Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 16 septembre 2010 à 9h30
Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques — Article 1er

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

L’exception culturelle française se caractérise par certaines spécificités de notre pays par rapport aux autres pays d’Europe, voire du monde, dans le domaine culturel. C’est le cas d’un certain nombre de dispositifs législatifs et réglementaires qui soutiennent le secteur de la culture et la création artistique.

Le septième art français participe allègrement au rayonnement de la culture française à travers le monde. Pourtant, confrontée à la forte concurrence de Hollywood à partir des années quatre-vingt, la France a su se spécialiser dans deux branches moins concurrentielles : celle de la comédie et celle du cinéma d’auteur.

La qualité des salles d’art et essai, à la fois indépendantes et singulières, fait de la France un pays particulièrement cinéphile. Défendre le pluralisme des lieux de diffusion, indispensable à la diversité des œuvres, et promouvoir un cinéma indépendant, qui relève de toutes les créations, en toute liberté, constituent deux tâches auxquelles la France se doit de répondre.

C’est pourquoi il est nécessaire de garantir la cohérence, l’unité et la solidarité du cinéma commercial envers le cinéma d’auteur. Or, cette proposition de loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques remet gravement en cause la diversité culturelle et fait apparaître le risque d’une inégalité d’accès au numérique suivant le territoire.

Notre amendement vise à spécifier, à l’article 1er, alinéa 4, que toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques sont concernées par le financement de l’équipement numérique.

Selon la Commission européenne, un tiers des cinémas pourraient effectivement fermer en raison du coût d’un tel équipement. Le passage au numérique pourrait donc constituer une menace pour les salles indépendantes, nombre d’entre elles n’affichant pas un nombre suffisant d’entrées pour exiger des distributeurs un financement.

Par ailleurs, la proposition de loi ne permet pas d’enrayer la menace qui pèse aussi bien sur les salles indépendantes que sur les petits distributeurs. Elle ne concerne que les salles moyennes, excluant les plus petites en raison d’un critère de contribution fondé sur les premières semaines de sortie nationale. La mention de l’adjectif « toutes » permet d’élargir le bénéfice de la contribution numérique, sans exclusion, conformément au principe du CNC, à savoir diversité de la programmation et des salles sur tout le territoire.

La menace de fermeture qui pèse sur de nombreuses salles met en péril la diversité culturelle elle-même. Nous ne contestons pas l’apport de cette nouvelle technologie, mais il faut reconnaître, d’une part, que le cinéma en 3D concerne encore un nombre restreint de sorties, et, d’autre part, que cette technologie reste trop chère pour les petites exploitations. Elles constituent pourtant des lieux propices au développement du cinéma d’auteur qui, depuis des décennies, fait de l’Hexagone une véritable référence en matière de production cinématographique du fait tant de sa qualité que de sa diversité. C’est d’ailleurs pour cela que l’on ne peut réduire le modèle cinématographique français aux divers blockbusters qui remplissent nos salles aujourd’hui.

Nos salles d’art et essai qui, pourtant, défendent ce modèle, doivent subir ce passage au numérique qui ne paraît pourtant pas être une nécessité.

Enfin, que la dimension « foraine » du cinéma ait sa place, nous le concevons, mais il paraît aberrant de décider du basculement de toute la filière en fonction de ce seul aspect. Il ne dépend que de nous de défendre la qualité et la diversité du cinéma français.

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