Intervention de Colette Mélot

Réunion du 16 septembre 2010 à 9h30
Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cinéma vit actuellement des mutations importantes liées à la révolution technologique que nous connaissons.

Comme le livre ou la musique, le cinéma est confronté au défi de la numérisation. Depuis le succès des films en trois dimensions, dits en 3D, les professionnels du cinéma ont pris conscience de la nécessité d’adapter rapidement les salles à ces nouveaux procédés de production et de diffusion. C’est une question de survie pour les petites salles, en particulier en milieu rural.

L’objet de cette proposition de loi, adopté par l’Assemblée nationale le 16 juin 2010, et présenté par notre collègue Serge Lagauche, est simple : soutenir la modernisation de toutes les salles de cinéma en France, en généralisant et en rendant obligatoire le versement par les distributeurs d’une contribution numérique en faveur des exploitants des salles de cinéma. II s’agit d’encadrer une pratique existante et d’accompagner ainsi la profession dans une mutualisation des financements nécessaires à sa modernisation.

Cependant, la période transitoire que nous vivons actuellement peut, comme toute période de mutation, entraîner des difficultés. Si l’on veut que l’ensemble des acteurs de la chaîne du cinéma passe au numérique et que l’économie soit réelle et partagée à long terme, il faut trouver un système de financement permettant aux exploitants de salles de s’adapter rapidement.

La diffusion numérique des films engendre un surcoût pour les exploitants, qui doivent adapter les cabines de projection à cette nouvelle technologie. Le Centre national du cinéma et de l’image animée estime que le coût de l’équipement d’une salle en numérique est en moyenne de 80 000 euros.

Cette constatation a amené toute la profession à chercher, d’un commun accord, un mécanisme permettant de répartir l’effort financier sur l’ensemble des acteurs de la filière.

Ce texte permet d’assurer à tous les exploitants et distributeurs un cadre juridique stable et sécurisé. Ainsi, les exploitants qui ne percevraient pas, ou insuffisamment, de contributions numériques, disposeront de l’aide du CNC pour numériser leurs salles.

Permettez-moi de rappeler l’esprit qui a présidé à l’élaboration du texte : il s’agit non pas de mettre en place une nouvelle taxe, mais bien de généraliser une contribution qui repose sur un principe juste et qui permette à tous les acteurs d’être gagnants. Ce principe sera d’autant plus juste qu’il sera incitatif, d’autant plus pertinent et efficace qu’il mutualisera. La contribution numérique sera due non par œuvre, mais par salle, donc par écran. Cela répond aux enjeux posés par la multidiffusion.

Ce texte souligne notre engagement de préserver sur notre territoire un vaste réseau de salles de cinéma contribuant au maintien de notre diversité culturelle, à laquelle nous sommes tous très attachés.

Permettez-moi de souligner les difficultés que rencontrent les petites salles de cinéma. Alors que la fréquentation globale est en hausse, ce que confirment les bons résultats du premier trimestre de 2010 avec une augmentation de 8 %, certaines petites salles ont connu en 2009 un recul de 10 à 20 % de leurs bénéfices.

Les petites salles, les salles d’art et d’essai et les salles de cinéma en milieu rural pourraient se trouver fragilisées économiquement si elles ne réussissaient pas à se moderniser. Il s’agit donc d’un plan de sauvetage extrêmement important pour la diffusion culturelle.

Je citerai, pour illustrer mon propos, un exemple, pris dans mon département de Seine-et-Marne. Je salue le dynamisme et la détermination du gérant passionné du plus petit cinéma d’Île-de-France, installé, depuis fort longtemps, à Mons-en-Montois, petit village de 400 habitants près de Provins. Il propose chaque semaine une programmation diversifiée à quelques dizaines de spectateurs cinéphiles.

Ce gérant de cinéma en milieu rural a pu maintenir son activité et sauver son établissement atypique grâce à votre intervention, monsieur le ministre. Il s’est vu octroyer une subvention du CNC, sans laquelle il n’aurait pas pu poursuivre son activité. La presse régionale s’en est fait l’écho récemment.

Il nous faut aller plus loin pour éviter que, à terme, les salles qui ont su, jusqu’à aujourd’hui, résister face difficultés nées des mutations technologiques, ne disparaissent faute de moyens.

Il est de notre devoir de favoriser l’essor du numérique, car les salles de cinéma jouent un rôle fondamental dans la vie culturelle de notre pays. Nous disposons d’un parc de 5 500 écrans, ce qui est unique en Europe.

Je tiens à souligner le rôle des collectivités territoriales, qui ont racheté de nombreuses salles afin de les sauver. La ville de Melun, où je suis élue et en charge de la culture, soucieuse de préserver une activité cinématographique diversifiée et d’offrir à tous les publics des salles de cinéma de proximité, a décidé d’acquérir les murs et le fonds de commerce de son dernier cinéma. Elle l’a ensuite confié à un gérant dont la mission est d’exploiter cette activité à ses risques et périls, avec toutefois des actions menées en lien avec les services culturels et une réflexion conduite par un comité de pilotage. Malgré cette aide, ce cinéma de centre-ville connaît beaucoup de difficultés, récemment accentuées par l’arrivée d’un deuxième multiplexe à sa périphérie.

II est donc urgent de procéder à la numérisation de l’établissement. Cela permettrait de répondre à la demande du public et de continuer d’assurer une activité cinématographique en centre-ville pour tous ceux qui ne pourraient pas se rendre dans les multiplexes.

Je tenais à citer ces exemples particuliers, car ils sont représentatifs d’une situation que l’on trouve sur l’ensemble du territoire national.

L’engagement de l’État et sa participation aux efforts des collectivités locales seront déterminants pour l’avenir du cinéma français, qu’il faut préserver.

En conclusion, je tiens à souligner qu’en réponse à une demande forte de la profession du cinéma, il a été introduit dans ce texte une disposition visant à rendre obligatoire, et non plus facultative, la référence aux usages de la profession cinématographique pour fixer les loyers des salles de cinéma. Désormais, la référence pour ce calcul sera le chiffre d’affaires réalisé par l’exploitant. Il est, en effet, nécessaire de réguler ces baux si l’on souhaite préserver les cinémas qui ont réussi, souvent avec difficulté, à se maintenir dans les centres-villes.

Mes chers collègues, je me réjouis que cette proposition de loi fasse l’objet d’un consensus, tant sur le fond que sur la méthode. Pour toutes ces raisons, il est très important de voter ce texte tant attendu par tous ceux qui aiment le cinéma et porteuse d’avenir pour les exploitants indépendants des salles de cinéma de notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion