte. En effet, vous le savez, les recettes de ce secteur sont en baisse, alors même que le Gouvernement va les pénaliser un peu plus en portant le taux de TVA de 7 % à 10 % dès le 1er janvier 2014. §
Alors, il faut soutenir l’action courageuse de ces restaurateurs qui cuisinent eux-mêmes, et cela sans stigmatiser les autres modes de restauration, qui ont aussi leur rôle à jouer.
En donnant à ces restaurateurs l’appellation d’artisan, ce que le dictionnaire définit celui qui « travaille de ses mains », vous leur apporterez une aide aussi décisive que celle qui sauva les artisans boulangers. Vous aurez, surtout, madame la ministre, le mérite de revaloriser ces métiers de bouche, créateurs d’emplois, et de redonner ses lettres d’or à un secteur qui contribue au rayonnement de la France.