Intervention de Cécile Duflot

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 septembre 2013 : 2ème réunion
Accès au logement et urbanisme rénové — Audition de Mme Cécile duFlot ministre de l'égalité des territoires et du logement

Cécile Duflot, ministre :

Je suis heureuse de présenter ce texte qui embrasse de nombreux sujets et auquel je vous avais renvoyé à plusieurs occasions.

Réguler, protéger, innover, tel est le triptyque de ce projet. Le débat à l'Assemblée nationale a été constructif et a dépassé les clivages, d'où de nombreux ajouts au texte initial.

Réguler, tel est le premier axe. La loi entend encadrer l'évolution des loyers. Dans une approche idéologique, l'on considère que la puissance publique ne doit pas intervenir. En réalité, le libre jeu de l'offre et de la demande crée dans certains territoires un décalage fort entre l'évolution des revenus et celle des loyers, qui aboutit à des blocages : la mobilité baisse, avec des conséquences sur l'emploi, puisque les salariés hésitent à accepter des missions temporaires de crainte de ne pas retrouver de logement. Contrairement à ce que l'on croit, la loi de 1948 avait débloqué les loyers, sauf pour les baux en cours. Entre libre jeu du marché et blocage des loyers, le Gouvernement a choisi de mettre en place un mécanisme de régulation souple, pour que les loyers évoluent de manière contrainte afin d'éviter l'emballement que l'on a connu ces dernières années.

Le texte, c'était attendu, régule les professions de l'immobilier, dont le développement a accompagné l'envolée du secteur. Leur gestion n'est pas toujours rigoureuse, au risque de fragiliser certaines copropriétés ; plus de transparence dans les relations entre professionnels, locataires et copropriétaires était nécessaire. De même, les frais d'agence sont élevés, alignés sur les montants des loyers. Désormais ils seront qualifiés d'honoraires. Ces professions, notamment les syndics, seront réorganisées, conformément aux préconisations de nombreux rapports. Les tarifs seront plus transparents ; un Haut conseil des professions immobilières est créé : le livre blanc des professionnels de l'immobilier proposait cette instance de contrôle professionnelle.

Nous avons souhaité également davantage de clarté et de transparence pour apaiser les rapports locatifs. Un bail-type est créé, ainsi qu'un état des lieux type, dans ce domaine qui constitue un nid à contentieux.

La régulation des documents d'urbanisme, schémas de cohérence territoriale (SCOT) et plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI), a donné lieu à des discussions riches à l'Assemblée nationale. Sans doute le Sénat apportera-t-il sa contribution. L'enjeu est de penser l'aménagement à l'échelle pertinente pour les populations, l'intercommunalité, tout en apaisant les craintes des élus de se voir imposer un plan sur lequel ils n'auraient pas leur mot à dire. L'objectif est que l'ensemble du territoire soit couvert par un document d'urbanisme. Aujourd'hui, 40 % des communes ne disposant pas de PLU, relèvent du règlement national d'urbanisme, partant de la décision de l'Etat. Le SCOT doit redevenir le document d'orientation à une échelle plus vaste, et le PLUI constituer un outil opérationnel d'aménagement. Le débat est apaisé. Il ne s'agit pas de priver les maires de la compétence pour délivrer les permis de construire, mais de faire en sorte que la réflexion sur l'aménagement s'opère au niveau de l'intercommunalité.

Il s'agissait aussi d'inscrire dans le code de l'urbanisme des dispositions sur l'urbanisme commercial. Un amendement, déposé à l'initiative de ma collègue Sylvia Pinel, ministre en charge du commerce, a été adopté pour réglementer les drives, qui donnent lieu à cinq installations chaque jour. D'autres mesures figureront dans la loi à venir sur le commerce.

Protéger, ensuite, de la violence de la crise. La garantie universelle des loyers (GUL), fruit de longues réflexions, initiées par Marie-Noëlle Lienemann et prolongées par Jean-Louis Borloo, contribuera à prévenir les expulsions et les drames humains qui apparaissent chaque année, au moment où le recours à la force est demandé en raison des impayés, et que des familles se retrouvent placées en hébergement d'urgence. Or il y a des logements vacants. Une taxe sur les logements vacants a déjà été instituée. Nous proposons une démarche incitative afin de sécuriser les propriétaires, souvent de bonne foi, qui ne souhaitent pas fragiliser davantage leurs locataires en difficulté, mais veulent récupérer leurs loyers. La GUL rassure les propriétaires et apaise la relation entre propriétaires et locataires. Enfin elle facilitera l'accès au logement, compliqué en raison du niveau élevé des cautionnements et des garanties exigées. Le dispositif mutualisé sera accessible aux ménages qui emménagent dans les 6,5 millions de logements du parc locatif privé. Pour l'évaluer, il faudra comparer son coût avec celui résultant de son absence : les sommes versées par l'État pour indemniser les propriétaires lorsque les familles ne sont pas expulsées en raison de la trêve hivernale ou pour éviter un drame humain, les montants versés par les fonds de solidarité pour le logement (FSL) en garantie des impayés, ou le coût des nuitées hôtelières pour assurer l'hébergement d'urgence, etc. Le pari que constitue ce mécanisme préventif économisera des deniers publics. La GUL constitue un exemple de coproduction législative : le Gouvernement a la volonté de travailler en liaison avec les parlementaires.

Un sujet de consensus est la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Tous les élus locaux sont concernés. Nous empêchons les propriétaires déjà condamnés pour ce motif de pouvoir racheter un autre bien, parfois dans le même immeuble, au risque de faire basculer la copropriété. En outre, pour lutter contre les copropriétés dégradées, nous cherchons à intervenir plus en amont. Le texte s'inspire notamment des préconisations de Claude Dilain. Enfin des dispositions sont destinées aux personnes les plus vulnérables. Nous inscrivons dans la loi certaines mesures formulées lors de la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, notamment le rôle des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). De même nous autorisons les préfets à adapter le calendrier de la trêve hivernale, en fonction des impératifs locaux, notamment les aléas climatiques.

Le dernier axe, est celui de l'innovation. Il témoigne de la confiance du Gouvernement dans les acteurs de l'innovation et crée un cadre juridique adapté. Le texte crée ainsi un statut de l'habitat coopératif ou participatif, lequel représente 15 % du parc suisse, et apporte un cadre juridique aux formes légères d'habitat. En outre, il reprend deux mesures proposées à l'issue de la concertation sur l'attribution des logements sociaux afin d'améliorer la transparence et les délais. Dans le prolongement du numéro unique institué il y a quelques années, nous créons un dossier unique de demande. Le Gouvernement souhaite s'en tenir aux points qui ont fait consensus lors de la concertation et ont été proposés par le comité des sages. Nous sommes ouverts à d'autres expérimentations en accord avec les acteurs locaux. Le texte réforme également les rapports avec les partenaires sociaux d'Action logement et renoue avec un mode de gestion contractuelle. Un accord avec l'État sur la mobilisation de crédits exceptionnels a témoigné de l'efficacité de ce modèle de gestion paritaire.

Enfin la Mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) et l'Agence nationale de la participation des employeurs à l'effort de construction (ANPEEC) fusionneront au sein de l'ANCOLS (Autorité nationale unique de contrôle des organismes du logement social). L'existence d'un seul opérateur sera un gage d'efficacité.

Cette loi développe ainsi une action globale mais cohérente pour répondre à la crise du logement et aux blocages constatés.

1 commentaire :

Le 10/02/2014 à 21:40, chauvin a dit :

Avatar par défaut

Sauf erreur de compréhension de ma part, le commentaire de Madame la Ministre donne l'impression que l'Etat paie pour la trêve hivernale alors que ce sont les propriétaires qui en subissent les conséquences pécuniaires (je ne parle pas d'intervention FSL), je cite :"Pour l'évaluer, il faudra comparer son coût avec celui résultant de son absence : les sommes versées par l'État pour indemniser les propriétaires lorsque les familles ne sont pas expulsées en raison de la trêve hivernale".

J'ai gardé les meubles de ma locataire partie vivre chez le père de son fils pendant cette période et l'Etat n'est pas intervenu pour me rembourser. De quelle indemnisation s'agit-il? je suis persuadée qu'elle intéressera beaucoup de propriétaires.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion