Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, voilà quelques semaines, nous discutions de l’épineuse question de l’application des lois. Chacun s’accordait, à la suite du rapport annuel de contrôle de l’application des lois élaboré par notre assemblée, à dénoncer la mauvaise influence de l’inflation législative sur la qualité de la loi.
La précipitation aidant, la volonté d’affichage, la désorganisation des travaux qui en résulte, l’absence de temps de réflexion produisent des monstres législatifs et juridiques. Le juriste, a fortiori le citoyen ne s’y retrouvent plus.
« Nul n’est censé ignorer la loi. » Cette formule clef de la démocratie perd tout son sens dans ces conditions.
M. le rapporteur lui-même évoque l’absence d’urgence réelle pour débattre de ces textes.
Ce sera mon premier argument pour justifier cette demande de renvoi à la commission : pourquoi ne pas prendre le temps nécessaire pour donner du sens à ce débat ? Puisque de multiples initiatives sont prises autour de cette question du conflit d’intérêts, cette remarque paraît fondée.
Dans sa lettre de mission installant la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique du 8 septembre 2010, Nicolas Sarkozy, qui tentait alors de stopper l’incendie Woerth-Bettencourt, écrivait : « Mais il existe une attente de davantage de transparence à laquelle il convient de répondre, sauf à altérer la confiance de nos concitoyens dans les institutions de l’État et des collectivités territoriales. Il ne suffit pas que la République soit irréprochable. Il faut encore qu’elle ne puisse même être suspectée de ne pas l’être. »
M. le Président de la République indiquait expressément que, si la mission confiée à la commission présidée par M. Sauvé concernait les membres du Gouvernement, les hauts fonctionnaires et les responsables des entreprises et établissements publics, les titulaires de mandats électifs devraient eux aussi être concernés par cette réflexion, mais que celle-ci relevait du Parlement.
Le rapport Sauvé a été remis au chef de l’État le 26 janvier dernier. Il comporte nombre de dispositions intéressantes et importantes, même s’il pèche sur le plan de l’intervention citoyenne. Il préconise en particulier une innovation majeure, à savoir la déclaration d’intérêt pour les ministres, les fonctionnaires, les dirigeants d’établissements ou d’entreprises privés. Je crois savoir que le comité de déontologie parlementaire du Sénat, présidé par notre collègue Robert Badinter, serait favorable à l’instauration d’une telle procédure pour les sénatrices et sénateurs.
Cette déclaration d’intérêt, qui permet de mieux cerner le risque de conflit, en rappelant les emplois des uns et des autres, qui inclut les biens familiaux, ceux des conjoints en l’occurrence, permettrait, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses démocraties en Europe, mais aussi au Canada ou en Australie, de progresser de manière significative en matière de transparence.
De même, selon M. Sauvé, et sous réserve de confirmation par notre comité de déontologie, l’instauration d’une réelle transparence en matière de cadeaux, comme les voyages pris en charge par des tiers, devrait prévaloir.
Or que constatons-nous ? Certes, les textes dont nous débattons abordent une question étroitement liée au conflit d’intérêt, celle des incompatibilités, ainsi que la problématique de la déclaration de patrimoine, mais c’est pour la sortir du droit commun, ...