Intervention de Pierre Avril

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 septembre 2013 : 1ère réunion
Interdiction du cumul des mandats — Audition de M. Pierre Avril professeur émérite de droit public M. Olivier Beaud professeur de droit public Mme Julie Benetti professeur de droit public et M. Dominique Rousseau professeur de droit public

Pierre Avril, professeur émérite de droit public :

Je voudrais tout d'abord répondre à la question posée à propos de la spécificité des sénateurs par rapport aux députés. C'est une spécificité qui a son origine dans les sources mêmes : la Constitution établit elle-même, à l'article 24, que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. Mais par ailleurs et simultanément, le Sénat est une assemblée parlementaire au même titre que l'Assemblée nationale, sous la seule réserve qu'il ne peut pas renverser le Gouvernement, en contrepartie de quoi il ne peut être dissous. Mais les deux chambres ont la même nature : celle de représenter le peuple français, l'une étant issue du suffrage universel direct, l'autre du suffrage universel indirect. Soulever le fantôme d'une capitis diminutio du Sénat résultant d'une différenciation du régime électoral des sénateurs par rapport à celui des députés, conduisant à ce que le Sénat ne représente plus que les collectivités territoriales n'a pas de sens : il est déjà écrit dans la Constitution que le Sénat représente les collectivités territoriales. C'est, au contraire, tirer les conséquences de la source constitutionnelle que d'établir une différenciation entre les parlementaires de chacune de ces chambres et on ne peut, par conséquence, imposer aux sénateurs un régime électoral équivalent à celui des députés. Ce n'est d'ailleurs actuellement pas le cas !

Prenons l'exemple suivant : si l'interdiction du cumul des mandats existait déjà, Jean-Marc Ayrault serait devenu sénateur. Je veux aussi rappeler qu'en 1959, Edgar Faure, Gaston Deferre et François Mitterrand, battus aux élections législatives, sont devenus sénateurs. Le Sénat n'a pas eu à s'en plaindre. Ce sera quelque chose d'impossible désormais si le Parlement adopte ce projet de loi.

Un mot sur les pouvoirs du Parlement. Guy Carcassonne avait écrit dans sa préface à l'ouvrage de M. René Dosière « L'argent caché de l'Élysée », que le Parlement ne manque pas de pouvoirs mais d'hommes pour les exercer.

Lors des débats sur la révision constitutionnelle de 2008, il avait ajouté que chaque fois que le Parlement réclamait de nouveaux pouvoirs, on les lui attribuait, mais ils profitaient en réalité à la majorité politique essentiellement, et donc au Gouvernement auquel elle est en quelque sorte asservie.

Dans cette logique, l'interdiction du cumul des mandats aggraverait une situation de manque d'indépendance des parlementaires à l'égard du Gouvernement déjà fortement dégradée.

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