Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 16 septembre 2013 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurer l’égalité entre les femmes et les hommes constitue l’une des priorités de ce gouvernement – le premier gouvernement paritaire de l’histoire de la République –, qui s’est doté d’un ministère aux droits des femmes de plein exercice.

II est vrai que, au cours des quarante dernières années de nombreuses avancées ont été réalisées dans la conquête de l’égalité. Je pense notamment aux lois Roudy de 1983 et Génisson de 2001 sur l’égalité professionnelle, à la loi sur la parité de 2000, ou encore à la récente loi sur l’instauration du binôme dans les conseils départementaux.

Néanmoins, le classement du forum économique mondial réalisé en 2012 place la France au 57e rang, sur 135 pays, en matière d’égalité entre les sexes. Si notre pays obtient de bons résultats dans le domaine de l’éducation et de l’accès aux soins, cette étude montre en revanche que nous avons encore d’importants progrès à accomplir quant à l’accès au travail, ainsi que dans les sphères économique et politique.

J’en veux pour preuve la composition même de notre assemblée, qui ne compte que 22 % de femmes.

Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, vise à améliorer et renforcer les dispositions existantes. Il s’agit d’un texte ambitieux qui procède d’une démarche innovante. Comme vous l’avez rappelé, alors même que l’ensemble des lois traitant des droits des femmes et de l’égalité ont abordé le sujet de manière sectorielle, ce texte prend enfin en compte la dimension transversale du problème en reconnaissant que les inégalités et les discriminations sont protéiformes.

Il contient des mesures permettant d’assurer l’égalité professionnelle en sanctionnant l’inégalité salariale ou en réformant le congé parental.

Ce texte permettra de lutter contre la précarité spécifique des femmes en expérimentant, par exemple, une garantie contre les impayés de pensions alimentaires.

Il les protégera contre les violences qu’elles peuvent subir en privilégiant l’éviction du domicile du conjoint auteur de violences ou encore en généralisant le dispositif « Téléphone grand danger ».

Enfin, il renforcera la parité dans la sphère politique en doublant la sanction financière des partis qui ne la respecteraient pas et généralisera ce principe de parité aux instances dirigeantes des fédérations sportives ainsi qu’à tous les établissements publics à caractère industriel et commercial, aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture.

C’est un fait : la conquête de l’égalité passe par le droit. Mais elle passe aussi et surtout, en amont, par l’accès à l’éducation, dont le défaut est, avec les résistances culturelles et les préjugés, à l’origine des différences de traitement entre les femmes et les hommes.

À ce titre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des outre-mer, où le taux d’échec scolaire et d’analphabétisme est particulièrement élevé.

Vous le savez, madame la ministre, la réalité sociologique, géographique et économique des collectivités d’outre-mer est différente de celle des régions hexagonales. Les difficultés y sont souvent exacerbées et les inégalités entre les sexes ne font pas exception.

On peut regretter au passage que les outre-mer ne comptent que deux sénatrices sur vingt et un sénateurs.

Vous me pardonnerez de parler de mon département, mais la condition des femmes mahoraises justifie que je m’y attarde un instant.

La société mahoraise traditionnelle est matriarcale. Les femmes y occupent depuis toujours un rôle majeur. Je crois important de rappeler qu’elles sont au cœur de l’histoire institutionnelle de Mayotte. Je veux ainsi rendre hommage à ce groupe de femmes appelées les « chatouilleuses » et au combat qu’elles ont mené pacifiquement pour que Mayotte reste française en soumettant leurs adversaires à des chatouilles ! §C’est original, je vous le concède !

Si la polygamie et l’inégalité successorale ont été supprimées, si l’âge légal du mariage a été relevé et la parité, instituée, l’égalité est aujourd’hui encore loin d’être assurée.

Je rejoins l’ancien préfet de Mayotte qui déclarait que « l’accès à l’éducation, à la formation, à l’emploi, aux postes à responsabilité, la reconnaissance sociale, familiale et professionnelle relèvent encore trop souvent de l’utopie ».

Dans cette île, la population active occupée s’élève à seulement 35 000 personnes sur 212 000 habitants La proportion de femmes en situation d’emploi est deux fois plus faible – 22 % – que celle des hommes – 43 %. Le niveau de formation insuffisant, les grossesses précoces, le manque de structures d’accueil des enfants, conduisent bon nombre d’entre elles à demeurer « femmes au foyer ».

La représentation équilibrée entre les deux sexes est également loin d’être effective dans la vie politique mahoraise et, même si elles n’ont plus peur d’investir le champ politique, on ne dénombre que deux femmes maires sur dix-sept, et une conseillère générale sur dix-neuf.

Le soutien du Gouvernement à la réalisation d’un planning familial, qui a ouvert ses portes le 18 juin 2012, et à la mise en place d’un programme « 101 femmes, 101 métiers » sont des actions qu’il faut impérativement développer.

Madame la ministre, je voterai pour ce texte qui met en place une politique transversale d’égalité afin d’agir avec efficacité en faveur des droits des femmes. J’encourage en outre ce Gouvernement à poursuivre les actions de rattrapage entreprises dans nos territoires plus éloignés.

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