L’objet de l’article 62 est de modifier les dispositions de la loi de modernisation de l’économie, la LME, sur l’équilibre des relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs, en particulier en instaurant une clause de renégociation afin de tenir compte de la volatilité du prix des matières premières. C’est sur ce point que je souhaite m’exprimer.
Je me félicite des évolutions apportées par ce projet de loi sur des points essentiels de la négociation commerciale.
La prise en compte des fluctuations des cours des matières premières est une avancée dans le cadre des négociations, notamment au vu de l’évolution tout à fait « haussière » des cours ces dernières années.
L’Assemblée nationale et la commission des affaires économiques du Sénat ont apporté des précisions utiles pour que le nouveau dispositif affecte bien l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire, le but étant de répartir la charge supplémentaire ou les gains entre tous les acteurs de la filière. Je tiens à insister fortement sur cette nécessité, car, sur le terrain, les difficultés sont grandes, surtout lorsque les rapports de force économiques sont, comme nous le savons, très déséquilibrés entre producteurs, transformateurs et distributeurs.
Les tensions entre les centrales d’achat des grandes surfaces, les entreprises de l’industrie agroalimentaire et les producteurs agricoles sont fortes. La course aux prix bas détruit de la valeur, car elle vient réduire les marges de l’ensemble des acteurs et empêche la répercussion des hausses de charges, à commencer par le coût de l’alimentation des animaux.
Cette tendance conduit à une baisse de la qualité, voire à des fraudes et à des tromperies, comme nous en avons eu un exemple au mois de février dernier avec le scandale de la viande de cheval.
Je prendrai l’exemple de la filière viande, dans laquelle il est crucial que l’ensemble des acteurs parviennent à s’accorder pour répercuter les hausses de charges, afin que chacun des maillons de la chaîne puisse vivre décemment de son travail et de son activité. Sinon, le risque serait d’aboutir à une véritable catastrophe économique, puisque, si les revenus des éleveurs demeurent durablement trop faibles, comme c’est le cas actuellement, beaucoup d’entre eux cesseront leur activité, ce qui est déjà en cours dans certains secteurs de notre territoire.
Le rapport de la mission d’information de la filière viande à ce sujet a déjà montré que l’élevage français a perdu en dix ans de 15 % à 25 % de ses productions selon les secteurs. C’est un déclin très préoccupant, qui se révèle dramatique dans certaines zones à forte production animale. Je pense à la Bretagne, par exemple, avec ses élevages porcins et de volailles, ces filières connaissant aujourd’hui une situation extrêmement difficile qui tient à une baisse de la production liée, certes, à des distorsions de concurrence européennes, mais aussi au renchérissement du coût de l’alimentation et donc du coût de production. En effet, la répercussion sur les prix des viandes ne s’est pas faite.
Je rappelle que 60 % à 70 % du coût de production d’un porc ou d’un poulet résultent de son alimentation et que la hausse du prix de l’alimentation animale et la grande volatilité des prix grèvent lourdement les revenus des éleveurs. Aussi, ces variations doivent pouvoir être répercutées sur les prix à tous les maillons de la chaîne.
Les nouvelles dispositions prévues dans cet article, plus précisément cette clause obligatoire de renégociation pour permettre une meilleure prise en compte de la volatilité des cours des matières premières dans les contrats portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires, ainsi que la mise place d’une sanction importante en cas de non-respect de cette obligation, doivent permettre de rétablir des relations plus équilibrées, plus équitables, dans la chaîne de valeurs des filières. Là aussi, il faudra veiller à leur application.