Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends bien la volonté du Sénat d’améliorer la qualité au sein de la filière de la restauration, de valoriser ses professions et d’attirer des jeunes vers ses filières, qui sont pourvoyeuses d’emplois.
Le Gouvernement, dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, a proposé plusieurs mesures visant à atteindre ces objectifs.
La création d’un statut d’artisan restaurateur était une proposition largement débattue au sein du comité de filière pour la restauration que j’ai installé. Celle-ci n’a pas recueilli l’assentiment majoritaire et s’est en particulier heurtée aux exigences juridiques qu’emporte déjà aujourd’hui la qualité d’artisan, exigences qui seront d’ailleurs renforcées dans le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, que j’ai présenté le 21 août dernier en conseil des ministres et que j’aurai l’honneur de défendre devant vous.
La qualité d’artisan y est exclusivement définie comme liée aux compétences, à la qualification acquise par diplôme ou par expérience dans le métier.
Ce travail, mené en concertation avec les représentants du secteur de l’artisanat, serait remis en question par la définition proposée ce matin. En tout état de cause, celle-ci ne répondra pas aux attentes des consommateurs, puisque le fait d’être qualifié ou d’avoir de l’expérience n’empêche pas de servir des préparations industrielles sans en informer le client.
Monsieur Lefèvre, votre proposition tente de lier le titre de maître-restaurateur à celui d’artisan restaurateur, et contredit à ce titre le « choc de simplification » que nous appelons de nos vœux. Les artisans restaurateurs devraient en effet s’immatriculer d’abord au registre du commerce et des sociétés lors de la création de leur entreprise, puis également auprès des chambres de métiers, une fois seulement le titre de maître-restaurateur obtenu. Cela entraînera, je le précise, un coût supplémentaire au moment de l’immatriculation pour ces entreprises, souvent de petite taille. Alors que nous faisons beaucoup d’efforts pour améliorer la compétitivité des entreprises et leur permettre de dégager des marges de manœuvre, ajouter un coût d’immatriculation ne me paraît pas pertinent.
L’information apportée au consommateur à propos des plats susceptibles de lui être servis doit être simple, claire, lisible, fiable. C’est ce que nous proposons avec l’appellation « fait maison », qui pourra au besoin être mentionnée pour chacun des plats d’une carte et dont le visuel sera facilement compréhensible par le client, notamment pour les touristes étrangers. Le terme d’artisan restaurateur ne répond pas, quant à lui, à cette exigence de bonne information du client. Les étrangers, notamment, pourraient se rendre dans un restaurant sans savoir s’ils vont chez un artisan restaurateur ou chez un simple restaurateur.
Quant aux sous-amendements qui tendent à réserver l’appellation « artisan-restaurateur » aux restaurateurs préparant eux-mêmes leurs plats sur place, ils reprennent une autre proposition du comité de filière, dont la mise en œuvre conduirait à diviser le secteur en deux : d’un côté les restaurateurs qui seraient vertueux, de l’autre ceux qui proposeraient des préparations industrielles.
Au contraire, le dispositif du « fait maison » prévu dans le projet de loi, tout en étant suffisant pour valoriser la cuisine faite sur place à partir de produits bruts, ne dévalorise pas les autres professionnels du secteur. En outre, il facilite efficacement l’information du client sur la provenance de chacun des plats qui lui sont servis.
Surtout, le projet du Gouvernement comporte un renforcement du titre de « maître-restaurateur » qui, Madame Bataille, me semble correspondre tout à fait à vos attentes quant au titre d’artisan restaurateur. En effet, la délivrance du titre de maître-restaurateur est conditionnée au respect d’un cahier des charges et à l’acquisition d’une qualification de niveau 4 ou 5, accompagnée de plusieurs années d’expérience ; elle requiert en outre que 100 % des plats soient « faits maison ».
En lien avec les professionnels, nous avons proposé une réforme du cahier des charges visant à le rendre plus lisible, plus accessible et plus simple pour les professionnels. De fait, je suis consciente que le titre de maître-restaurateur n’a pas obtenu le succès espéré. Avec les professionnels, nous souhaitons moderniser son image et élargir sa diffusion auprès du public.
Dans ces conditions, créer un nouveau titre d’artisan restaurateur ne ferait qu’ajouter de la confusion dans l’esprit des consommateurs, sans aucune garantie qu’il rencontre, auprès du public et des professionnels, un succès plus grand que le titre déjà existant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose plutôt de développer et de moderniser le titre de maître-restaurateur pour garantir aux consommateurs une meilleure lisibilité de l’offre de restauration.
Le « fait maison » et le titre de maître-restaurateur sont les deux propositions du comité de filière qui ont fait l’objet d’un large consensus parmi les professionnels. Il me semble aujourd’hui préférable de retenir ces deux mesures. C’est pourquoi je demande aux auteurs des amendements n° 610 rectifié et 529 rectifié et des sous-amendements n° 648 et 647 de bien vouloir les retirer ; s’ils sont maintenus, le Gouvernement y sera défavorable.