Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).
Quel plaisir, madame la Ministre, après le Duflot I, voici Alur, ou plutôt le Duflot II ! Le texte voté par l'Assemblée nationale n'est pas encore disponible à la distribution, mais le texte provisoire compte 324 pages. L'imagination est au pouvoir ! Claude Dilain rapportera les titres I et II (favoriser l'accès de tous à un logement digne et abordable ; lutter contre l'habitat indigne), Claude Bérit-Débat les III et IV (améliorer l'efficacité des politiques publiques du logement ; moderniser le droit de l'urbanisme).
Je suis heureuse de présenter ce texte qui embrasse de nombreux sujets et auquel je vous avais renvoyé à plusieurs occasions.
Réguler, protéger, innover, tel est le triptyque de ce projet. Le débat à l'Assemblée nationale a été constructif et a dépassé les clivages, d'où de nombreux ajouts au texte initial.
Réguler, tel est le premier axe. La loi entend encadrer l'évolution des loyers. Dans une approche idéologique, l'on considère que la puissance publique ne doit pas intervenir. En réalité, le libre jeu de l'offre et de la demande crée dans certains territoires un décalage fort entre l'évolution des revenus et celle des loyers, qui aboutit à des blocages : la mobilité baisse, avec des conséquences sur l'emploi, puisque les salariés hésitent à accepter des missions temporaires de crainte de ne pas retrouver de logement. Contrairement à ce que l'on croit, la loi de 1948 avait débloqué les loyers, sauf pour les baux en cours. Entre libre jeu du marché et blocage des loyers, le Gouvernement a choisi de mettre en place un mécanisme de régulation souple, pour que les loyers évoluent de manière contrainte afin d'éviter l'emballement que l'on a connu ces dernières années.
Le texte, c'était attendu, régule les professions de l'immobilier, dont le développement a accompagné l'envolée du secteur. Leur gestion n'est pas toujours rigoureuse, au risque de fragiliser certaines copropriétés ; plus de transparence dans les relations entre professionnels, locataires et copropriétaires était nécessaire. De même, les frais d'agence sont élevés, alignés sur les montants des loyers. Désormais ils seront qualifiés d'honoraires. Ces professions, notamment les syndics, seront réorganisées, conformément aux préconisations de nombreux rapports. Les tarifs seront plus transparents ; un Haut conseil des professions immobilières est créé : le livre blanc des professionnels de l'immobilier proposait cette instance de contrôle professionnelle.
Nous avons souhaité également davantage de clarté et de transparence pour apaiser les rapports locatifs. Un bail-type est créé, ainsi qu'un état des lieux type, dans ce domaine qui constitue un nid à contentieux.
La régulation des documents d'urbanisme, schémas de cohérence territoriale (SCOT) et plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI), a donné lieu à des discussions riches à l'Assemblée nationale. Sans doute le Sénat apportera-t-il sa contribution. L'enjeu est de penser l'aménagement à l'échelle pertinente pour les populations, l'intercommunalité, tout en apaisant les craintes des élus de se voir imposer un plan sur lequel ils n'auraient pas leur mot à dire. L'objectif est que l'ensemble du territoire soit couvert par un document d'urbanisme. Aujourd'hui, 40 % des communes ne disposant pas de PLU, relèvent du règlement national d'urbanisme, partant de la décision de l'Etat. Le SCOT doit redevenir le document d'orientation à une échelle plus vaste, et le PLUI constituer un outil opérationnel d'aménagement. Le débat est apaisé. Il ne s'agit pas de priver les maires de la compétence pour délivrer les permis de construire, mais de faire en sorte que la réflexion sur l'aménagement s'opère au niveau de l'intercommunalité.
Il s'agissait aussi d'inscrire dans le code de l'urbanisme des dispositions sur l'urbanisme commercial. Un amendement, déposé à l'initiative de ma collègue Sylvia Pinel, ministre en charge du commerce, a été adopté pour réglementer les drives, qui donnent lieu à cinq installations chaque jour. D'autres mesures figureront dans la loi à venir sur le commerce.
Protéger, ensuite, de la violence de la crise. La garantie universelle des loyers (GUL), fruit de longues réflexions, initiées par Marie-Noëlle Lienemann et prolongées par Jean-Louis Borloo, contribuera à prévenir les expulsions et les drames humains qui apparaissent chaque année, au moment où le recours à la force est demandé en raison des impayés, et que des familles se retrouvent placées en hébergement d'urgence. Or il y a des logements vacants. Une taxe sur les logements vacants a déjà été instituée. Nous proposons une démarche incitative afin de sécuriser les propriétaires, souvent de bonne foi, qui ne souhaitent pas fragiliser davantage leurs locataires en difficulté, mais veulent récupérer leurs loyers. La GUL rassure les propriétaires et apaise la relation entre propriétaires et locataires. Enfin elle facilitera l'accès au logement, compliqué en raison du niveau élevé des cautionnements et des garanties exigées. Le dispositif mutualisé sera accessible aux ménages qui emménagent dans les 6,5 millions de logements du parc locatif privé. Pour l'évaluer, il faudra comparer son coût avec celui résultant de son absence : les sommes versées par l'État pour indemniser les propriétaires lorsque les familles ne sont pas expulsées en raison de la trêve hivernale ou pour éviter un drame humain, les montants versés par les fonds de solidarité pour le logement (FSL) en garantie des impayés, ou le coût des nuitées hôtelières pour assurer l'hébergement d'urgence, etc. Le pari que constitue ce mécanisme préventif économisera des deniers publics. La GUL constitue un exemple de coproduction législative : le Gouvernement a la volonté de travailler en liaison avec les parlementaires.
Un sujet de consensus est la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Tous les élus locaux sont concernés. Nous empêchons les propriétaires déjà condamnés pour ce motif de pouvoir racheter un autre bien, parfois dans le même immeuble, au risque de faire basculer la copropriété. En outre, pour lutter contre les copropriétés dégradées, nous cherchons à intervenir plus en amont. Le texte s'inspire notamment des préconisations de Claude Dilain. Enfin des dispositions sont destinées aux personnes les plus vulnérables. Nous inscrivons dans la loi certaines mesures formulées lors de la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, notamment le rôle des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). De même nous autorisons les préfets à adapter le calendrier de la trêve hivernale, en fonction des impératifs locaux, notamment les aléas climatiques.
Le dernier axe, est celui de l'innovation. Il témoigne de la confiance du Gouvernement dans les acteurs de l'innovation et crée un cadre juridique adapté. Le texte crée ainsi un statut de l'habitat coopératif ou participatif, lequel représente 15 % du parc suisse, et apporte un cadre juridique aux formes légères d'habitat. En outre, il reprend deux mesures proposées à l'issue de la concertation sur l'attribution des logements sociaux afin d'améliorer la transparence et les délais. Dans le prolongement du numéro unique institué il y a quelques années, nous créons un dossier unique de demande. Le Gouvernement souhaite s'en tenir aux points qui ont fait consensus lors de la concertation et ont été proposés par le comité des sages. Nous sommes ouverts à d'autres expérimentations en accord avec les acteurs locaux. Le texte réforme également les rapports avec les partenaires sociaux d'Action logement et renoue avec un mode de gestion contractuelle. Un accord avec l'État sur la mobilisation de crédits exceptionnels a témoigné de l'efficacité de ce modèle de gestion paritaire.
Enfin la Mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) et l'Agence nationale de la participation des employeurs à l'effort de construction (ANPEEC) fusionneront au sein de l'ANCOLS (Autorité nationale unique de contrôle des organismes du logement social). L'existence d'un seul opérateur sera un gage d'efficacité.
Cette loi développe ainsi une action globale mais cohérente pour répondre à la crise du logement et aux blocages constatés.
Madame la ministre, vous avez tenu votre engagement de présenter une loi d'ensemble qui intervient après différentes mesures d'urgence. A ceux qui vous reprochaient de prendre le dossier par petits bouts, vous aviez annoncé une loi importante. La voici.
Vous avez signalé des mesures phares comme l'encadrement des loyers, dont une première version avait été proposée dès 2011 par le Sénat, et la GUL. Votre projet modifie également considérablement la loi de 1989 sur les rapports entre bailleurs et locataires.
Les professionnels de l'immobilier souhaitaient une réforme de la loi Hoguet pour mettre de l'ordre dans leurs professions. Vos propositions sont positives et accueillies sans hostilité par les professionnels.
En outre, les copropriétés seront, enfin !, modernisées. La loi du 10 juillet 1965 avait montré ses limites, en particulier dans la gestion des situations graves. Je retrouve dans votre loi les propositions que nous avions formulées avec Dominique Braye. Votre collaboration avec la Garde des sceaux à ce sujet a porté ses fruits.
L'Assemblée nationale a enrichi le texte - la commission m'avait confié 46 articles ; j'en suis à 90... Je partage le souci du rapporteur de l'Assemblée nationale de veiller à conserver l'équilibre entre locataires et bailleurs. C'est le bon axe, même si, comme dans tout équilibre, chacun n'y trouve pas totalement son compte.
Comme personne ne le leur demande, beaucoup de copropriétaires n'ont pas souscrit d'assurance, même quand ils sont occupants. J'avais essayé d'aborder cette question dans la loi consommation, il faudra y revenir. Enfin, la GUL suscite bien des commentaires, y compris sur des mesures qui ne figurent pas dans la loi !
Vous aurez à préciser ce qu'il y a dans le texte et apporter des précisions, notamment sur le financement. Je vous remercie pour ce projet, attendu avec impatience dans certains territoires, comme la Seine-Saint-Denis, pour lutter contre ce cancer que constitue la crise du logement.
Votre présentation ayant été synthétique et claire, je voudrais attirer votre attention sur la généralisation des PLUI. Celle-ci, nous avez-vous dit, a fait l'objet d'un consensus à l'Assemblée nationale ; eh bien ici, elle constitue une ligne de clivage transpartisan : les uns craignent d'être dessaisis de leurs prérogatives en matière de droit des sols, les autres de se voir imposer un PLU. Les inquiétudes sont nombreuses.
Il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie. J'y suis favorable à titre personnel - cette mesure est comprise dans mon intercommunalité de 33 communes et 95 000 habitants.
En outre, vous avez soumis les drives des règles relevant de l'urbanisme commercial. Tout le monde le demandait, parce qu'en dépit de leur impact, ils se créent sans aucune autorisation. Il y a déjà 5 000 et leur nombre ne cesse de croître. Toutefois la réforme de l'urbanisme commercial doit aller beaucoup plus loin. Je crains un manque de cohérence et de visibilité, certaines mesures figurant dans cette loi, d'autres dans le prochain projet de Mme Pinel. L'urbanisme commercial appartient au champ de l'urbanisme. C'est pourquoi je proposerai des modifications.
Élue de Seine-Saint-Denis, je vous remercie pour ce projet qui répond à une attente forte des élus locaux comme de la population. Il arrive au bon moment pour répondre à des besoins criants, aussi marque-t-il une avancée considérable. L'article 12 bis demande au Gouvernement un rapport du gouvernement sur le statut unique pour les établissements de veille sociale, d'hébergement et d'accompagnement, qu'avait envisagé le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Un statut unique rendra-t-il plus fluides les parcours de l'hébergement vers le logement ?
L'article 17 inscrit dans la loi le principe de participation des personnes prises en charge dans les établissements d'accueil, d'hébergement et d'insertion, déjà en vigueur depuis 2002 pour les établissements sociaux et médico-sociaux. Si cette mesure favorise la réinsertion des intéressés, d'un point de vue pratique, signifie-t-elle une association au pilotage des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ou des plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées ?
Quel bilan tirez-vous des plans territoriaux de sortie de l'hiver ? L'objectif de mettre fin à une gestion saisonnière du dispositif d'hébergement est-il accessible ?
Cette loi attendue, suscite des craintes : elle requiert beaucoup de pédagogie... Vous voulez faire baisser les loyers ? Accélérez la construction ! Vous êtes déjà venue nous expliquer comment agir sur les paramètres du foncier. A ce propos, j'aurais aimé un retour sur les ordonnances, par exemple sur les recours abusifs : comment cela avance-t-il ? Et puis, il y a beaucoup de logements vacants dans les HLM. Pourquoi personne ne se penche-t-il sur cette question ? On serait effrayé par les statistiques... Il s'agirait d'un moyen de loger les personnes relevant de l'hébergement d'urgence. Donnons aux préfets un pouvoir sur les logements vacants.
Je préside une commission locale de l'Anah. Peu de progrès ont été réalisés dans la lutte contre les logements indignes. Certes nos crédits ont augmenté, mais les procédures d'intervention de l'Anah devraient être améliorées. Quant à la GUL, le précédent de l'assurance proposée par des agences immobilières montre qu'il ne faut pas qu'elle entame le revenu des petits propriétaires pour qui les loyers représentent un complément de retraite. Le dispositif soulève également un aléa moral s'agissant des locataires de mauvaise foi.
Notre groupe était globalement en accord avec les habilitations sauf sur l'extension des garanties aux communes et le statut du logement intermédiaire, lequel aurait pu être traité dans ce projet. Où en est-on ? Les promoteurs constructeurs comptent 75 000 logements en 2012 et annoncent une tendance médiocre cette année. Des informations complémentaires seraient bienvenues.
Avec les PLUI vous courez deux lièvres à la fois : en cherchant à mieux planifier, vous retirez de la constructibilité dans les documents d'urbanisme. Dans ma communauté de communes, les élus des quatre communes dotées d'un PLU craignent qu'à l'occasion du PLUI, l'État ne divise par deux les zones constructibles de leur PLU Grenelle validé. Si l'on ne trouve pas de solution intermédiaire, l'on se heurtera à des blocages.
La GUL, qui garantit le paiement des loyers aux propriétaires, est une bonne idée parce que sans investisseurs privés, l'on ne construira pas assez de logements. Cela dit, tout dépendra du décret d'application : vous nous demandez un chèque en blanc. Si 60 % des personnes qui ne paient pas leur loyer sont de bonne foi, 40 % sont de mauvaise foi ! Toute la question est là. Où placer le curseur ? Si le décret va trop loin dans une perspective humaniste, nous risquons d'ouvrir la boîte de Pandore et le nombre des mauvais locataires augmentera. Au-delà du paiement du loyer, l'on trouve une problématique sociale. Pour avoir appartenu aux premiers organismes HLM à mettre en place une commission de prévention des expulsions, les plus durs étaient les associations, sans cesse confrontées aux personnes de mauvaise foi. Je vous invite à regarder cela de très près.
Enfin, le dossier unique est une bonne idée, encore faut-il que les offices HLM disposent d'un logiciel unique adapté, car cela implique la reprise en gestion de plusieurs dizaines de milliers de logements - le diable se cache dans les détails... Quant à la critérisation, elle soulève la question du financement. Qui finance aujourd'hui le logement social ? Les communes et leurs communautés ! Il ne faut pas les oublier. Comment voulez-vous qu'elles acceptent de verser 20 000 ou 30 000 euros par logement social en moyenne, comme c'est le cas de ma communauté de communes rurales, si le maire, lorsqu'il veut satisfaire une demande de logement social, se voit opposer la critérisation ? Bref, l'État commande, l'État pénalise, l'État laisse payer les collectivités, auxquelles il transfère le logement indigne et bientôt le DALO. Faute d'un véritable équilibre, c'est le terrain qui va souffrir.
Les maires s'inquiètent de la nouvelle répartition des compétences en matière d'urbanisme, à commencer par le transfert automatique du PLU à l'échelon intercommunal. Qu'une commune n'ait aucun document d'urbanisme est inacceptable, mais la pédagogie ne vaut-elle pas mieux que la contrainte ?
Les maires ruraux veulent conserver la capacité d'aménager leur commune et choisir librement de déléguer ou non cette compétence à l'intercommunalité. Ils craignent la dilution des petites communes dans la communauté. Oui à la concertation intercommunale, oui au transfert de la compétence ingénierie, mais non au transfert obligatoire de la compétence urbanisme, disent-ils. « Sinon, il ne nous restera plus que l'état civil à gérer ! », m'a expliqué l'un d'eux.
L'intercommunalité n'est pas un fait ancien. Pour en avoir créé une, je mesure les efforts qu'il faut déployer pour persuader les maires de travailler ensemble, d'oublier les égoïsmes de clocher... Laissons-leur le temps d'assimiler les commissions départementales de coopération intercommunales, qui bouleverseront en 2014 la géographie des intercommunalités ; laissons-les s'organiser, quitte à les contraindre éventuellement à élaborer un schéma de cohérence territoriale. Bref, laissons du temps au temps... Je proposerai des amendements en ce sens.
Vous aviez annoncé un projet de loi ambitieux - il l'est. Il n'est pas tout à fait abouti, ce qui justifie que nous l'enrichissions. Le maire que je suis encore pour quelques mois se réjouit de voir qu'il traite de l'habitat coopératif et de l'habitat alternatif. Je souhaiterais que les terres agricoles soient mieux prises en compte dans les réflexions sur l'urbanisme. Quelle est la place des chartes des parcs naturels régionaux dans la hiérarchie des documents d'urbanisme ? Il en va de leur existence... On parle beaucoup des zones tendues mais peu des zones très détendues, des bourgs ruraux qui comptent nombre de logements fermés.
Enfin, je veux évoquer le logement des demandeurs d'asile, qui est pris en charge par l'État. Ceux qui arrivent en fin de droits sont théoriquement expulsés, mais certains ne peuvent l'être : les préfets qui ne sont pas inhumains ne pratiquent pas la chasse à l'étranger, or l'État n'a pas les moyens de loger ces personnes qui peuvent être ni intégrées, ni expulsées. Résultat, j'héberge un couple dans un logement communal, en toute illégalité. Cela ne peut pas durer...
Ce texte est un monument, a dit le président Raoul. Les dispositions relatives à l'urbanisme, qui figurent au chapitre IV, auraient mérité un projet de loi ad hoc, qui aurait pu être enrichi de mesures sur les recours abusifs, la simplification des procédures ou le grand sujet de l'urbanisme commercial, arrivé ici par amendement à l'Assemblée nationale... Au final, la question sera traitée dans deux textes différents : ce n'est pas satisfaisant.
Un an après votre projet de loi visant à libérer le foncier, voilà un aveu d'échec ! Le texte de 2012 aurait dû relancer la construction, or les chiffres sont sans appel : les ventes de logements neufs ont reculé de 17 %, les mises en chantier de 13 %. Que de temps perdu...
Le chapitre sur l'urbanisme comporte de bonnes mesures, notamment pour lutter contre l'étalement urbain. Cependant les bonnes intentions risquent d'être étouffées par la question du PLUI, auquel les maires sont très opposés. Je le dis d'autant plus librement que, maire depuis 24 ans, je n'ai connu que le POS intercommunal et le PLUI, et n'ai jamais eu à m'en plaindre. Mais les maires n'entendent pas que même avec un PLUI, ils restent acteur de l'aménagement de leur territoire : ils veulent que la démarche reste volontaire.
Enfin, je regrette que le projet de loi ne traite pas de l'accueil des gens du voyage, question qui est pourtant d'une actualité brûlante. Cet été, de nombreuses communes ont été débordées ; dans mon département, un maire a dû démissionner pour attirer l'attention des services de l'État sur le problème !
C'est un problème que l'on rencontre sur tout le territoire. Vérifions déjà que les communes remplissent les obligations prévues par la loi...
Le projet de loi Alur s'appuie sur des travaux parlementaires antérieurs. Ce que vous aviez voté dans le projet de loi Lefèbvre préfigurait certaines dispositions de ce texte sur l'encadrement des loyers - en plus restrictif puisque l'effet de quartier n'était pas pris en compte.
François Calvet, l'ordonnance sur les recours, que je suis venue vous présenter, est effective depuis le 19 juillet. L'assemblée générale du Conseil d'État se penchera le 26 septembre sur les autres ordonnances annoncées - sur la procédure intégrée pour le logement, sur la densification, sur la vente en état futur d'achèvement. Le travail se poursuit sur le Géoportail et sur la garantie des opérations d'aménagement. Conformément à l'engagement du président de la République, le passage de la TVA sur le logement intermédiaire à 10 % figurera dans le projet de loi de finances pour 2014. Preuve que les sujets avancent à un rythme soutenu.
Si Benoît Hamon s'est engagé à ce que la difficile question des assurances soit traitée ici, tel sera le cas. Le projet de loi prévoit que si le locataire ne souscrit pas d'assurance habitation, le propriétaire pourra s'y substituer. Je suis disponible pour réfléchir au cas des propriétaires occupants.
Si les choses avancent sur la loi de 1965, c'est parce que nous travaillons en bonne intelligence avec la chancellerie, qui ne considère pas comme subalternes des sujets comme l'encadrement des professions immobilières et des copropriétés.
Sur la GUL, il y a ce que dit le texte, et il y a les interprétations et commentaires... François Calvet a évoqué l'aléa moral. La garantie encouragera-t-elle les locataires de mauvaise foi à ne pas payer leur loyer ? Aujourd'hui, le taux de recouvrement des loyers impayés est faible, la procédure longue et coûteuse, le propriétaire désarmé. L'instauration d'un intermédiaire, plus professionnel et efficace, dont le coût sera en partie pris en charge, permettra un meilleur recouvrement des loyers dus par les locataires indélicats. Qui plus est, pour reprendre un bail, ces derniers devront passer par le même organisme de garantie qui ne perdra donc pas leur trace : quand ils essaieront de passer entre les mailles du filet, la patrouille les rattrapera.
La vraie question est celle des locataires de bonne foi. Imaginons un jeune couple, gagnant bien sa vie, qui paye sans difficulté son loyer pendant des années. À l'arrivée du deuxième enfant, la femme se met à travailler à mi-temps. Un jour, le mari disparaît ; il ne verse pas sa pension alimentaire. Désemparée, seule avec les enfants, la femme ne peut plus payer. Voilà le propriétaire - qui a besoin de ce loyer - bien embarrassé pour engager une procédure. C'est à ce type de situation que répond la GUL : elle sécurisera le propriétaire et aidera la locataire insolvable à monter un dossier d'allocation logement, à solliciter le DALO ou le relogement dans un appartement plus petit. Ce système aide à anticiper et à prévenir les difficultés. Elisabeth Lamure a évoqué la garantie des loyers impayés : aujourd'hui, les assureurs ont parfois des critères plus stricts que les bailleurs, car sur un parc restreint, le risque est difficile à évaluer et les primes plus coûteuses.
Sur l'hébergement, Aline Archimbaud, la réflexion est en cours. L'article 12 bis répond à une forte demande des associations et à la volonté du gouvernement de favoriser l'accompagnement vers le logement définitif, sans s'en tenir au simple hébergement. L'objectif est que les personnes hébergées soient associées aux décisions concernant leur lieu d'hébergement. Reste à creuser la question pour les SIAO et les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées. À l'issue de la Conférence contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, le Premier ministre a annoncé un dispositif pérenne et souple pour en finir avec la gestion saisonnière. Le Gouvernement va dégager 107 millions d'euros supplémentaires pour l'hébergement, mais la situation reste très tendue.
Il faut à la fois agir sur les loyers et accélérer la construction. Les dispositions prises, les ordonnances, l'augmentation du budget du logement sont la preuve de notre volontarisme en matière de construction. Cela n'exclut pas que l'on s'attaque aussi au dysfonctionnement des loyers : en même temps que l'on administre des antibiotiques pour lutter contre l'infection, on donne du paracétamol pour faire baisser la fièvre - le docteur Dilain ne me contredira pas !
La gestion des vacances de logement varie selon les organismes HLM ; elle est en effet parfois un peu languissante. L'amélioration de la gestion du parc HLM est un chantier permanent. Au demeurant, lorsque le logement est vacant, le bailleur ne perçoit plus l'APL.
L'Anah joue un rôle décisif dans la lutte contre le logement indigne. Nous travaillons notamment sur la précarité énergétique.
J'en viens aux PLU « grenellisés ». Le PLUI a vocation à se mettre en place lors de la révision du PLU. Les maires s'inquiètent, mais je ne connais aucune commune soumise à un PLUI qui ait souhaité sortir du dispositif, même en cas de changement de majorité ! Je mesure les difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux, ainsi que leurs craintes. Sans PLUI, les communes restent au règlement national d'urbanisme, ou, faute de moyens, achètent un PLU clé en mains, qui n'est pas forcément adapté à leur situation. J'ai en tête un cas où le faîtage était limité à 3,50 mètres, pour s'aligner sur les granges traditionnelles...
Travailler en commun n'empêche en rien les maires d'avoir un projet pour leur territoire, mais leur permet de se doter de moyens d'ingénierie de qualité, y compris pour l'instruction des permis. Après quinze mois au ministère, je constate que les élus soumis à un PLUI en sont satisfaits. Je me tiens à votre disposition pour rencontrer ceux de votre département, Madame Bourzai. De nombreuses petites communes très rurales peuvent témoigner que, loin d'être une difficulté, les PLUI évitent des situations parfois aberrantes, comme ces zones d'activité construites sans coordination dans des communes voisines et qui ne trouvent pas preneur... Ce n'est pas de l'idéologie, mais du concret ! J'ai entendu les craintes, mais je ne les crois pas fondées. Aucune commune n'est dépossédée quand elle réfléchit à l'avenir de son territoire avec ses voisins.
Sur le dossier unique de demandes, il faut en effet des logiciels compatibles. La critérisation pourra faire l'objet d'un débat. Le comité des sages, où ont siégé Mireille Schurch, Valérie Létard et Claude Bérit-Débat, a estimé que le sujet n'était pas mûr mais envisage des expérimentations ; j'ai choisi de lui faire confiance : la critérisation ne figure pas dans le projet de loi.
La question des terres agricoles sera traitée dans le cadre de la future loi d'orientation agricole. Tout le monde est d'accord pour lutter contre l'étalement urbain...
Tout le monde est d'accord pour économiser l'espace agricole, mais beaucoup sont également hostiles à la densification. Comment gérer cette contradiction ?
La contradiction est le propre de l'homme ! Nous avançons néanmoins. La densification n'est pas forcément incompatible avec la qualité architecturale : je pourrais vous montrer des exemples très convaincants. Les fédérations agricoles sont mobilisées. Bien que la préservation des terres agricoles ait été un engagement fort du Grenelle, la consommation de ces terres s'est accélérée ces six dernières années. Il faut apporter une réponse. À mon sens, la question essentielle est celle de l'assiette de la DGF. Sur l'urbanisme commercial, je ne peux que vous donner la position du gouvernement ; c'est le Parlement qui légifère.
La question des gens du voyage, pour laquelle je prône une approche dépassionnée, doit être traitée sous l'angle de l'urbanisme, qu'il s'agisse des gens qui vivent en yourte, dans de l'habitat léger démontable ou de l'habitat-caravane. Les mesures spécifiques, comme la suppression du carnet de circulation, seront traitées dans la proposition de loi de Dominique Raimbourg. Le projet de loi Alur traite des outils destinés aux élus locaux pour gérer l'habitat différencié. Ancienne adjointe à l'urbanisme d'une ville très concernée par la semi-sédentarisation, j'estime qu'il faut donner aux élus les moyens de répondre à cette problématique spécifique.
Je vous sens motivée pour défendre ce projet de loi, madame la Ministre. Soyez assurée que nous allons l'examiner en profondeur - le diable se cache parfois dans les détails ! Je fais confiance aux rapporteurs. Reste que notre commission a du mal à faire face à cette rafale de textes importants : après le projet de loi Consommation, le projet de loi Alur, puis le projet de loi Économie sociale et solidaire... J'ai attiré l'attention du président du Sénat sur les difficultés que nous rencontrons en termes de ressources humaines et de calendrier. Les députés ayant considérablement enrichi le projet de loi, je crains que son examen ne puisse être achevé en quatre jours... Nous y mettrons toutefois tout notre coeur et notre dévouement.