Ceux-ci n'ont en effet que deux solutions : soit ils appliquent la loi actuelle et poursuivent le médecin pour assassinat ou empoisonnement avec des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à la perpétuité - le problème n'est alors aucunement réglé - ; soit ils se substituent à nous en reconnaissant des circonstances atténuantes, mais la jurisprudence variera selon les juridictions - mon collègue Jean-Pierre Michel évoquait précédemment celle d'Ivry.
Par conséquent, le problème sera occulté et l'épée de Damoclès sera en permanence suspendue au-dessus des médecins. Monsieur le ministre, il ne me semble pas possible de laisser la seule responsabilité de telles questions aux magistrats. C'est notre devoir !
S'agissant de ces cas d'exception que vous refusez de traiter, monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu'il y a véritablement là un manquement humain ? Prenons le cas d'une personne qui ne peut plus disposer de son corps, ni agir par elle-même, qui dépend impérieusement d'une tierce personne pour tous les actes de la vie quotidienne - boire, manger, se soigner, faire sa toilette, communiquer : cette tierce personne, qui est reconnue par la société, ne pourrait se substituer à elle pour ce qui est du droit fondamental de mettre fin à ses jours !
Dans notre pays, le suicide n'est pas condamnable, et une personne qui manque son suicide n'est pas poursuivie. Et fort heureusement, depuis la Révolution française, on ne brûle plus la maison et on ne confisque plus les biens des personnes qui se suicident !
Pourtant, nous dénions à une personne handicapée, qui ne peut plus se mouvoir, la possibilité de voir sa volonté appliquée par une tierce personne. C'est ajouter une souffrance à une autre souffrance. C'est faire de cette personne dans le malheur un « sous citoyen ». C'est refuser de lui reconnaître, par un moyen quelconque, la même capacité de décision qu'à une personne valide.