Je m'adresse à Mme le professeur Julie Benetti. Mme Virginie Klès a posé la première question que je voulais aborder, mais j'en ai d'autres. Je voudrais d'abord observer que si on fait une réforme, c'est pour être efficace, il faut une cohérence d'ensemble.
Vous êtes opposée au cumul des mandats parlementaires avec des mandats d'exécutifs locaux, mais vous n'abordez pas la question des parlementaires qui continuent à exercer leur profession : par exemple, un parlementaire qui est avocat pourra continuer à plaider, alors qu'un parlementaire qui serait également maire devra abandonner l'un des deux mandats. Trouvez-vous donc normal qu'on ne traite qu'une partie du problème ?
D'autre part, il est très difficile d'être élu sans exercer un mandat local. Pour ma part, je suis un élu des Français de l'étranger ; je ne peux donc pas cumuler mon mandat avec un exécutif local mais je suis membre de l'Assemblée des français de l'étranger (AFE). Or, jusqu'à présent, personne n'a été élu dans une circonscription des français de l'étranger sans avoir été membre de l'AFE. C'est par l'exercice d'un mandat local qu'on remplit le mieux son mandat de sénateur.
Je rappelle aussi que lorsqu'on a changé la limite d'âge pour être élu au Sénat, on a successivement retenu 35 ans, puis 30 ans et enfin 24 ans ; à l'époque, l'argument développé a été de dire que si à 18 ans on peut être élu à l'Assemblée nationale, il faut en revanche justifier d'au moins une expérience d'élu local avant de pouvoir être élu sénateur, d'où l'argument de l'époque que l'âge de 24 ans correspond à l'âge de 18 ans majoré de 6 ans, soit la durée normale d'un mandat local.
Si on veut des parlementaires dignes de ce nom, il faut des parlementaires élus par eux-mêmes : en cas d'interdiction de cumul des mandats, le maire, le président d'un conseil général ou d'un conseil régional désigneront un faire-valoir, qui sera élu au Sénat. C'est un très grand risque pour le Sénat car les ficelles seront tirées par d'autres que les sénateurs.
Il n'y aura donc à l'Assemblée nationale et au Sénat que des « apparatchiks » ou les faire-valoir des grands barons locaux.
Je suis donc parfaitement d'accord avec les arguments développés par Mme le Professeur Benetti mais j'arrive à une conclusion exactement inverse.
Je pense qu'il faut revaloriser le parlementaire, non le Parlement : le Parlement a des pouvoirs alors que les parlementaires n'en ont pas. Comme l'a souligné mon collègue Gaëtan Gorce, le parlementaire ne peut pas rivaliser en termes d'expertise technique avec le ministère des finances par exemple.
Ce que je reproche à cette réforme, que je ne voterai pas, c'est le fait qu'elle ne mesure pas suffisamment le pour et le contre : elle risque d'entraîner un déséquilibre institutionnel. Les membres du Parlement voteront cette réforme justement parce qu'ils ne peuvent pas se dresser contre le Gouvernement ; ce projet de loi ne rééquilibre pas les rapports entre Parlement et Gouvernement.