J'ai commencé ma carrière au Tchad il y a fort longtemps, ce qui explique beaucoup de choses...
Le manque d'observations directes sur le lac alimente une cacophonie incroyable depuis une vingtaine d'années. Si nous avons des données régulières sur la cuvette sud depuis 1953, les dernières concernant la cuvette nord remontent à 1976. Les chefs d'État de la région, persuadés que le lac allait disparaître, ont conçu au début des années 1990 un grand projet de transfert du bassin de l'Oubangui au bassin du Tchad de 100 km3 par an. C'était beaucoup quand, en temps normal, l'apport du fleuve Chari au lac tourne autour des 40 km3. Un chiffre du même ordre a été retenu dans une version ultérieure, plus soft. Une étude, dont les résultats ont été publiés l'an dernier, préconise un transfert plus réaliste : 7 km3 par an. Pourtant, dans les discours, on continue d'utiliser les arguments des 40 et 100 km3.
J'en ai discuté avec mes collègues tchadiens, avec les gens de la CBLT. Nous sommes tombés d'accord sur l'idée qu'il fallait mettre les choses à plat et que pour cela, nous devions collecter les données publiées sur le fleuve qui étaient jusqu'à présent dispersées à droite et à gauche. Voilà comment est née cette expertise collégiale. Le but était de synthétiser les informations disponibles sur l'hydrographie du lac, les populations qui vivent autour et leur façon d'utiliser les ressources pour les présenter sous une forme accessible aux décideurs. Finalement, la nouveauté était de confronter des données thématiques issues de disciplines différentes.