Néanmoins, je me dois de vous faire part d’une préoccupation.
Depuis la sortie du rapport Fragonard, le 9 avril dernier, la politique familiale est, disons-le, dans le viseur du Gouvernement. Avec cet article 2, en voici la première et la plus éclatante concrétisation.
Madame la ministre, vous avez eu, je le dis avec délicatesse, un peu de mal à trouver par quel bout réduire le périmètre de la politique familiale. Il a d’abord été question de placer les allocations familiales sous condition de ressources. Mais sonner le glas du principe d’universalité, quelque part, reconnaissons-le, ça coinçait... Vous avez donc dû – c’était également arrivé au gouvernement précédent – faire machine arrière.
Or, quand on ne peut pas entrer par la porte, on passe par la fenêtre : voici donc maintenant une réforme du congé parental. Certes, elle n’est pas présentée comme une réforme comptable. Bien au contraire, sa vocation est parfaitement équitable puisque son but affiché est d’inciter les pères à recourir au CLCA et d’aider les mères à réintégrer le marché du travail.
Cet objectif, comment ne pas le partager ? Et comment ne pas partager également le constat qui le sous-tend ? Oui, le CLCA fonctionne, mais, nous le savons tous, seulement 3, 5 % de ses bénéficiaires sont des hommes. Le CLCA n’a pas permis de rééquilibrer les rôles entre les hommes et les femmes, tout simplement parce que ce n’était pas sa vocation.
Pour lui conférer cette vocation, plusieurs formules étaient envisageables. C’est celle que vous avez choisie, madame la ministre, que nous contestons : vous avez choisi la méthode de la contrainte, de l’obligation, une mesure autoritaire qui ne change rien aux racines du problème.
Vous partagez le congé, une partie de celui-ci étant réservée au parent qui n’en aura pas principalement bénéficié. L’idée est noble, mais, à nos yeux, la solution est un peu hypocrite, car cette contrainte mettra les familles en difficulté sans inciter les pères à prendre leur part du congé.
Pourquoi ? Parce que les choix des parents sont dictés par leurs possibilités financières. Ce n’est pas en obligeant le père et la mère à partager le congé qu’on s’assurera qu’ils le feront. Comme vous le savez, madame la ministre, leur comportement dépend de leurs revenus. Un homme qui gagne 2 000 euros nets par mois ne privera pas son ménage de ce revenu pendant six mois en échange des 572 euros du congé parental et d’une économie sur les frais de garde.
Autrement dit, le cœur du problème demeure encore et toujours celui des écarts persistants de rémunération entre les femmes et les hommes. Pour y remédier, il n’existe pas de solution miracle, mais il y a deux possibilités : on peut soit augmenter le montant du congé parental, soit réduire les écarts de salaire. Or réduire les écarts de salaire, cela ne se décrète pas. Il faut donc augmenter le montant du congé, quitte à en réduire la durée.