Intervention de Jean-Claude Lenoir

Commission pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 18 septembre 2013 : 1ère réunion
Mise en oeuvre de la loi relative à la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Claude LenoirJean-Claude Lenoir, co-rapporteur :

Après avoir vu le contenu de la loi, nous allons vous présenter son application. Pour cela, nous avons essayé de répondre à plusieurs questions :

- Tout d'abord, tous les textes réglementaires ont-ils été publiés et la loi est-elle aujourd'hui pleinement applicable ? Les différents acteurs chargés de sa mise en oeuvre sont-ils opérationnels, notamment au plan matériel, pour pouvoir mettre la loi en application ? La réponse est oui.

Les mesures d'application ont été prises dans les six mois qui ont suivi la promulgation de la loi, ce qui est conforme à la circulaire du 29 février 2008 relative à l'application des lois, qui fixe un objectif de publication de tous les textes d'application dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi.

Un premier décret a été publié le 11 juin 2010, qui couvre l'essentiel des mesures nécessitant d'être prises. Sont ainsi définies par ce décret :

- Les conditions de temps, de lieu et de maladie devant être remplies pour pouvoir présenter une demande ;

- Les questions relatives à la mise en place du CIVEN : sa composition, son mode de nomination et de fonctionnement, ainsi que toutes les indications concernant la forme que doit revêtir la demande d'indemnisation et son traitement ;

- La création de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires mentionnée et ses modalités de fonctionnement.

Ce décret a été complété par un décret du 23 juillet 2010 qui permet au CIVEN de collecter et traiter des données personnelles relatives à la santé et à la vie du demandeur en conformité avec les textes en vigueur concernant le traitement des données à caractère personnel.

Enfin, le 30 avril 2012, un décret modifiant celui du 11 juin 2010 a été pris, afin d'élargir la liste des maladies et le périmètre géographique définis par le décret initial. En effet, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, il apparaissait que ces éléments, un peu trop restrictifs, excluaient de fait un certain nombre de dossiers pourtant indemnisables au regard des autres conditions.

Concernant les opérateurs créés par la loi, eux-aussi ont été mis en place rapidement. Ainsi, le CIVEN a été nommé quelques jours après la publication du dernier décret le concernant ! La nomination de ses membres a été effectuée par arrêté du ministre de la défense le 03 août 2010, pour trois ans. Sa composition a été modifiée par arrêté du 21 mars 2011. Cette mise en place rapide a permis la tenue de la première réunion du CIVEN le 20 septembre 2010. Le mandat des membres du CIVEN arrivant à échéance en août 2013, un arrêté a été publié le 29 août 2013, portant nomination au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Sa composition reste quasiment inchangée.

En termes de financement, une action nouvelle a été créée au sein du programme 169 « reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Chaque année, en loi de finances initiale, 10 millions d'euros sont inscrits au titre de cette action 6 « Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français ».

Enfin, certains éléments ont été déclassifiés afin de pouvoir être produits en appui des dossiers. Même si le ministère de la défense ne faisait aucune rétention d'information lorsque le CIVEN l'interrogeait sur certaines pièces ou documents nécessaires à l'instruction des dossiers, cette levée du secret-défense permet aussi de jouer la transparence et rétablir la confiance entre les différents acteurs de ce dossier.

Ces points positifs d'application de la loi conduisent donc à nous poser d'autres questions : la loi a-t-elle été déjà appliquée ? Quelles ont été les dispositions mises en oeuvre et dans quelles circonstances ? In fine, quels sont les résultats ?

La réponse est beaucoup plus nuancée. Trois ans après la mise en place des structures nécessaires à la mise en oeuvre pratique de la loi, celle-ci se heurte à des difficultés importantes.

Tout d'abord, très peu de dossiers sont déposés, et la plupart sont rejetés. Lors des discussions parlementaires précédant le vote de la loi, et lors des auditions menées par vos rapporteurs, l'idée selon laquelle on allait devoir faire face, dès publication des mesures d'application, à un afflux massif de dossiers, semblait partagée par tous. Les projections estimaient le nombre de dossiers déposés de l'ordre de 20 000, et le nombre d'indemnisables entre 2 000 et 5 000.

Aujourd'hui, où en est-on ? Les derniers chiffres disponibles, au 24 juin 2013, de 840 demandes d'indemnisation reçues et 11 indemnisations accordées !

Ce faible nombre de dossiers déposés interroge. Non seulement cela ne correspond pas aux projections, qui pourtant se rejoignent, de tous les acteurs du dossier, mais en plus diverses mesures ont été mises en oeuvre lors de la promulgation de la loi pour lui assurer une certaine publicité : pleine participation des associations de victimes à tous les stades de la procédure, publicité volontaire du ministère par la publication de dépliants sur la loi, mise en place d'un centre de suivi médical en Polynésie et forte reprise médiatique.

De fait, budgétairement, sur les 10 millions inscrits en loi de finances initiale chaque année, une part minime seulement est consommée au titre de ladite action. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, il était annoncé qu'entre le 20 septembre 2010 (première réunion du CIVEN) et le 6 septembre 2012, seuls 290 000 € avaient été alloués au titre de l'indemnisation.

La deuxième limite concerne les deux structures mises en place par la loi. Le CIVEN, tout d'abord, est confronté à un manque de moyens. Sa structure est légère et son secrétariat a été réduit de moitié, conséquence du peu de dossiers déposés. En outre, il possède une double base géographique, puisqu'une partie a été délocalisée à La Rochelle ! La communication est difficile entre les deux pôles, la base de données rochelaise, par exemple, n'étant pas consultable depuis Paris ... Enfin, le CIVEN peine à recruter des experts médicaux spécialistes de l'indemnisation du dommage corporel, pourtant nécessaires pour réaliser les expertises préalables aux indemnisations.

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