Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 17 septembre 2013 à 14h30
Éloge funèbre de jean-louis lorrain sénateur du haut-rhin

Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, c’est avec une profonde tristesse que le Gouvernement ainsi que l’ensemble des membres de la Haute Assemblée ont appris le décès du sénateur Jean-Louis Lorrain survenu le 27 juin dernier à Rixheim, dans le Haut-Rhin, département dont il fut l’élu et le représentant au Sénat pendant près de vingt ans.

L’élection de Jean-Louis Lorrain à la Haute Assemblée, il faut le rappeler, prolongeait une longue carrière d’élu local : maire de Landser de 1977 à 2008, conseiller général du Haut-Rhin élu dans le canton de Sierentz de 1979 à 2011.

C’est dans cette petite commune de 1 600 habitants, nichée à proximité du parc régional des Ballons des Vosges, que Jean-Louis Lorrain trouva sa terre d’élection.

Cette terre de Landser fut l’espace de son engagement citoyen. Le développement au plan local des services publics qui faisaient défaut à ses concitoyens comme la préservation de son patrimoine sont le témoignage de l’action opiniâtre et résolue du maire Jean-Louis Lorrain.

C’est dans cette commune qu’il repose aujourd’hui, entouré du respect et de l’estime de ceux qui furent ses administrés et ses patients durant près de trente ans.

Jean-Louis Lorrain fit son entrée au Palais du Luxembourg en 1995, où il adhéra au groupe de l’Union centriste. Homme de conviction, centriste de cœur, il avait ensuite rejoint l’UMP.

Son intérêt pour les questions sanitaires et sociales le conduisit à rejoindre la commission des affaires sociales du Sénat.

L’histoire de sa région natale, sa proximité avec les frontières suisse et allemande, amenèrent cet Européen d’engagement à devenir également un membre actif de la commission des affaires européennes de la Haute Assemblée comme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

S’il fut un élu des territoires et de la Nation, Jean-Louis Lorrain fut d’abord et toujours un homme soucieux des autres, de leurs difficultés et de leurs douleurs.

Il fut un « honnête homme » comme l’entendaient Pascal et Montaigne, qu’il appréciait ; c’est là un point que chacun a souligné à l’annonce de son décès.

Cette préoccupation sociale fut au cœur de ses responsabilités, aussi bien en tant que vice-président du conseil général du Haut-Rhin chargé de la solidarité que pour la présidence, jusqu’à il y a peu, de l’Institut supérieur du service social de Mulhouse.

En tant que vice-président de la commission des affaires sociales de votre Haute Assemblée, il accomplit sa fonction de législateur avec passion, exigence et mesure.

Ses pairs se souviennent, et se souviendront d’une voix qui était écoutée, par exemple lors de l’examen des projets de loi relatifs au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament, à la bioéthique ou encore aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.

Dans ses dernières prises de parole publique, Jean-Louis Lorrain s’inquiétait encore du départ d’une génération de médecins généralistes qui ne serait pas remplacée en milieu rural.

Derrière cette interpellation, les deux lignes de force de sa vie d’homme trouvaient encore à s’exprimer : le souci des plus faibles et le choix de les soigner.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la dernière question écrite du parlementaire Jean-Louis Lorrain illustre d’ailleurs, ultimement, cet engagement pour les plus démunis.

Jean-Louis Lorrain y attirait ainsi l’attention du ministre de l’intérieur sur les expulsions des étrangers gravement malades qui devaient, selon lui, voir leurs droits pleinement garantis.

L’humanisme véritable de cet ancien auditeur de l’École du Louvre qui appréciait tant l’étude des peintures du XIIIe siècle comme des premiers médecins philosophes, dont il savait reconnaître l’apport à l’épistémologie moderne, cet humanisme trouva un débouché, un prolongement, dans un métier qui fut plus qu’un choix professionnel : l’engagement d’une vie.

En obtenant, en 1974, son doctorat en médecine à la faculté de Nancy, Jean-Louis Lorrain débutait une carrière de médecin qui fut une passion et un accomplissement.

Il exerça son rôle avec la perspective qu’avait tracée Pasteur et qui guide tant de soignants : « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. »

Devant cette nécessité d'une prise en compte de la douleur, face à cet impératif de l’écoute, Jean-Louis Lorrain se décida, sur son temps personnel, à engager un travail de recherche.

Il obtint en 2009 un doctorat en éthique et sciences du vivant à l’université de Paris-XI, ce qui est très rare parmi les parlementaires en exercice. Il intitula son étude Figures de la souffrance psychique - Approche éthique.

L’incipit même de ce travail illustre parfaitement ce qui fut la boussole du médecin et la pierre de touche du politique : « L’autre souffrant ne peut laisser indifférent. »

Il y a quelques mois encore, pour le trentième anniversaire du Comité consultatif national d’éthique, il contribua, aux Presses universitaires de France, à la parution d’un ouvrage intitulé Un politique, l’éthique et le Comité consultatif national d’éthique.

Jean-Louis Lorrain aimait l’étude mais il appréciait plus encore la transmission et l’enseignement.

Il fut ainsi maître de conférences associé à la faculté et l'un des membres importants du Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique.

Il aimait à préciser qu’il devait s’agir d’une éthique osant une réflexion profonde et humble, sans étalage.

L’introduction de l’éthique dans l’enseignement universitaire était pour lui une priorité. Comme il souhaitait inciter les étudiants à avoir des considérations éthiques dans le domaine économique, il prépara et donna des cours pour vulgariser la responsabilité sociale d’entreprise à ses étudiants de master de l’université de Haute-Alsace.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jean-Louis Lorrain, en tant que sénateur, disait souvent que, pour lui, ce travail éthique de recherche et d’enseignement se concevait à la fois comme une instance critique et le prolongement de sa réflexion, de son action politique.

Ce niveau élevé d’exigence et d’engagement demeurera une source de réflexion et d’inspiration pour tous ceux qui ont connu et apprécié Jean-Louis Lorrain.

Une maladie très éprouvante, qu’il tentait de surmonter avec courage, sans pourtant à aucun moment négliger l’attention qu’il portait aux autres – comme durant toute sa vie –, l’a finalement emporté.

Je présente les très sincères condoléances et la sympathie attristée du Gouvernement à son épouse, à ses enfants, à sa famille, à tous les habitants de Landser, à la commission des affaires sociales du Sénat comme au groupe UMP, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.

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