Beaucoup de choses ont été dites. Je ne développerai donc que deux points.
Concernant la logique de la réforme, il me parait évident qu'à elle seule, elle ne va pas moderniser les institutions de la République. Mais, elle peut être un levier pour poser d'autres questions concernant l'opportunité de prévoir des incompatibilités professionnelles, la nécessité de revaloriser des moyens matériels des parlementaires ou le renforcement des pouvoirs du Parlement. Il faut un point d'accroche à ces réformes ultérieures. N'attendons pas trop de la réforme dont nous discutons. Elle n'est qu'un point de départ.
N'attendons pas trop du droit non plus. Cette réforme aura des effets vertueux, mais également pervers. Il ne faudra pas forcément en rendre responsable la loi ou le législateur.
J'ai entendu dire qu'avec la limitation du cumul des mandats, si le député-maire ne peut plus être maire, il va placer son copain ou son assistant comme maire... Ce n'est pas ici la faute de la loi, mais bien celle des hommes politiques.
La loi pose un régime juridique. On ne peut pas savoir à l'avance quel usage en sera fait car les effets du non cumul ne se feront sentir qu'au bout de quelques années. Il faudra du temps pour que tous, hommes politiques et citoyens, s'approprient cette réforme.
Quant à la conception du mandat, l'affirmation selon laquelle il faudrait nécessairement un ancrage local aux parlementaires me fait m'interroger sur ce qu'est l'intérêt général. Ce n'est pas la somme des intérêts particuliers des collectivités territoriales.
Je crois que quand Jean-Jacques Servan-Schreiber a été élu député, il a voulu inscrire sur sa carte de visite « député de Meurthe-et-Moselle », le Président de l'Assemblée nationale de l'époque, Edgar Faure, lui avait envoyé une lettre lui signifiant qu'il était « député de la Nation ».
Les parlementaires doivent penser la volonté générale comme dépassant l'addition des intérêts particuliers. La présence dans les délibérations de préoccupations locales risque de faire perdre aux assemblées leur fonction de dire l'intérêt général. Cette fonction se déplacera alors ailleurs. Au Conseil d'État ? Au Conseil constitutionnel ? Je crains un affaissement de la volonté générale.
De plus, il me semble que le non cumul des mandats est un moyen de limiter la présidentialisation du régime. À la lecture des débats parlementaires qui accompagnent chaque révision constitutionnelle, on peut s'apercevoir que le Gouvernement se réjouit quand les députés sont en circonscription.... Plus les parlementaires seront à Paris, plus le Gouvernement sera sous leur contrôle.
Je ne crois donc pas, à l'inverse, à l'idée selon laquelle le cumul de mandats permettrait de limiter la présidentialisation. Aujourd'hui, les parlementaires peuvent cumuler, et pourtant, ils ne s'opposent pas au Gouvernement. D'ailleurs, ceux de la majorité voteront ce texte qu'ils n'apprécient pas.
L'idée selon laquelle le cumul des mandats serait un moyen de limiter la présidentialisation n'est pas opérant - en témoignent la situation actuelle et les conditions dans lesquelles ce texte va être examiné !