La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs, c’est avec une profonde tristesse que nous avons appris, le 27 juin dernier, la brutale disparition de notre collègue Jean-Louis Lorrain.
M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.
Emporté, à soixante-cinq ans à peine, par une maladie implacable, il s’est éteint à son domicile, auprès de sa famille, dans ce département du Haut-Rhin auquel il était si profondément attaché.
Les obsèques de Jean-Louis Lorrain ont été célébrées le 3 juillet en l’église de Landser, commune dont il aura été le premier magistrat durant plus de trente ans. Cette cérémonie fut à son image, simple et attachante, au milieu de ses proches et de tous ceux qui lui étaient chers. La présidente Bariza Khiari, au nom du bureau du Sénat, a exprimé, en cette émouvante occasion, notre profonde et commune tristesse. Nous la remercions d’avoir ainsi été notre interprète.
Cet adieu en terre d’Alsace, région qu’il a si fidèlement servie, devait trouver son écho aujourd’hui au Palais du Luxembourg, dans notre hémicycle, en présence de sa famille rassemblée dans nos tribunes.
Au nom de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République, je souhaite à mon tour rendre ici hommage aux très grandes qualités humaines de Jean-Louis Lorrain, élu de grande qualité qui manifesta en toutes circonstances un sens aigu de l’intérêt général et une grande autorité morale, mais aussi, et peut-être surtout, un homme de cœur très engagé, indiscutablement doté de vraies valeurs humaines.
Jean-Louis Lorrain était ouvert aux autres. Homme d’écoute, il se dépensait sans compter pour le bien-être de ses concitoyens, à commencer par les plus défavorisés d’entre eux. Par sa détermination, par son engagement sans faille dans la conduite des projets dont il avait la charge, par son sens du service public et son altruisme, il incarnait l’action politique dans ce qu’elle a de plus noble.
Ses qualités trouvèrent parfaitement à s’exprimer tout au long de ses mandats locaux successifs. Avant d’être membre de notre assemblée à deux reprises, Jean-Louis Lorrain fut en effet un élu local actif, maire de Landser de 1977 à 2008, conseiller général du Haut-Rhin de 1979 à 2011, mandat pendant lequel il assuma également les fonctions de vice-président du conseil général, mais aussi de président du SIVOM du pays de Sierentz durant près de vingt ans.
Sa passion et son investissement inlassable dans le domaine social l’avaient ainsi naturellement conduit à s’impliquer dans les questions de solidarité au sein du conseil général du Haut-Rhin et à présider notamment l’Association d’entraide et d’insertion sociale du département, le conseil d’administration du Centre hospitalier de Rouffach et la Fondation pour le développement des neurosciences en psychiatrie.
Le médecin qu’était Jean-Louis Lorrain s’était en quelque sorte donné pour ambition de contribuer à guérir les maux qui frappent le corps social. Il se dévouait sans compter au service de ses convictions et de ses concitoyens.
Il était en quelque sorte logique que ces traits de caractère, son naturel calme et modéré et son goût pour un travail approfondi, au service d’une éthique personnelle sans faille, conduisent Jean-Louis Lorrain à rejoindre le Palais du Luxembourg. Il disait lui-même : « Un sénateur ne doit pas être un homme agité. Je suis un homme pondéré, mais pas docile pour autant ». Il se sentait donc à l’aise dans notre assemblée soucieuse de conduire une réflexion approfondie sur les sujets de préoccupation de nos concitoyens.
Jean-Louis Lorrain a siégé douze ans au Sénat. Il y fit son entrée à l’issue des élections sénatoriales du 24 septembre 1995, étant élu sur la liste conduite par notre ancien collègue Hubert Haenel, dont l’itinéraire avait déjà, dès leur jeunesse, croisé le sien...
Fidèle en politique comme en amitié, Jean-Louis Lorrain participe à la même liste en vue des élections sénatoriales de 2004, car telle était sa conception, exigeante, de l’engagement politique. Et les faits lui donnèrent finalement raison puisque, s’il ne fut pas réélu en 2004, il redevint sénateur le 7 mars 2010 lorsque notre ami Hubert Haenel fut nommé membre du Conseil constitutionnel...
Durant ces années passées au Sénat, parmi nous, le médecin de formation donna toute sa mesure au sein de la commission des affaires sociales, dont il était le respecté vice-président.
Passionné par les questions de santé en général et par les questions éthiques et médicales, dont il était devenu un spécialiste reconnu, il consacra toute son énergie à cette mission, acceptant même pour cela d’abandonner des fonctions locales auxquelles il était pourtant profondément attaché.
La conception rigoureuse du travail législatif qu’avait Jean-Louis Lorrain s’illustra dans ses multiples interventions et dans ses nombreux rapports parlementaires.
Beaucoup de ces travaux font encore référence, qu’il s’agisse des rapports successifs sur les projets de loi annuels de financement de la sécurité sociale – élaborés aux côtés notamment de nos anciens collègues Charles Descours, Alain Vasselle et Dominique Leclerc –, de rapports consacrés aux droits des malades et à la qualité du système de santé, à la responsabilité civile médicale, ou encore à l’accueil et à la protection de l’enfance.
Ces mêmes qualités avaient incité François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale, à lui confier une délicate mission temporaire sur les violences en milieu scolaire. Ses analyses éclairées sur ce thème, poursuivies au Sénat, ont connu un important et légitime succès et demeurent pertinentes.
Son intérêt jamais démenti pour les affaires sociales, qui le conduisait à toujours placer l’homme au centre de ses préoccupations, fut illustré par toute son action au Sénat, mais aussi par ses multiples engagements en dehors du Palais du Luxembourg.
Il fut ainsi membre du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale, du Conseil national du sida, du Comité consultatif national d’éthique ou encore de la Commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique.
Dans chaque cas, il donna le meilleur de lui-même, apportant sur des dossiers complexes une expertise reconnue, qu’il s’agisse des liens entre nanosciences et progrès médical, des incidences du téléphone mobile sur la santé, ou encore des soins palliatifs.
L’inlassable curiosité intellectuelle de Jean-Louis Lorrain ainsi que sa volonté de défendre en permanence les idées humanistes qui étaient les siennes l’avaient également conduit à participer, en 1999, à la cinquante-deuxième session de l’Institut des hautes études de la défense nationale, puis, en 2001, à la treizième session de l’Institut des hautes études de sécurité intérieure.
Elles l’amenèrent également à préparer avec passion, alors qu’il était déjà très engagé dans sa vie prenante d’élu, un second doctorat sur l’éthique et les sciences de la vie.
De multiples publications témoignent de la vigueur et de la force de son engagement pour les idées et les valeurs qu’il avait faites siennes.
Jean-Louis Lorrain tenait aussi à transmettre son savoir et sa compétence au travers d’activités universitaires et pédagogiques : il présida ainsi pendant de nombreuses années l’Institut supérieur de service social de Mulhouse et souhaita rester membre de l’équipe du Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique chargé du master consacré aux questions d’éthique, au sein de l’université de Strasbourg.
Jean-Louis Lorrain avait la volonté de participer aux débats d’idées et de faire partager ses convictions sur le plan international. Il représenta ainsi le Sénat au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, où il siégeait naturellement à la commission des questions sociales, et participait avec le dynamisme qui le caractérisait aux travaux que cette assemblée consacre au respect des droits de l’homme.
Mais Jean-Louis Lorrain resta peut-être avant tout, et jusqu’à son dernier souffle, un médecin passionné, profondément inspiré par ses convictions chrétiennes.
Ce souci de l’autre explique sans doute son attachement pour l’Association pour le logement des sans-abri, qui défend l’accès de tous aux soins et au logement grâce à un accompagnement social adapté. Notre regretté collègue se sentait d’autant plus proche de cette association que son engagement revêtait une dimension éthique et profondément humaine.
Mes chers amis, mes chers collègues, c’est pour ces raisons que sa disparition brutale a laissé tous ses amis désemparés. Qu’ils sachent que, de même qu’il occupera à coup sûr une place de choix dans la mémoire de la vie politique alsacienne, Jean-Louis Lorrain restera présent dans nos mémoires, ici, au Palais du Luxembourg.
Mais l’heure est à cet instant au recueillement. À ses collègues du groupe de l’UMP, une nouvelle fois éprouvés par la disparition de l’un de ses membres, j’adresse les sincères condoléances du Sénat unanime. Aux membres de la commission des affaires sociales, j’exprime ici la sympathie attristée de leurs collègues.
À vous, madame, à Nicolas et à Frédéric, et à tous vos proches, je vous présente, au nom de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République, mes très vives condoléances et veux vous dire notre grande tristesse.
La parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, c’est avec une profonde tristesse que le Gouvernement ainsi que l’ensemble des membres de la Haute Assemblée ont appris le décès du sénateur Jean-Louis Lorrain survenu le 27 juin dernier à Rixheim, dans le Haut-Rhin, département dont il fut l’élu et le représentant au Sénat pendant près de vingt ans.
L’élection de Jean-Louis Lorrain à la Haute Assemblée, il faut le rappeler, prolongeait une longue carrière d’élu local : maire de Landser de 1977 à 2008, conseiller général du Haut-Rhin élu dans le canton de Sierentz de 1979 à 2011.
C’est dans cette petite commune de 1 600 habitants, nichée à proximité du parc régional des Ballons des Vosges, que Jean-Louis Lorrain trouva sa terre d’élection.
Cette terre de Landser fut l’espace de son engagement citoyen. Le développement au plan local des services publics qui faisaient défaut à ses concitoyens comme la préservation de son patrimoine sont le témoignage de l’action opiniâtre et résolue du maire Jean-Louis Lorrain.
C’est dans cette commune qu’il repose aujourd’hui, entouré du respect et de l’estime de ceux qui furent ses administrés et ses patients durant près de trente ans.
Jean-Louis Lorrain fit son entrée au Palais du Luxembourg en 1995, où il adhéra au groupe de l’Union centriste. Homme de conviction, centriste de cœur, il avait ensuite rejoint l’UMP.
Son intérêt pour les questions sanitaires et sociales le conduisit à rejoindre la commission des affaires sociales du Sénat.
L’histoire de sa région natale, sa proximité avec les frontières suisse et allemande, amenèrent cet Européen d’engagement à devenir également un membre actif de la commission des affaires européennes de la Haute Assemblée comme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
S’il fut un élu des territoires et de la Nation, Jean-Louis Lorrain fut d’abord et toujours un homme soucieux des autres, de leurs difficultés et de leurs douleurs.
Il fut un « honnête homme » comme l’entendaient Pascal et Montaigne, qu’il appréciait ; c’est là un point que chacun a souligné à l’annonce de son décès.
Cette préoccupation sociale fut au cœur de ses responsabilités, aussi bien en tant que vice-président du conseil général du Haut-Rhin chargé de la solidarité que pour la présidence, jusqu’à il y a peu, de l’Institut supérieur du service social de Mulhouse.
En tant que vice-président de la commission des affaires sociales de votre Haute Assemblée, il accomplit sa fonction de législateur avec passion, exigence et mesure.
Ses pairs se souviennent, et se souviendront d’une voix qui était écoutée, par exemple lors de l’examen des projets de loi relatifs au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament, à la bioéthique ou encore aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.
Dans ses dernières prises de parole publique, Jean-Louis Lorrain s’inquiétait encore du départ d’une génération de médecins généralistes qui ne serait pas remplacée en milieu rural.
Derrière cette interpellation, les deux lignes de force de sa vie d’homme trouvaient encore à s’exprimer : le souci des plus faibles et le choix de les soigner.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la dernière question écrite du parlementaire Jean-Louis Lorrain illustre d’ailleurs, ultimement, cet engagement pour les plus démunis.
Jean-Louis Lorrain y attirait ainsi l’attention du ministre de l’intérieur sur les expulsions des étrangers gravement malades qui devaient, selon lui, voir leurs droits pleinement garantis.
L’humanisme véritable de cet ancien auditeur de l’École du Louvre qui appréciait tant l’étude des peintures du XIIIe siècle comme des premiers médecins philosophes, dont il savait reconnaître l’apport à l’épistémologie moderne, cet humanisme trouva un débouché, un prolongement, dans un métier qui fut plus qu’un choix professionnel : l’engagement d’une vie.
En obtenant, en 1974, son doctorat en médecine à la faculté de Nancy, Jean-Louis Lorrain débutait une carrière de médecin qui fut une passion et un accomplissement.
Il exerça son rôle avec la perspective qu’avait tracée Pasteur et qui guide tant de soignants : « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. »
Devant cette nécessité d'une prise en compte de la douleur, face à cet impératif de l’écoute, Jean-Louis Lorrain se décida, sur son temps personnel, à engager un travail de recherche.
Il obtint en 2009 un doctorat en éthique et sciences du vivant à l’université de Paris-XI, ce qui est très rare parmi les parlementaires en exercice. Il intitula son étude Figures de la souffrance psychique - Approche éthique.
L’incipit même de ce travail illustre parfaitement ce qui fut la boussole du médecin et la pierre de touche du politique : « L’autre souffrant ne peut laisser indifférent. »
Il y a quelques mois encore, pour le trentième anniversaire du Comité consultatif national d’éthique, il contribua, aux Presses universitaires de France, à la parution d’un ouvrage intitulé Un politique, l’éthique et le Comité consultatif national d’éthique.
Jean-Louis Lorrain aimait l’étude mais il appréciait plus encore la transmission et l’enseignement.
Il fut ainsi maître de conférences associé à la faculté et l'un des membres importants du Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique.
Il aimait à préciser qu’il devait s’agir d’une éthique osant une réflexion profonde et humble, sans étalage.
L’introduction de l’éthique dans l’enseignement universitaire était pour lui une priorité. Comme il souhaitait inciter les étudiants à avoir des considérations éthiques dans le domaine économique, il prépara et donna des cours pour vulgariser la responsabilité sociale d’entreprise à ses étudiants de master de l’université de Haute-Alsace.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jean-Louis Lorrain, en tant que sénateur, disait souvent que, pour lui, ce travail éthique de recherche et d’enseignement se concevait à la fois comme une instance critique et le prolongement de sa réflexion, de son action politique.
Ce niveau élevé d’exigence et d’engagement demeurera une source de réflexion et d’inspiration pour tous ceux qui ont connu et apprécié Jean-Louis Lorrain.
Une maladie très éprouvante, qu’il tentait de surmonter avec courage, sans pourtant à aucun moment négliger l’attention qu’il portait aux autres – comme durant toute sa vie –, l’a finalement emporté.
Je présente les très sincères condoléances et la sympathie attristée du Gouvernement à son épouse, à ses enfants, à sa famille, à tous les habitants de Landser, à la commission des affaires sociales du Sénat comme au groupe UMP, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de Jean-Louis Lorrain.
M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à notre tradition, en signe d'hommage à Jean-Louis Lorrain, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Je vous informe, par ailleurs, que M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE, a fait connaître que le groupe du RDSE exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une mission commune d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales.
La conférence des présidents a pris acte de cette création lors de sa réunion du 10 septembre dernier.
Madame la ministre, mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 19 septembre, après les questions d’actualité au Gouvernement, de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques pourrait être d’une heure.
Il n’y a pas d’observation ?
Il en est ainsi décidé.
Je prends la parole en cet instant dans le cadre des dispositions de l’article 29 bis de notre règlement, puisque nous venons d’apprendre qu’une nouvelle fois l’ordre du jour des travaux du Sénat est modifié. Le Sénat se trouve encore malmené à cette occasion, comme si tout ce qui s’est passé depuis quelques mois ne suffisait pas…
Cette modification de l’ordre du jour intervient dans des circonstances particulières, puisque nous assistons au télescopage de deux textes d’importance pour l’examen desquels le Sénat ne dispose pas des moyens nécessaires.
Je m’explique : le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire interdisant le cumul des mandats, sur lesquels le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, ont été instruits par la commission des lois dans des circonstances absolument lamentables. Ce n’est pas mettre en cause les grandes qualités du rapporteur et du président de la commission des lois que de le dire, mais désigner un rapporteur à la fin de la session pour un examen au tout début de la nouvelle session, sans que nous ayons eu le temps de procéder aux auditions minimales, sur un sujet qui engage non seulement l’avenir du Sénat mais celui de nos institutions, cela n’est vraiment pas sérieux, c’est même catastrophique !
Dans le même temps, nous voyons arriver un texte sur la psychiatrie, important lui aussi, contrairement à ce que l’on a prétendu, sur lequel le Gouvernement invoque une urgence liée à une décision du Conseil constitutionnel. Si l’examen de ce texte avait été à ce point urgent, le Gouvernement aurait pu le proposer depuis plus d’un an, et cela se serait déroulé plus sereinement !
En conférence des présidents, plusieurs présidents de groupe et de commission ont eu l’occasion de regretter pareilles circonstances. Au nom du groupe UDI-UC, je renouvelle ici mes regrets.
Je me tourne vers le Gouvernement : où cela va-t-il s’arrêter ? Si vous voulez que les sénateurs débattent de sujets importants pour l’avenir de nos concitoyens et de nos institutions le vendredi soir, le samedi et le lundi matin, autant nous en informer de suite, nos groupes adapteront leurs façons de travailler !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.
Madame la ministre, je ne peux que partager l’indignation du président Zocchetto. Ce ne sont pas des méthodes. Elles n’honorent pas leurs auteurs et je ne doute pas que ceux qui sont aujourd’hui avec moi dans la majorité, lorsqu’ils étaient hier avec moi dans l’opposition, les auraient durement combattues. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Il est regrettable que l’exécutif de notre Haute Assemblée accepte sans réagir des méthodes qualifiées à l’instant de lamentables par notre collègue, et lamentables, elles le sont.
Nous sommes là face à une double erreur du Gouvernement.
En effet, sur le texte relatif à la psychiatrie, ce n’est tout de même pas la faute du Parlement si tant de temps a été perdu et, surtout, si le Gouvernement ne s’est rendu compte qu’au dernier moment, voire après, qu’il fallait légiférer avant le 1er octobre.
Quant au non-cumul des mandats, hacher ainsi le débat et, après toutes les vicissitudes combinées entre le Gouvernement et l’exécutif de notre Haute Assemblée pour que ce texte soit bâclé et la procédure parlementaire bafouée, en rajouter en faisant en sorte que, jeudi, au lieu de poursuivre son examen, soit inscrite à l’ordre du jour la discussion de la proposition de loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, ce sont de basses et petites manœuvres.
Sachez, monsieur le président de la commission des lois, que nous ne sommes aucunement dupes. Je n’oublie pas toutefois que, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous condamniez ces méthodes avec acharnement, et à juste titre. Faites de même aujourd’hui et vous vous montrerez digne de notre Haute Assemblée.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur Zocchetto, monsieur Mézard, je vous donne acte de vos rappels au règlement.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (projet n° 717, texte de la commission n° 808, rapport n° 807, rapport d’information n° 788, avis n° 794 et 831).
Nous poursuivons la discussion des articles.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LA VIE PROFESSIONNELLE
Nous poursuivons l’examen, au sein du titre Ier, des amendements portant article additionnel après l’article 5 ter.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 2323-58 du code du travail est ainsi rédigé :
« Dans un délai de quinze jours après l'avis du comité d'entreprise, préparé éventuellement par la commission de l'égalité professionnelle, ou, à défaut, des délégués du personnel, l'employeur transmet le rapport, accompagné de cet avis, à l'inspecteur du travail. À défaut de cette transmission, l'employeur est soumis à une pénalité équivalente à 1 % du montant des rémunérations et gains, au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l'année écoulée. Les modalités de recouvrement sont fixées par décret. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Notre système juridique est un équilibre de droits et de devoirs. Afin de veiller à ce que ces derniers soient respectés, le législateur a, dans l’immense majorité des cas, prévu des mécanismes de sanction. Nous en avons parlé hier.
Ces sanctions jouent un rôle fondamental, puisqu’elles sont l’une des garanties du respect du droit par nos concitoyens. Pourtant, en matière de droit du travail, nombreuses sont les obligations à la charge des employeurs qui ne sont assorties d’aucune sanction, ce qui tend à donner l’impression aux employeurs que le non-respect du droit ne serait pas grave, du moins pas assez pour entraîner une sanction.
C’est, par exemple, le cas de la non-restitution du rapport de situation comparée au comité d’entreprise et à l’inspection du travail. Ce rapport joue pourtant un rôle majeur, puisqu’il est au cœur de la stratégie de réduction des inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, dans la mesure où il permet aux représentants des salariés de connaître la situation réelle des inégalités salariales dans leurs entreprises. Pour autant, tout aussi important que soit ce rapport, sa non-transmission par l’employeur à l’autorité administrative n’est, en l’état actuel du droit, suivi d’aucune sanction, donnant l’impression que le législateur organise sur ce sujet une forme d’irresponsabilité légale.
Cette situation n’est pas acceptable et, si nous souhaitons progresser réellement et tendre progressivement – mais sûrement - vers l’égalité salariale, il faut que les employeurs aient à craindre du non-respect de cette obligation. Pour ce faire, nous proposons d’instaurer une pénalité financière d’un montant de 1 % de la masse salariale à l’encontre des entreprises n’ayant pas transmis à l’inspecteur du travail leur rapport de situation comparée dans les quinze jours suivant l’avis que le comité d’entreprise doit rendre à ce sujet.
Avant de vous inviter à voter cet amendement, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler qu’il reprend, au mot près, les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Claire-Lise Campion relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, que nous avons déjà évoquée. Adoptée par le Sénat le 16 février 2012, cette proposition de loi n’a malheureusement jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
L'amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Teulade, Mmes Meunier et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mme Lepage, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz, Rossignol et Campion, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 2323-57 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai de quinze jours après l'avis du comité d'entreprise, préparé éventuellement par la commission de l'égalité professionnelle, ou, à défaut, des délégués du personnel, l'employeur transmet le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes, ainsi que l'avis à l'inspecteur du travail. À défaut de cette transmission, l'employeur est soumis à une pénalité équivalente à 1 % du montant des rémunérations et gains, visés au premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l'année écoulée. Les modalités de recouvrement sont fixées par décret. »
La parole est à M. René Teulade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en vertu de l’article 5 de l’ANI, l’accord national interprofessionnel du 19 juin dernier, « le rapport de situation comparée est actuellement le document de base des négociations en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cependant, force est de constater que l’utilisation qui en est faite peut rester relativement formelle ». Pour pallier cette carence, les partenaires sociaux ont convenus de favoriser une analyse plus dynamique dudit rapport.
Pour autant, partant du postulat que ce rapport, obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés, constitue l’axe autour duquel s’articule la politique d’égalité professionnelle, nous pouvons nous interroger sur les moyens de renforcer son efficacité.
C’est pourquoi, dans le cadre de la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes de ma collègue Claire-Lise Campion, votée par le Sénat lors de la dernière législature, le second alinéa de l’article 1er instaure une pénalité équivalant à 1 % de la masse salariale pour les entreprises qui ne transmettraient pas à l’inspection du travail le rapport de situation comparée ainsi que l’avis du comité d’entreprise préparé par la commission de l’égalité professionnelle ou par les délégués du personnel.
L’objet du présent amendement est donc de reprendre cette disposition, qui nous semble opportune. En effet, si nous ne pouvons que saluer la confiance témoignée aux partenaires sociaux par le Gouvernement et sa volonté de faire vivre la démocratie sociale, comme l’atteste son amendement portant article additionnel avant l’article 2, qui tend à retranscrire l’article 5 de l’ANI précité, nous estimons que des mécanismes dissuasifs doivent être mis en place afin de donner corps au principe d’égalité salariale.
Madame la ministre, comme vous l’avez si justement rappelé à de nombreuses reprises, notamment après la publication du décret du 18 décembre dernier ayant trait à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les sanctions peuvent malheureusement se révéler utiles.
Par ce truchement, notre objectif n’est ni de porter atteinte aux entreprises ni de les stigmatiser ou de les rendre coupables de la persistance de l’inégalité entre les femmes et les hommes ; il est de faire respecter dans les faits, et non de manière abstraite, un principe simple pourtant allègrement transgressé : à compétences égales, salaire égal.
Après les débats qui ont eu lieu hier, nous écouterons avec beaucoup d’attention vos propositions, madame la ministre, en espérant qu’elles seront très concrètes.
Ces deux amendements, identiques sur le fond, visent à sanctionner les entreprises qui ne remettent pas leur rapport de situation comparée à l’inspection du travail. J’avais moi-même déposé un amendement en ce sens, dans le contexte que vous avez rappelé, madame Cohen.
Je suis donc favorable à l’amendement n° 53 rectifié.
En revanche, l’amendement n° 85 rectifié se raccroche à un article du code du travail qui n’est pas forcément approprié. C'est donc pour une raison technique, même si j’y suis favorable sur le fond, que j’en demande le retrait.
Madame la sénatrice, monsieur le sénateur, je ferai une réponse groupée sur ces amendements qui visent à étendre la sanction financière équivalente à 1 % de la masse salariale à la non-transmission du rapport de situation comparée. C’est une idée intéressante, que j’avais dans un premier temps faite mienne, mais que je ne vais pas pouvoir soutenir, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, nous l’avons déjà évoqué hier soir, j’attire votre attention sur la cohérence de notre calendrier. Depuis le mois de décembre 2012, nous avons fait en sorte que le dispositif du 1 % soit vraiment mis en application, que les contrôles soient réalisés, que les sanctions tombent. La stratégie est payante, c’est pourquoi changer aujourd'hui un moteur qui commence à bien fonctionner ne me semble pas être une bonne solution.
Ensuite, la création d’une nouvelle pénalité de 1 % risque de nourrir une certaine confusion : confusion pour les entreprises, qui feront l’objet d’obligations désordonnées ; confusion pour les contrôleurs, qui ne sauront plus exactement ce qu’ils doivent regarder prioritairement.
La présentation du rapport de situation comparée, d’une part, et la négociation sur l’égalité, d’autre part, sont en réalité deux étapes d’une même obligation. Selon moi, nous ne devons pas les dissocier. De fait, si l’extension de la pénalité de 1 % à la non-transmission du rapport de situation comparée était mise en place, une entreprise qui n’aurait ni conclu d’accord sur l’égalité ni établi de plan d’action et de rapport de situation comparée serait sanctionnée deux fois. C’est, vous en conviendrez, une difficulté supplémentaire.
Enfin, et cette troisième raison est liée à la précédente, nous devons veiller à la proportionnalité des sanctions. Je vous renvoie aux décisions du Conseil constitutionnel, notamment sur les contrats de génération ou encore sur la loi portant réforme des retraites de 2010, en matière d’exigence de proportionnalité.
Je crains qu’une pénalité de 1 % de la masse salariale pour non-transmission du rapport de situation comparée, soit environ 72 000 euros pour une entreprise de 300 salariés avec un salaire moyen de 2 000 euros, ne soit considérée comme disproportionnée.
Telles sont les raisons pour lesquelles je préfère que vous retiriez ces amendements.
Nous avons opéré un choix différent – je vous l’ai présenté hier – afin d’atteindre les mêmes objectifs, puisque nous avons veillé à assurer une meilleure articulation entre le rapport de situation comparée et la négociation sur l’égalité. C’était l’objet de notre disposition qui mettait la présentation de ce rapport de situation comparée et son actualisation annuelle dans le champ des obligations préalables à la conduite des négociations annuelles.
Oui, monsieur le président. Nous avons déjà eu ce débat hier soir, à propos du temps partiel. À cet égard, je dois vous faire part de mon étonnement : il est mentionné dans le compte rendu que j’ai retiré l’amendement n° 52 ; il me semblait pourtant qu’il avait été mis aux voix. Peut-être l’ai-je retiré dans la fatigue de la soirée, mais j’en suis très étonnée.
Nous en revenons donc au sujet du temps partiel et du paiement des salaires. C’était déjà l’objet de votre amendement n° 176, madame la ministre ; tout va partir de ce registre de situation comparée, grâce auquel de nombreuses mesures pourront être adoptées dans les entreprises pour faire respecter les droits des salariés à temps partiel, en particulier d’éventuelles sanctions si celles-ci ne respectent pas leurs obligations.
Par cet amendement, nous vous demandons que le registre de situation comparée, une fois adopté, soit transmis le plus rapidement possible à l’inspection du travail, puisque c’est finalement de là que tout va découler.
J’entends bien ce que vous nous dites à propos de la double pénalité, mais, après tout, il n’y a aucune raison de faire de la rétention d’information : le registre doit être transmis le plus rapidement possible après son adoption par l’entreprise si celle-ci ne veut pas encourir une sanction pour non-respect de la législation.
Par conséquent, nous maintenons notre amendement, et je le dis bien fort pour ne pas risquer de ne pas être comprise. Nous entendons vos arguments, madame la ministre, mais nous pensons qu’il est temps, comme je vous le disais hier, de prendre des mesures. Certes, des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux. Il y en a eu d’autres auparavant, dont certaines ont abouti, d’autres pas ; les gouvernements ont parfois pris des décisions. En l’espèce, je me souviens d’une autre négociation qui devait aboutir et qui n’a finalement jamais vraiment été conclue et que nous allons certainement évoquer au cours du débat sur les retraites : la négociation sur la pénibilité. Je puis vous garantir que les ministres du travail qui se sont succédé dans cet hémicycle – la liste est longue ! – nous ont toujours renvoyés à des négociations futures lorsque nous les interrogions au sujet de la pénibilité. On nous répète que des négociations sont en cours, mais, en 2013, nous n’avons toujours pas vraiment trouvé de solution sur la pénibilité !
Pour en revenir à ce registre, il nous semble important qu’il soit transmis le plus rapidement possible à l’inspection du travail afin que cette dernière puisse mener à bien sa mission et faire respecter le droit du travail.
L'amendement n'est pas adopté.
Nous avons bien précisé, madame la ministre, que notre objectif n’était ni de porter atteinte aux entreprises ni de chercher à les stigmatiser ou à les rendre coupables de la persistance de l’inégalité entre les femmes et les hommes.
Je ne reviens pas sur tout ce qui a été dit hier. Je veux simplement, au nom du groupe socialiste, madame la ministre, prendre en considération les engagements que vous avez pris hier et ceux que vous venez de prendre aujourd’hui. Nous pensons que le débat engagé avec les partenaires sociaux et que nous poursuivons, les uns et les autres, dans les différentes instances où nous siégeons, aboutira à une meilleure connaissance de la réglementation au sein des entreprises et, surtout, que nous réduirons ensemble, progressivement, et ce malgré les difficultés que nous traversons actuellement, cette inégalité absolument insupportable.
Nous ne pouvons pas en rester à une absence totale de réglementation. Nous vous faisons confiance pour publier, le moment venu, le texte le mieux adapté. En conséquence, nous retirons notre amendement.
L’amendement n° 85 rectifié est retiré.
L'amendement n° 76 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno, Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail, il est inséré une sous-section 2 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 2 bis
« Aménagement du travail lié aux difficultés de garde d’enfant
« Art. L. 3122-27-1. - Tout salarié peut, compte tenu des possibilités de l’entreprise, et sous réserve de l’accord préalable de son employeur, bénéficier d’aménagements de son horaire de travail pour pallier les difficultés ponctuelles liées à la garde de son enfant.
« Le recours au télétravail, dans les conditions définies à l’article L. 1222-9 et suivants du code du travail, peut être facilité pour pallier des difficultés ponctuelles du salarié liées à la garde de son enfant.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Cet amendement, moins délicat, vise simplement à faciliter la vie des familles par le recours au télétravail. Il fait suite à un rapport de 2009 de l’ancien Conseil d’analyse stratégique sur le télétravail constatant le retard de la France en matière de recours à ce type d’organisation, qui pourrait être une source de progrès social, notamment pour répondre ponctuellement aux problèmes de garde d’enfants.
Cet amendement est bien évidemment totalement déconnecté du congé pour maladie ou du congé de maternité. Cette possibilité de recours est ouverte aux hommes comme aux femmes. Je pense tout particulièrement aux personnes qui, à l’issue du congé de maternité, n’ont toujours pas trouvé de système de garde d’enfant et doivent reprendre leur travail pour des raisons souvent financières, et qui, par ce biais, pourraient concilier les deux exigences.
Je comprends l’objet de cet amendement et l’intention de Mme Jouanno, mais la rédaction proposée ne me semble pas tout à fait aboutie et soulève de nombreuses questions dans ce domaine. Le diable se niche parfois dans les détails, c’est pourquoi la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.
Madame la sénatrice, votre proposition est double : d’une part, permettre aux salariés de bénéficier d’aménagements horaires et, d’autre part, favoriser le recours au télétravail.
Sur le premier point, je veux préciser que la loi prévoit déjà plusieurs possibilités d’absence en cas de maladie, d’horaires individualisés au moment de l’arrivée d’un enfant, dispositifs légaux parfois améliorés par les conventions collectives. Ainsi, les jours d’absence pour enfant malade sont majoritairement rémunérés par les entreprises, même si la loi ne le prévoit pas. Les conventions collectives apportent aussi des solutions à d’autres problèmes spécifiques, par exemple en aménageant ce congé pour enfant malade et en prévoyant son fractionnement en demi-journées ou en augmentant le nombre de jours.
Bref, j’ai le sentiment que votre amendement ne va pas significativement enrichir le droit existant. Dans le même temps, il va toucher à une matière, l’organisation de la durée du travail, à propos de laquelle nous sommes convenus de laisser les partenaires sociaux négocier plutôt que de légiférer.
S’agissant du second point, je pense en effet que nous devons travailler davantage que nous ne l’avons fait jusqu’à présent sur le télétravail, mais tout en étant soucieux des équilibres créés.
Le télétravail est un mode d’organisation du travail hors les murs de l’entreprise de façon pérenne et régulière et son objet ne doit pas être de pallier les difficultés ponctuelles des salariés, notamment en matière de garde d’enfants. Il ne faudrait d'ailleurs pas que l’on en vienne précisément à imposer du télétravail aux salariés pendant des congés pour enfant malade, par exemple. Vous voyez donc que nous devons être très vigilants, car l’équilibre est délicat à trouver.
J’estime que nous devons poursuivre la réflexion sur ce sujet. Je vous signale, à cet égard, que j’ai ouvert sur cette question un chantier avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, à l’issue de la grande conférence sociale pour l’emploi. Il s’agira à la fois de dresser un état des lieux des pratiques réelles des entreprises en matière de télétravail et d’identifier des voies d’amélioration. Dans cette attente, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
J’émets quelques doutes sur la réponse de la commission quant à la qualité juridique de l’amendement, qui a été rédigé par des juristes très avertis sur ce sujet.
D’ailleurs, cet amendement n’a justement rien de révolutionnaire et il est presque étonnant que nous soyons obligés de l’inscrire dans la loi ! Il s’agit simplement de faciliter la vie des familles. Nous sommes totalement déconnectés de la question des congés, ce qui est d’ailleurs bien précisé dans le texte.
Je préfère maintenir cet amendement, la question du télétravail et la façon dont on pourrait faciliter concrètement la vie des personnes étant tout de même au cœur de cette loi. On en débat depuis très longtemps et je sais, madame la ministre, que vous l’avez étudiée avec beaucoup de bienveillance.
Le groupe socialiste votera contre cet amendement, mais je voudrais formuler quelques observations et prendre ainsi le relais de Mme Jouanno et de Mme la ministre.
J’ai longtemps été très opposée au télétravail, que j’assimilais à une embrouille visant à contourner les problèmes de garde d’enfants et à maintenir les femmes à la maison tout en les faisant travailler. Quand je pense au télétravail, j’ai souvent à l’esprit l’image d’une mère de famille devant veiller sur ses enfants tout en restant à proximité de son ordinateur et de son téléphone parce que son patron lui met la pression…
Et puis, élue de l’Oise et vivant dans des territoires dits « périurbains », j’ai constaté que des milliers de personnes, des milliers de femmes, doivent effectuer quotidiennement des trajets d’une heure, voire une heure et demie, pour aller travailler en Île-de-France. Or le moindre dysfonctionnement dans l’organisation des transports en commun peut compliquer grandement les choses.
Dès lors, je pense que nous devons avancer sur ce dossier et faire preuve d’un peu plus d’ouverture d’esprit. Entre le moment où je m’étais fait ma religion et aujourd’hui, les conditions de vie des gens ont changé. Certaines associations ont même mis en place des structures collectives d’accueil permettant le télétravail en dehors du domicile tout en évitant des temps de transport trop importants.
Je vous invite donc, madame la ministre, à maintenir ce dossier au cœur des négociations sociales et à faire en sorte que l’on n’y voit pas forcément une arnaque pour les femmes.
Le groupe CRC votera contre cet amendement.
Je crois que l’on est ici en effet bien déconnecté, mais de la vie des salariés. Vous nous parlez des difficultés de garde d’enfants ou de transports, mais qui peut choisir la solution du télétravail sinon les personnes qui peuvent travailler sur un ordinateur. Quid, par exemple, de celles qui font le ménage dans les hôtels ou de celles qui travaillent à la chaîne ? Je ne pense pas qu’elles auront jamais accès au télétravail…
Si ce dernier peut constituer une réponse pour une certaine catégorie de salariés, il me semble qu’il s’agit, même pour eux, d’une mauvaise réponse : on va les éloigner de l’entreprise, on va les éloigner de leurs collègues, on va les éloigner de tout ce qui fait la collectivité de travail. De fait, le télétravail, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme et que ce soit pour des considérations de garde d’enfants ou d’autres, revient pour l’entreprise à isoler un salarié pendant ses journées de travail. Je ne suis pas certaine que ce soit forcément positif.
Quelles que soient les raisons indiquées – difficultés de garde d’enfants, problèmes de transports ou congé parental – je pense que voter cet amendement reviendrait à opérer une discrimination extrêmement grave dans le monde du travail en offrant des possibilités à une seule catégorie de salariés et non à l’ensemble. Cela ne serait ni correct, ni juste.
Nous voterons donc contre cet amendement.
Parmi les nombreux dossiers qui vous occupent, madame la ministre, je pense qu’il est très important de garder ce sujet à l’esprit.
En effet, le télétravail peut servir à la revitalisation de certains territoires. Je pense à un département que je connais bien, la Haute-Garonne, particulièrement étendu en longueur et très rural, qui compte de nombreuses petites communes à proximité desquelles il n’est pas toujours possible de trouver un emploi. Le télétravail permettrait une revalorisation et une revitalisation de ces territoires.
L’amendement est intéressant sur le fond mais présente un défaut : il comporte deux parties qu’il faut complètement disjoindre.
Vous posez un principe auquel j’adhère : tout salarié peut, compte tenu des possibilités de l’entreprise – cela n’engage pas grand monde – et sous réserve de l’accord préalable de son employeur – cela engage encore moins de monde –, bénéficier d’aménagements de ses horaires pour pallier les difficultés ponctuelles liées à la garde de son enfant. Sur ce point, je pense que nous sommes d’accord.
Le problème, je vous le dis très amicalement, madame Jouanno, c’est la suite : vous introduisez le recours au télétravail, qui prête à discussion et à l’encontre de laquelle les objections formulées peuvent sembler fondées.
Je propose donc, monsieur le président, un sous-amendement consistant à supprimer les deux derniers alinéas de l’amendement de Chantal Jouanno, afin que le Sénat délibère sur le simple fait qu’un salarié peut demander des aménagements de travail et que cette demande est soumise à l’agrément de l’employeur. Même si cela n’est pas très révolutionnaire, il s’agit d’un signal positif à l’égard des personnes rencontrant ponctuellement des difficultés pour garder leur enfant.
Mon cher collègue, une fois la discussion de l’amendement entamée, vous ne pouvez plus déposer de sous-amendement.
Sourires.
Il ne s’agit pas d’un verdict, loin de moi l’idée de me conduire en juge. Je me dois simplement d’appliquer notre règlement.
Nouveaux sourires.
À titre personnel, je soutiendrai l’amendement de notre collègue Chantal Jouanno.
Le télétravail et le télésecrétariat existent déjà depuis un certain nombre d’années. Notre collègue de Haute-Garonne a rappelé que, pour certains territoires ruraux, le télétravail constitue une possibilité intéressante en termes d’aménagement du territoire et d’aménagement rural ; il en est ainsi du département que je représente.
Une autre collègue socialiste a tout à l'heure évoqué le problème des transports. On ne peut que déplorer le temps et l’énergie – tant physique que morale – perdus non seulement en voiture, mais aussi dans les transports en commun, dont je suis pourtant un ardent défenseur. À cet égard également, le télétravail pourrait se révéler intéressant.
Ce dernier présente enfin un intérêt en matière de garde d’enfants. Il permet aux personnes de s’adapter plus facilement. Pourquoi toujours accorder la priorité au travail au sein des entreprises, quelles que soient les missions ou les fonctions des salariés ? Pour toutes ces raisons, je voterai cet amendement.
Je soutiendrai volontiers l’amendement de Mme Jouanno en lui demandant cependant une précision.
Le travail à distance comporte en réalité deux modalités très différentes : on trouve, d’une part, le télétravail en temps réel, qui assujettit le salarié à une obligation de mobilisation à heures fixes pour répondre à une demande transmise par les moyens modernes de communication et, d’autre part, le travail, manuel ou intellectuel, accompli à domicile dans les conditions que décide le travailleur dès lors que la prestation ou le travail sont accomplis dans les délais demandés par l’employeur.
Il ne s’agit pas de la même conception : le travail à domicile est une organisation industrielle traditionnelle, un peu désuète, il faut bien le reconnaître, mais qui perdure et se prolonge dans certains cas ; le télétravail exige une adaptation des horaires, parce qu’il s’agit d’un travail en temps réel impliquant la disponibilité du salarié à des heures fixées par l’employeur.
Je soutiens l’amendement de Mme Jouanno, mais je pense qu’elle devrait distinguer ces deux cas de figure : l’un suppose l’accord de l’employeur en raison des heures d’ouverture ; l’autre non car, par définition, l’employeur laisse au salarié, qu’il soit collaborateur d’un cabinet d’architecte ou d’une société d’assurances, par exemple, le soin d’organiser son temps de travail – quand ses enfants s’assoupissent, dorment, regardent la télévision ou jouent au football –, dès lors que la prestation attendue arrive à la date fixée.
Certains propos m’étonnent. Dans le monde entier, à l’ère de la globalisation, le télétravail est devenu un mode de travail à part entière, que ce soit dans l’édition ou la traduction, par exemple, comme dans mille autres domaines.
Je ne parle évidemment pas de la sidérurgie ni du secteur minier, mais le secrétariat n’est pas seul concerné par le télétravail.
Bien évidemment, je soutiendrai cet amendement. Une personne retenue chez elle doit pouvoir travailler, si elle le souhaite, via son ordinateur et avec l’agrément de son patron. Cette personne n’est pas « esclavagisée » pour autant. Ce n’est pas non plus parce qu’elle ne se rendra pas sur son lieu de travail durant trois jours ou même un an qu’elle sera coupée de son milieu professionnel. Si l’on ne peut pas se rendre sur son lieu de travail, mieux vaut pouvoir continuer à travailler que de rester inactif.
Comme l’a dit ma collègue Françoise Laborde, le télétravail permettrait également aux habitants de communes isolées de trouver de l’activité dans le secteur tertiaire.
Ouvrons les yeux, regardons au-delà des murs du Sénat : le monde tourne, nous sommes entrés dans l’ère de la globalisation ! Les gens travaillent de différentes façons et le télétravail sera probablement l’un des modes de travail de l’avenir.
Je voudrais soutenir sans aucune hésitation cet amendement proposé par nos collègues Muguette Dini et Chantal Jouanno.
Je crois vraiment qu’il s’agit aujourd’hui d’une question essentielle. De plus en plus de femmes ont des problèmes de garde d’enfants
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … non seulement dans les communes éloignées, mais aussi dans les grandes villes. Il est de notre devoir d’aménager pour elles des solutions qui leur permettent de travailler.
Mêmes mouvements.
Il est essentiel pour nous d’encourager ce mode de travail, car aujourd’hui des femmes renoncent à travailler de peur de ne pouvoir organiser la garde de leurs enfants. À partir du moment où l’employeur a donné son accord, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait gêner. De plus, contrairement à ce qui a été dit par l’une de mes collègues, je trouve la rédaction de cet amendement tout à fait adéquate.
Un mot, peut-être, pour conclure la discussion. Que les choses soient claires, je partage avec vous l’idée que la possibilité de recourir au télétravail est sous-utilisée dans notre pays ; elle se développe dans les grandes entreprises, beaucoup moins dans les PME.
C’est la raison pour laquelle, comme je vous le disais, nous avons ouvert un chantier avec l’ANACT sur ce sujet. Nous l’avons même fait de manière très concrète en décidant de fournir, au cours du premier semestre 2014, des outils aux PME pour les accompagner dans la mise en œuvre du télétravail.
Toutefois, il s’agit à mes yeux de deux sujets distincts : d’une part, le télétravail, qui s’adresse aux salariés, hommes comme femmes et, d’autre part, la question de l’aménagement des horaires en cas d’enfant malade. Pour les raisons que j’exposais tout à l'heure, il me semble dangereux de mélanger les deux. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement, dont j’ai demandé le retrait. J’ai toutefois bien noté la volonté de cette assemblée d’avancer sur la question du télétravail, et nous le ferons.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L.3142-1 du code du travail est ainsi modifié :
1°) Après le 1°, il est inséré un 2° ainsi rédigé :
« 2° Quatre jours pour la conclusion d’un pacte civil de solidarité ; » ;
2°) Les 2° à 6° deviennent respectivement les 3° à 7°.
La parole est à Mme la ministre.
Nous vous proposons, par cet amendement, d’ouvrir aux salariés qui concluent un pacte civil de solidarité – ou PACS – le congé de quatre jours dont bénéficient les salariés qui se marient.
Il s’agit d’une simple mesure d’égalité partant du principe que le PACS et le mariage sont deux modes différents de reconnaissance des couples qui ont tous les deux leur raison d’être. Or nombre d’entreprises aujourd’hui ne permettent pas aux salariés qui se pacsent de profiter de ce que l’on appelle parfois le « congé nuptial ». Nous voulons simplement remédier à cette inégalité.
La commission des affaires sociales n’ayant pas eu le temps de se réunir après le dépôt de cet amendement, je ne peux qu’exprimer un avis personnel.
Cette disposition, je l’avoue, me laisse un peu perplexe. Dès lors que nous avons instauré la possibilité, pour les personnes de même sexe, de se marier, je ne vois pas bien l’intérêt de rendre le PACS et le mariage identiques, même s’il s’agit ici d’autorisations exceptionnelles d’absence pour événement familial. Par conséquent, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Cet amendement du Gouvernement aurait mérité un débat plus approfondi, en commission notamment, si j’en crois l’intervention de Mme le rapporteur pour avis.
En dépit de l’adoption du mariage pour tous, les PACS subsisteront et, dans la grande majorité des cas – 72 % des cas, précisément –, ils se dénouent par des mariages. Que va-t-il se passer si nous adoptons cet amendement ? Une inégalité sera créée entre, d'une part, les mariages traditionnels, précédés de fiançailles qui n’ouvrent droit à aucun congé pour événement familial permettant aux futurs mariés de préparer une fête ou de s’en remettre et, d'autre part, les mariages contractés après un PACS. Dans ce dernier cas en effet, la signature du PACS permettant de prendre quatre jours de congé, un même couple aura disposé de huit jours de congé.
Faudra-t-il envisager d’instaurer un « livret d’épargne couple » pour faire le décompte du cumul des « journées PACS » et des « journées mariage » et, ainsi, garantir une égalité de statut selon que les couples se forment ab initio par un mariage ou par un mariage précédé d’un PACS ?
Je voudrais connaître l’avis de Mme le ministre sur ce sujet, car celle-ci n’imaginait peut-être pas, en déposant cet amendement, généreux en apparence, mais discriminatoire en réalité, que son adoption risquait de créer une inégalité nouvelle.
N’allons pas engager un nouveau débat comparatif entre le mariage et le PACS. Nous avons pris un certain nombre de dispositions législatives : désormais, peuvent se marier tous ceux qui le souhaitent, et c’est fort bien ! Par ailleurs, voilà plus de dix ans, nous avons instauré le PACS. L’amendement que nous examinons a pour seul objet de régler un petit problème d’organisation. Il ne vise absolument pas à aligner le PACS sur le mariage.
Il faut raison garder, mes chers collègues ! Cette disposition me paraît tout à fait raisonnable. En aucun cas, me semble-t-il, elle n’est susceptible d’engendrer une inégalité ou un quelconque avantage au profit des pacsés. Je pense donc que notre assemblée peut traiter cette question très tranquillement et, pour ma part, je soutiens cet amendement.
Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous reconnaissons bien dans l’intervention de notre collègue Gérard Longuet sa façon de mener des raisonnements très poussés et recherchés, mais parfois un peu spécieux. Si nous poursuivions dans sa logique, pourquoi ne pas voter également des dispositions empêchant les couples de divorcer et de se remarier ? En effet, il y a aussi inégalité dans ce cas puisque, chaque fois que les personnes se marient, elles ont droit à de nouveaux congés !
Sourires.
Vous l’avez bien compris, monsieur Longuet, je ne partage pas votre raisonnement et je soutiens cet amendement. À titre d’exemple, c’est une mesure que nous avons déjà introduite dans le règlement intérieur de ma mairie.
Effectivement, on peut contracter plusieurs mariages dans sa vie et bénéficier à chaque fois de quatre jours de congés. Mais on peut se pacser beaucoup plus souvent, car, je le rappelle, il suffit d’une demi-journée, voire moins, pour mettre fin à un PACS, et rien ne vous empêche de vous pacser dix fois en dix ans. Il me semble vraiment que nous ne parlons pas des mêmes choses.
Un PACS est un simple contrat. S’il faut faire une fête chaque fois que l’on signe un contrat et prendre un congé à la suite, on risque d’avoir du mal à travailler !
À titre personnel, je suis donc opposée à cet amendement.
En espérant emporter l’adhésion de ceux qui ont émis des réserves, je précise que nous avons été alertés sur le sujet par le Défenseur des droits. Ce dernier a estimé que le fait de réserver le congé de quatre jours aux couples qui se marient, en excluant les couples contractant un PACS, contrevenait à la directive du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
Par ailleurs, sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’en mai 2012 la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie par la Cour de cassation d’une question préjudicielle dans ce domaine. L’affaire est pendante, mais le gouvernement français a décidé de faire évoluer ses positions en la matière. J’espère donc que vous adopterez cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 ter.
L'amendement n° 91 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Tasca et Génisson, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mme Printz, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2223-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou de s'informer sur ces actes » ;
2° Au dernier alinéa, après les mots : « y subir », sont insérés les mots : « ou s’informer sur ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
J’ai eu l’occasion hier, dans la discussion générale, d’évoquer les questions relatives à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, l’IVG. Divers obstacles s’opposent à l’exercice de ce droit, pourtant reconnu et garanti en France depuis bientôt quarante ans. L’un d’entre eux – non des moindres – tient au fait que les opposants à l’IVG n’ont jamais renoncé, non seulement à faire valoir leur opinion, que je ne partage pas et qui ne correspond pas à la loi adoptée par notre pays, mais aussi à faire pression sur les femmes souhaitant avoir accès à l’information sur l’IVG ou aux consultations d’orthogénie.
Il faut bien distinguer ce qui relève de l’opinion et ce qui relève de l’entrave à l’IVG. On peut tout à fait exprimer son opposition à l’IVG dans des manifestations ou dans le cadre d’ouvrages divers. Mais, de par leurs tentatives pour empêcher les femmes d’accéder à l’IVG, les groupes activistes, souvent violents et, disons-le, délinquants, ont conduit le Gouvernement, en 1993 – à l’époque, Véronique Neiertz était chargée des droits des femmes – à créer un délit d’entrave à l’IVG. Ce délit d’entrave vise les manifestations, pressions et autres manipulations qui s’effectueraient à l’intérieur des hôpitaux pour empêcher les femmes d’accéder aux consultations des services d’orthogénie.
Cependant, comme je le précisais hier, le mouvement de contestation de l’IVG est très mobile ; la résistance à l’évolution et à l’égalité entre hommes et femmes est une guérilla qui se déplace. Ainsi, ces groupes ont jugé utile, toujours pour faire pression sur les femmes se rendant en consultation, de s’installer à l’extérieur des hôpitaux.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’étendre le délit d’entrave à l’IVG à l’accès à l’information sur l’IVG. Ainsi, nous visons à la fois les hôpitaux, les centres d’orthogénie diffusant de l’information, les institutions comme le Planning familial ou les centres d’information sur les droits des femmes et des familles, qui ne pratiquent pas d’IVG mais sont habilités, par convention, à délivrer de l’information sur le sujet.
Pour qu’il n’y ait pas de confusion, je précise que cet amendement ne concerne pas les actions pouvant être menées sur internet. Mme la ministre aura peut-être l’occasion de revenir sur ce sujet qu’elle a, me semble-t-il, déjà évoqué, hier, dans son intervention. Notre proposition est restreinte aux seules manifestations physiques ayant lieu hors des murs des hôpitaux.
Votre intervention à la tribune sur le sujet, ma chère collègue, a été éloquente et se passe d’autres commentaires. Nous avons sans doute encore du travail sur le sujet, mais, pour l’heure, la commission a émis un avis favorable.
Non seulement cet amendement reçoit le soutien entier du Gouvernement, mais je tiens même à vous remercier, madame Rossignol, de l’avoir déposé. C’est effectivement une mesure essentielle pour que le droit à la libre disposition de son corps soit respecté dans notre pays, non seulement dans la lettre de la loi, mais aussi dans son esprit.
Vous nous offrez, avec cet amendement, tous les arguments juridiques nous permettant de faire respecter ce droit et, en particulier, de sanctionner l’entrave à l’IVG. Ce sera, me semble-t-il, un gage de sérénité pour les femmes dont la situation, que vous avez justement décrite hier, est particulièrement douloureuse.
J’ajoute qu’outre l’intégration de cette disposition dans notre projet de loi le Gouvernement s’est engagé à renforcer l’information publique et neutre sur l’interruption volontaire de grossesse, loin de la pratique de certains sites qui, sous couvert de neutralité, ne font pas autre chose que de la propagande contre le droit à l’IVG.
L’avis du Gouvernement est favorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 ter.
L'amendement n° 104, présenté par Mme Blondin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l'article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif à l’indemnisation des périodes de congé de maternité des femmes exerçant une profession discontinue. Ce rapport met en évidence le cas des femmes relevant des annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage. Il évalue, pour les cinq dernières années, le nombre de femmes ayant demandé une indemnisation au titre de la maternité, le nombre de refus d’indemnisation en en précisant les motifs, les délais d’instruction des dossiers, les pertes de revenus liées à la maternité lors du retour à la vie active, pour la réouverture des droits à l’assurance chômage, ou lors du passage à la retraite. Il analyse les améliorations possibles et les conditions d’instauration d’une indemnisation minimale prise en compte dans le calcul des droits à l’allocation chômage.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis.
Ce premier amendement déposé au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, a trait à la question des « maternittentes », que j’ai évoquée hier.
De trop nombreuses intermittentes du spectacle se trouvent démunies pendant et après leur grossesse, en raison d’une réglementation inadaptée à la spécificité de leur profession.
Les conditions d’ouverture des droits au congé de maternité sont bien plus exigeantes que celles qui sont requises pour bénéficier de l’indemnisation de chômage au titre des annexes VIII et X, propres à leur activité professionnelle.
De plus, ces femmes se retrouvent souvent sans revenus à l’issue de ce congé, n’ayant pu acquérir, pendant leur maternité, les droits suffisants pour percevoir une allocation au titre de l’assurance chômage.
Ce régime est donc très complexe et le Défenseur des droits a reconnu dans l’une de ses décisions que les intermittentes étaient victimes d’une « discrimination fondée sur l’état de grossesse ».
Comme bon nombre d’entre vous, mes chers collègues, je ne suis pas une fanatique des rapports. Néanmoins, devant la complexité de la situation de ces femmes et devant l’opacité de la gestion de ces dossiers par la caisse primaire d’assurance maladie, il me semble nécessaire qu’un rapport soit établi pour, au moins, faire un état des lieux.
Il s’agirait de récolter des informations sur le nombre de personnes indemnisées, sur le nombre de refus et les motifs de ces refus, mais aussi sur les délais d’instruction des dossiers. J’ai eu connaissance de certains cas, par exemple, dans lesquels les réponses, négatives ou positives, étaient reçues bien après la naissance de l’enfant. Ces conditions me semblent tout à fait inadmissibles.
C’est pourquoi il me paraît urgent de demander un rapport sur le sujet, dans les six mois suivant la publication de la loi.
Je souscris totalement aux propos de Mme Blondin. Cette demande de rapport émane des conclusions du groupe de travail commun à la commission de la culture et à la commission des affaires sociales, cette dernière étant souvent interpellée sur le problème, qui perdure.
J’espère donc que cette demande nous permettra d’avancer sur une question dont le traitement n’a que trop traîné et contribuera à mettre fin à la situation très difficile de ces « maternittentes ».
L’avis est favorable.
Vous l’aurez compris avec ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, notre ambition est de faciliter la vie des femmes, notamment au moment du congé de maternité. Nous avons prévu, à cet égard, une mesure importante pour protéger les collaboratrices libérales davantage qu’elles ne l’étaient jusqu’à présent.
Ce que vous proposez pour les femmes intermittentes du spectacle me semble aller dans le bon sens. Ce point, en effet, est très important.
Je suis donc favorable à votre amendement, madame la rapporteur pour avis, sous réserve que vous consentiez à ce que sa dernière phrase soit rédigée ainsi : « Il analyse les améliorations possibles et les conditions de leur mise en œuvre ».
Cette rédaction permettrait d’englober plus de sujets, et laisserait davantage de latitude aux partenaires sociaux dans leurs discussions sur les annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage.
Madame la rapporteur pour avis, consentez-vous à la rectification suggérée par Mme la ministre ?
Madame la ministre, merci de prendre en compte la situation de ces femmes, qui est vraiment préoccupante.
J’aimerais néanmoins que la préoccupation tenant aux « conditions d’instauration d’une indemnisation minimale prise en compte dans le calcul des droits à l’allocation chômage » ne soit pas totalement perdue, et que ce point puisse faire l’objet de discussions entre les partenaires sociaux.
C’est un sujet important, en effet. Beaucoup de ces femmes n’ont absolument rien pour vivre. La création de cette indemnisation minimale serait un bon point de départ. Les mères intermittentes du spectacle vont devoir avoir recours à des gardes d’enfant à des horaires atypiques, leur profession étant elle-même atypique. Elles ont besoin d’une petite protection.
Ces précisions étant apportées, j’accepte la rectification suggérée par Mme la ministre.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 104 rectifié, présenté par Mme Blondin, au nom de la commission de la culture, et ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif à l’indemnisation des périodes de congé de maternité des femmes exerçant une profession discontinue. Ce rapport met en évidence le cas des femmes relevant des annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage. Il évalue, pour les cinq dernières années, le nombre de femmes ayant demandé une indemnisation au titre de la maternité, le nombre de refus d’indemnisation en en précisant les motifs, les délais d’instruction des dossiers, les pertes de revenus liées à la maternité lors du retour à la vie active, pour la réouverture des droits à l’assurance chômage, ou lors du passage à la retraite. Il analyse les améliorations possibles et les conditions de leur mise en œuvre.
Je le mets aux voix.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 ter.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ
L’amendement n° 66, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 1243-8 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le contrat de travail est à temps partiel, l’indemnité est égale à 20 % de la rémunération totale brute versée au salarié. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Les femmes représentent près de la moitié de la population active, plus de la moitié des chômeurs et environ 80 % des travailleurs précaires, des travailleurs pauvres et des salariés à temps partiel. Leur salaire moyen est inférieur de 27 % à celui des hommes, de 19 % si l’on ne considère que les emplois à temps complet. Elles sont, d’ailleurs, deux fois plus nombreuses que les hommes à toucher le SMIC. Quant à la prime de précarité due aux salariés à l’issue de leur contrat à durée déterminée, elle est en conséquence largement inférieure à celle que perçoivent les salariés de sexe masculin recrutés en CDD et à temps plein.
Une étude sexuée de ces contrats et des montants des primes de précarité versées aux salariés démontrerait à coup sûr que les femmes perçoivent des primes largement inférieures à celles qui sont versées aux hommes.
C’est donc pour remédier à cette situation injuste et créatrice de précarité que cet amendement tend à faire passer la prime de précarité de 10 % à 20 % pour les CDD à temps partiel.
Ce faisant, nous reprenons à notre compte, au mot près, l’article 7 de la proposition de loi « tendant à lutter contre la précarité professionnelle des femmes », déposée par le député socialiste Christophe Sirugue, en 2011.
Pour le groupe CRC, l’emploi à temps plein et au SMIC mensuel pour tous les salariés doit être l’objectif minimal de chaque employeur. Il est impossible de faire face aux exigences de la vie les plus élémentaires sous ce seuil. Il est humiliant et inacceptable que des personnes s’échinent, très souvent avec des horaires décalés, sans pouvoir vivre décemment de leur travail.
Comme le rappelait la députée Michèle Delaunay, intervenant en séance publique le 17 novembre 2011 pour soutenir cette disposition de la proposition de loi : « Ceux dont nous nous occupons ici ne sont pas moins indispensables. Leur travail est pénible, et nombreuses sont les femmes auxquelles il échoit. À elles aussi, il faut donner un bonus – bien plus modeste, certes. Mais au moins elles sauront que le législateur a pris en compte la pénibilité de leur travail et la difficulté de leur vie, non seulement sur le plan financier, mais en marquant le respect qu’on leur doit ».
Pour toutes ces raisons, que nous sommes nombreux à invoquer, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.
L’amendement est généreux, mais, pour les raisons que nous avons dites hier soir, quand nous avons abordé toutes ces questions relatives aux conditions de travail, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable. Cette mesure sera au nombre des propositions qui serons incluses dans les négociations avec les partenaires sociaux.
Tous ces amendements traitant du temps partiel, je risque de me répéter un peu !
Je vous l’ai dit hier soir, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur ma détermination totale à faire reculer le temps partiel chez les femmes actives.
Des mesures ont été adoptées dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi, comme la fixation d’un seuil minimal horaire ou la sur-rémunération de la première heure complémentaire. D’autres sont à venir, comme la meilleure comptabilisation des « petits » temps partiels dans le calcul des droits à la retraite. Enfin, nous avons ouvert des chantiers : la négociation sur la formation professionnelle veillera à faire accéder plus facilement les salariés à temps partiel au droit à la formation, et le groupe de travail que j’ai mis en place au sein du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes se penchera sur la question de l’accès aux droits sociaux de ces mêmes salariés.
Vous le voyez, beaucoup de travaux sont engagés, et de nombreuses mesures ont déjà été adoptées. Nous veillerons à dresser un bilan de la mise en œuvre par les branches des dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi qui traitent de ces questions au courant du premier semestre 2014.
Au bénéfice de ces observations, si cet amendement n’est pas retiré, le Gouvernement y sera défavorable.
J’entends ce que Mme la ministre quand elle met l’accent sur les mesures déjà prises et sur celles qui seraient à venir.
Si le groupe CRC a déposé une série d’amendements obéissant à la même philosophie, et qui auraient pu être défendus ensemble, c’est qu’il lui paraît regrettable que, dans une loi dont chacun loue l’aspect transversal, le titre relatif à la lutte contre la précarité ne contienne que des mesures ayant trait au versement de la pension alimentaire.
Les conditions de travail précaires, qui sont, hélas, majoritairement réservées aux femmes, mériteraient un examen plus global, prenant place au sein de ce titre. C’est l’ambition des amendements dont nous allons discuter.
La précarité et la flexibilité constituent, à nos yeux, une violence sociale faite aux femmes. C’est l’analyse du groupe CRC mais aussi d’autres sensibilités politiques, ainsi que de nombreuses associations féministes.
Il nous semble que c’est le rôle du législateur que de formuler des propositions permettant de faire reculer la précarité des femmes.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 62, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2241-13 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « modalités d’organisation », sont insérés les mots : « et de résorption » ;
2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, cette négociation ne peut avoir pour effet de réduire les droits des salariés ou de réduire le délai de prévenance. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 60, également présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3123-22 du code du travail est abrogé.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
En l’état actuel du droit, les salariés à temps partiel peuvent subir une modification de leurs horaires de travail à l’initiative exclusive de l’employeur, cette prérogative étant fondée sur l’existence du lien de subordination.
Les salariés ne peuvent refuser cette modification sans craindre d’encourir une procédure disciplinaire. Les conditions dans lesquelles cette modification peut intervenir demeurent, malgré l’encadrement législatif, particulièrement créatrices de précarité.
Les employeurs sont tenus de respecter un délai de prévenance, c’est-à-dire une période séparant la décision prise par l’employeur de modifier les horaires et la prise d’effet de celle-ci. Cette modification ne peut intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé.
Toutefois, aux termes de l’article L. 3123-22 du code du travail, que l’amendement n° 60 tend à supprimer, « une convention ou un accord collectif de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement » peut prévoir des dérogations tendant à écourter ce délai. On le sait, prévoir des dérogations, c’est ouvrir la boîte de Pandore !
Le raccourcissement de ce délai n’est naturellement pas sans conséquences sur les salariés concernés, dont toutes les études disent qu’il s’agit principalement de femmes. L’existence de ce délai est destinée à permettre une bonne conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée et familiale. Nous connaissons tous les contraintes particulières qui pèsent sur les parents, et plus particulièrement sur les femmes, lesquelles continuent à assumer l’essentiel des tâches domestiques et ménagères.
Cette modification bouleverse un emploi du temps généralement programmé à la minute près et souvent complexe, notamment quand le salarié à temps partiel cumule deux emplois.
Dans ces conditions, il nous semble important d’apporter aux salariés la garantie qu’ils pourront préserver leur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée et familiale.
L’amendement n° 62 tend à ce que les négociations sur les modalités d’organisation du temps partiel dont il est fait mention à l’article L. 2241-13 du code du travail, et qui portent notamment sur la durée minimale d’activité hebdomadaire ou mensuelle ainsi que sur le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité, intègrent également un volet relatif à la résorption de l’emploi à temps partiel, afin de réduire le nombre de salariés qui y sont exposés, dès lors, naturellement, qu’ils ne sont pas volontaires.
Ces deux amendements, qui tendent à réviser les dispositions adoptées dans la loi sur la sécurisation de l’emploi, ont recueilli un avis défavorable de la commission des affaires sociales.
Pour les mêmes raisons que celles que j’ai données pour m’opposer à l’amendement précédent, et en répétant qu’il partage les objectifs de leurs auteurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
La question du délai de prévenance, très importante, madame la ministre, gagnerait à être étudiée dans le rapport qui sera rédigé au cours du premier semestre 2014.
Dans le rapport d’information fait au nom de la de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, j’avais indiqué que, puisque nous sommes parvenus à fixer un délai de prévenance minimal tout à fait correct pour les emplois à domicile, les autres secteurs d’activité pourraient le respecter également.
On le sait, les femmes qui travaillent à temps partiel ont souvent des horaires atypiques et connaissent des problèmes de transport ou de garde d’enfants. Un délai de prévenance trop court contribue à perturber plus encore l’articulation entre leur vie professionnelle et leur vie familiale.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 59, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3123-19 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3123-19. - Chacune des heures complémentaires donne lieu à une majoration de salaire de 25 %. »
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement tend, lui aussi, à revenir sur une disposition de l’accord national interprofessionnel signé il y a quelques mois. Je veux parler de la majoration des heures complémentaires dès la première heure, que vient d’évoquer Mme la ministre. Nous souhaitons la voir passer de 10 % à 25 %, et la rendre vraiment effective dès la première heure.
En effet, comme cela figure d’ailleurs dans le rapport d’information que Mme Catherine Génisson a remis au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, la loi que je viens d’évoquer a donné aux entreprises la possibilité d’adopter des avenants et, surtout, de conclure par convention des accords permettant que les heures complémentaires en question ne soient pas majorées dès la première heure.
Pour notre part, nous voulons revenir sur ce qui a été fait lors de la discussion de ce qui allait devenir la loi relative à la sécurisation de l’emploi, d’autant que nous n’avions pas pu, à l’époque, véritablement présenter nos amendements et exposer nos arguments, le Gouvernement ayant choisi de recourir à la procédure du vote bloqué.
Nous voulons lutter contre le recours au travail à temps partiel. Il s’agit d’adopter des normes contraignantes pour faire en sorte que les employeurs cessent de recruter sur des contrats à temps partiel ou, à tout le moins, respectent davantage les salariés travaillant dans ces conditions.
Ici, à travers nos différents amendements, c’est encore le même objectif que nous défendons : trop de femmes, dont certaines se trouvent à la tête des familles monoparentales, vivent avec un salaire à temps partiel tout au long de leur période d’activité, et finissent par toucher une pension de retraite elle aussi à temps partiel, si je puis dire !
J’ai pris bonne note de votre souhait de prendre de telles situations en compte, madame la ministre, mais il faut vraiment avoir conscience des réalités dont nous discutons, afin que cessent certaines pratiques. Car, contrairement à ce que certains affirment, le temps partiel n’est pas choisi ; c’est toujours un temps partiel subi, et pour des raisons économiques !
Par conséquent, nous demandons par cet amendement une majoration de 25 % dès la première heure complémentaire.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 64, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 8 de la section I du chapitre III du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail est abrogée.
La parole est à Mme Annie David.
droits des salariés à temps partiel, dont la rémunération pourrait même être notablement réduite par la mise en œuvre d’un tel dispositif.
En effet, si les avenants en question ont, certes, pour effetd’augmenter leur temps de travail, ils diminuent les rémunérations en reportant le déclenchement de la majoration pour heures complémentaires.
Autrement dit, le salarié travaillera, certes, quelques heuresNous le voyons bien, il s’agit là d’un dispositif imaginé par le patronat, et je dirais même pour lui.
D’ailleurs, notre collègue Catherine Génisson dresse dans son rapport le constat suivant : « Pour l’ensemble des organisations syndicales, y compris celles qui ont signé l’ANI, cette disposition peut contredire le principe des vingt-quatre heures hebdomadaires – unanimement salué. »
Tel est l’objet de cet amendement.
L'amendement n° 65, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 3123-25 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au-delà de quatre avenants par an et par salarié, de nouveaux avenants, dans la limite de quatre, peuvent être conclus, à la condition que les heures effectuées dans le cadre de ces avenants soient majorées d’au moins 25 %. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Il s’agit d’un amendement de repli, dans la mesure où la suppression pure et simple des avenants aurait notre préférence.
Certes, l’article 12 du projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi » a été amendé en séance publique, puisque la loi prévoit désormais que seuls huit avenants peuvent être signés dans l’année, alors que le texte initial du Gouvernement n’apportait aucune limite en la matière.
Pour autant, compte tenu des effets désastreux des avenants, que les salariés n’auront pas, en fait comme en droit, la faculté de repousser, il nous semble opportun de réduire de moitié le nombre d’actes de cette nature pouvant être signés au cours d’une même année.
L’adoption de notre amendement aurait pour double effet de réduire l’attrait des contrats à temps partiel, dont les employeurs sont friands, et de préserver la majoration des heures complémentaires, indispensables aux salariés concernés pour renforcer un pouvoir d’achat largement insuffisant.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 57, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 6323-2 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
professionnelle dans les mêmes conditions que les hommes, il y a d’importantes inégalités, malgré l’égalité apparente.
Si les femmes cadres ou exerçant des professions intermédiaires ont un taux d’accès à la formation des cadres proche de celui desqu’elles travaillent plus souvent dans le secteur public.
À l’inverse, dans le secteur privé, les femmes accèdentle secteur privé sont nombreuses à exercer, voire à subir des emplois à temps partiel ; nous y revoilà…
Nous apprenons également que le taux d’accès à la formation continueclairement en évidence le fait que, pour les employés et les ouvriers, « travailler à temps partiel signifie aussi moins accéder à la formation continue. Ainsi, lorsqu’ils sont à temps partiel, le taux d’accès à la formation est inférieur de dix points pour les employés administratifs d’entreprise, six points pour les personnels de services directs aux particuliers et les employés de la fonction publique, quatre points pour les employés de commerce et les ouvriers non qualifiés de type artisanal. »
Pourtant, les emplois à temps partiel sont clairement associés aux emplois les moins qualifiés : la moitié des personnels de services directs aux particuliers, plus du tiers des employés de commerce et quatre ouvriers non qualifiés de type artisanal sur dix travaillent à temps partiel.
La situation est telle que celles et ceux qui auraient le plus besoin d’une formation professionnelle pour accéder à des emplois plus qualifiés, donc plus rémunérateurs, en sont privés.
Aussi, afin de remédier à une telle situation, nouspartiel verraient ainsi leurs droits à la formation renforcés.
L'amendement n° 58, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6323-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, dans les entreprises où le taux de salariés recrutés à temps partiel est supérieur à un taux défini par décret, la durée du droit individuel à la formation est calculée pour l’ensemble des salariés sur la base d’un temps complet. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Cet amendement s’inscrit parfaitement dans la continuité du précédent, puisqu’il s’agit de renforcer l’accès des salariés à temps partiel à la formation professionnelle, et singulièrement – nous en avons un peu parlé hier – au congé individuel de formation, le CIF, et au droit individuel à la formation, le DIF, de sorte que, dans les entreprises qui recourent massivement aux temps partiels, tous les salariés, y compris ceux qui ne sont pas recrutés à temps plein, puissent bénéficier de ce droit sur la même base légale qu’un temps plein.
Cet amendement se différencie toutefois du précédent. En effet, si le premier avait vocation à s’appliquer aux salariés de toutes les entreprises, le second constitue en quelque sorte un amendement de repli, puisque le dispositif s’appliquerait uniquement aux entreprises qui recourent massivement aux temps partiels. Je pense, par exemple, aux entreprises de la grande distribution ou d’aide à la personne, qui sont très friandes de cette forme d’emplois précaires.
À cette fin, nous proposons qu’un décret définisse le taux à partir duquel le dispositif dont nous vous proposons l’adoption serait applicable.
Par conséquent, si cet amendement est un amendement de repli, il tend tout de même à protéger véritablement les salariés, le plus souvent des salariées, en leur garantissant le recours et le droit à la formation.
Ces deux amendements concernent la formation des salariés à temps partiel, sujet intéressant sur lequel certaines de nos collègues travaillent déjà.
Toutefois, je pense que nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen de la prochaine réforme de la formation professionnelle. En attendant, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Madame Cohen, je profite de l’occasion qui m’est offerte pour expliciter une nouvelle fois les raisons qui m’ont conduite à émettre des avis défavorables sur vos précédents amendements.
Comme vous l’avez bien compris, nous recherchons l’efficacité la plus grande.
Le Gouvernement a fait le choix de la négociation entre partenaires sociaux s'agissant de la réforme du marché du travail dans son ensemble. La question du temps partiel était comprise dans cette négociation, qui a donné lieu à l'accord national interprofessionnel, devenu loi de sécurisation de l’emploi.
Nous faisons en sorte de laisser les entreprises et les branches mettre en œuvre ce qui a découlé de la loi de sécurisation de l’emploi et de l’évaluer, comme je l’ai évoqué, lors du bilan qui sera tiré au premier semestre 2014. Si nous ne sommes alors pas satisfaits, par exemple, de la manière dont les branches comportant plus de 30 % de salariés à temps partiel se sont saisies de la négociation qu’on leur impose désormais, nous reviendrons sur le sujet. Mais, dans un premier temps, suivons jusqu’au bout la philosophie de l’action que nous avons retenue.
J’en reviens aux deux amendements que vous venez de présenter. Là encore, la formation des salariés, en particulier de ceux qui sont les plus vulnérables parce qu’ils ont un « petit » temps partiel, figurera parmi les sujets abordés entre les partenaires sociaux dans la négociation de cet automne.
Comme je l’expliquais hier, le document d’orientation qui leur a été envoyé au début du mois de juillet insiste fortement sur la sécurisation des parcours professionnels en veillant particulièrement à la situation des plus précarisés, c'est-à-dire précisément ceux qui sont à temps partiel.
Ce document précise en outre que la réflexion des partenaires sociaux devra également porter sur l’articulation entre le compte personnel de formation et le DIF.
Enfin, il mentionne explicitement la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, et les négociateurs devront en tenir compte dans leurs discussions.
Les objectifs fixés aux partenaires sociaux me semblent donc très clairs. Je le rappelle, les conclusions des négociations aboutiront à l’élaboration d’un texte législatif, qui vous sera présenté à la fin de 2013 ou au début de 2014.
Par conséquent, j’émets une nouvelle fois un avis défavorable sur vos amendements.
J’ai écouté avec intérêt, comme d’habitude, les explications de Mme la ministre.
Je vais retirer mon premier amendement, tout en maintenant notre amendement de repli, car il vise une catégorie d’entreprises ayant massivement recours aux emplois à temps partiel, qui concernent en premier lieu les femmes plus fragilisées ; j’ai évoqué la grande distribution, l’aide à la personne. Nous pourrions, me semble-t-il, intégrer cette dimension dans le présent texte.
Je retire donc l’amendement n° 57, mais je maintiens l’amendement n° 58.
Une fois n’est pas coutume, je soutiens le Gouvernement et la commission.
En effet, nous avons encouragé les uns et les autres la politique contractuelle, et de longue date. Il se trouve que, en l’occurrence, la démarche a abouti, notamment, à l’accord national interprofessionnel du mois de janvier dernier.
Or l’’ANI prévoit explicitement des négociations entre le patronat et les syndicats, entre les employeurs et les salariés sur plusieurs formes d’emploi, notamment l’emploi à temps partiel.
J’indique aux auteurs des amendements n° 57 et 58 que le temps partiel correspond non pas à une volonté d’oppression, mais aux réalités qui sont celles de l’organisation du travail.
Prenons le cas du transport scolaire, qui s’effectue en général le matin et le soir, mais de moins en moins à l’heure du déjeuner, du fait de la généralisation de la demi-pension. L’organisation du travail doit évidemment s’adapter à cette réalité.
De même, les services à la personne, qui ont été évoqués à juste titre, requièrent les salariés de manière plus intense à certains moments de la journée. Je pense aux heures de repas, que l’on ne peut pas étaler d’une manière constante et lissée du matin au soir ; nos concitoyens, a fortiori les personnes âgées, déjeunent ou dînent à des horaires relativement réguliers.
Laissons donc les employeurs, privés ou associatifs, organiser la négociation avec les syndicats qui représentent les salariés. Si la négociation n’aboutissait pas, le législateur devrait alors en effet prendre toutes ses responsabilités. Mais, pour l’instant, faisons confiance à la politique contractuelle, que nous avons tous souhaitée.
Le travail à temps partiel, discontinu, est inhérent au secteur des services à la personne : cela tient au cadre même des emplois proposés dans ce secteur d’activité.
Je profite de cette occasion pour revenir sur un point qui ne relève pas de la compétence de Mme le ministre, mais de celle de M. Sapin.
Le cadre fixé par l’ANI ne convient absolument pas à ces petites entreprises que sont les multiples associations qui emploient des salariés dans le domaine des services à la personne. Le ministre du travail avait affirmé ici même que des dispositions seraient prises avant octobre ou novembre, par voie réglementaire, afin d’apporter une solution à ce problème.
Permettez-moi de vous dire, madame le ministre, que si cette question n’est pas réglée dans les deux ou trois prochains mois, nous serons confrontés à de graves difficultés, parce que les associations ne seront plus en mesure de tenir les engagements qui découlent de l’accord national interprofessionnel. Je tenais à appeler votre attention sur ce point essentiel, sur lequel nous devrons revenir incessamment.
Je voterai contre cet amendement.
Un travail interministériel a bien été engagé sur le sujet des services à la personne. Nous avons notamment décidé de mettre en place des groupes de travail sur les questions fiscales et sociales, ainsi que sur les conditions de travail des salariés du secteur des services à la personne. Nous organisons actuellement une conférence de progrès – c’est le terme que nous avons choisi –, qui réunira, dans les prochaines semaines, non seulement les partenaires sociaux, mais aussi des chercheurs, des professionnels, afin d’identifier les mesures de progrès que nous pourrions mettre en place, y compris dans le cas où l’employeur est un particulier. En effet, c’est alors que des questions telles que celles du délai de prévenance, de la continuité des horaires ou même du droit à la formation se posent avec le plus d’acuité.
Nous allons favoriser le développement d’un certain nombre d’initiatives. Je pense par exemple aux groupements d’employeurs, qui mériteraient d’être davantage soutenus. Le travail est en cours, comme vous l’avait dit Michel Sapin.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 63, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa du IV de l'article 12 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, les mots : « ou, le cas échéant, à l'équivalent mensuel de cette durée ou à l'équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2 » sont supprimés.
La parole est à Mme Annie David.
Par cet amendement, nous demandons à ce que l’annualisation possible du temps de travail ne s’applique pas aux contrats de travail à temps partiel de 24 heures par semaine. En effet, cela aggraverait la situation de précarité des salariés concernés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 61, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont réputés nuls les contrats, avenants, accords ou convention de toute nature qui prévoient que la journée de travail comporte plus d’une coupure ou qui prévoit que cette coupure est supérieure à deux heures.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Les associations et les organisations syndicales qui interviennent aux côtés des salariés à temps partiel font le constat, depuis des années déjà, d’une forme de morcellement du temps de travail dans des secteurs d’activité peu ou pas soumis aux délocalisations, tels que la grande distribution ou les services à la personne. Soulignons que les femmes sont plus souvent recrutées à temps partiel que les hommes et constituent la majeure partie de l’effectif salarié de ces secteurs d’activité.
Madame la ministre, vous connaissez la réalité de cette situation et vous savez qu’il est nécessaire d’agir. J’en veux pour preuve les propos que vous avez tenus à l’occasion de votre déplacement à Ouistreham, d’ailleurs placé sous le thème de la lutte contre le « travail en miettes ».
Cet émiettement du travail a de multiples conséquences, que l’on mesure aisément auprès de nos concitoyens. Outre les incidences sur le sens du travail induites par ce que Georges Friedmann a appelé l’« organisation scientifique du travail », cette forme de gestion des effectifs et d’organisation du travail a, d’abord et avant tout, des effets économiques et sociaux.
En 2005 déjà, l’Observatoire des inégalités abordait cette question au travers d’exemples plus parlants que le plus long des discours. Citons ainsi le cas de Wendy, qui a été animatrice dans une école selon les horaires journaliers suivants : de 8 heures à 9 heures, puis de 12 heures à 14 heures 30, enfin de 17 heures 15 à 18 heures 15, cela pour un salaire variant de 600 à 900 euros selon les mois. Elle a aussi travaillé huit mois pour une chaîne de restauration rapide. Tous les soirs, le contrat changeait. Parfois, elle travaillait de 10 heures à 12 heures, puis de 15 heures à 18 heures et enfin de 20 heures à 22 heures 30. Avec de tels horaires, il est impossible de cumuler cet emploi avec un autre, d’organiser sereinement sa vie personnelle, ou même de se reposer efficacement.
La multiplication des rythmes de travail différents accroît la pénibilité pour les salariés qui la subissent, et nuit à leur santé. Nous proposons donc, avec le soutien de plusieurs organisations syndicales et des organisations féministes que vous connaissez, madame la ministre, que soient réputés nuls les contrats, avenants, accords ou conventions de toute nature prévoyant que la journée de travail comporte plus d’une coupure ou que la durée de la coupure est supérieure à deux heures.
En effet, comme je le disais tout à l’heure, beaucoup de salariés du secteur des services à la personne sont contraints d’observer une coupure d’une durée supérieure à deux heures. Comment en irait-il autrement quand on s’occupe d’une personne âgée, qu’il faut aider le matin, avant de revenir l’après-midi, et éventuellement le soir ? À force de contraintes, vous allez tuer des centaines de milliers d’emplois salariés ! Il faut tenir compte de la réalité !
Cela étant, je n’ai jamais craint qu’un tel amendement puisse être adopté… Permettez-moi néanmoins de vous dire qu’il y a des limites à ne pas dépasser : c’est vraiment faire insulte aux personnes qui se consacrent bénévolement à faire fonctionner des associations employant des centaines de milliers de salariés pour venir en aide à des personnes âgées ou dépendantes et à leurs familles ! De grâce, ne supprimons pas ces tremplins pour l’emploi, qui sont fort utiles !
Je pense que la situation est beaucoup plus complexe que ne l’a dit M. Lenoir. À cet égard, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir apporté des précisions au sujet de l’emploi à domicile. En effet, nous vivons un peu sur des stéréotypes : au-delà de l’assistance pour les trois repas quotidiens, il importe que l’accompagnement à domicile de la personne âgée ou dépendante soit mis en œuvre avec une grande humanité. Cela permettrait par ailleurs d’améliorer considérablement la situation professionnelle des salariés concernés.
Nos collègues communistes s’obstinent à n’envisager que le travail industriel. Or, dans l’industrie, il est possible de stocker la production et, grâce à une organisation logistique, de la livrer lorsque le client le demande. L’activité de production est donc indépendante des besoins des clients.
Tel n’est pas le cas dans les activités de services, pour l’essentiel ! Les prestataires de services doivent s’adapter aux contraintes de leurs clients et être disponibles quand ceux-ci ont besoin d’eux. Peut-on envisager que des restaurants ou des commerces ne soient ouverts qu’aux seules heures de bureau, ce qui les rendrait inaccessibles aux personnes qui travaillent ? Une certaine souplesse est donc absolument nécessaire dans les activités de services.
Il est évident que cette souplesse doit être régulée par le biais d’accords nationaux professionnels et interprofessionnels conclus, au terme d’une libre négociation, entre les employeurs et les salariés, sauf à tomber dans un rapport de force : je ne citerai pas une nouvelle fois Lacordaire… Il convient en effet que les relations entre les acteurs sociaux soient équilibrées. Cependant, interdire a priori que les prestataires de services puissent adapter leur offre aux besoins de leur clientèle revient à condamner purement et simplement ce secteur d’activité, ce que personne ne souhaite ici.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Monsieur Lenoir, monsieur Longuet, je vous donne rendez-vous vendredi matin, à cinq heures, sur l’esplanade de la Défense, où vous pourrez rencontrer des femmes de ménage qui nettoient les bureaux des plus grandes entreprises du CAC 40. Elles vous diront qu’il est peut-être possible de faire le ménage à un autre moment qu’à quatre heures du matin !
J’entends votre argument selon lequel il faut répondre aux besoins du client. Toutefois, la pénibilité qui peut en résulter pour les salariés doit être compensée par un statut protecteur, par un salaire convenable, par la possibilité d’accéder à une formation professionnelle qualifiante. Je vous en prie, pas de mépris envers ces femmes ! Nous les connaissons !
Vous n’avez pas le monopole ! Ne nous méprisez pas non plus, nous savons de quoi nous parlons !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 67, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-13-1. - Toutefois, par dérogation à l’article L. 241-13, les entreprises dont plus de 20 % du total de l’effectif sont à temps partiels ne peuvent plus prétendre aux exonérations visées à cet article et le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la rémunération qui serait versée aux salariés concernés, s’ils avaient été recrutés en temps complet. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Il s’agit là encore d’essayer de faire reculer le temps partiel subi, à tout le moins de protéger, en améliorant leur statut, des femmes dont les conditions de travail sont extrêmement précaires et flexibilisées. De nombreuses associations se battent aujourd’hui pour faire reconnaître la spécificité de leur situation. Ne soyez pas caricaturaux ! Ce n’est pas parce que l’on est communiste que l’on a une vision réductrice de l’emploi, lequel serait uniquement industriel. Nous évoluons, nous aussi !
Cet amendement tend à supprimer la réduction de cotisations sociales patronales dite Fillon pour les entreprises dont plus de 20 % de l’effectif salarié total travaille à temps partiel. Le calcul de cette réduction est assis sur la rémunération versée à chaque salarié. Elle porte sur les cotisations patronales aux assurances sociales – maladie, maternité, vieillesse, invalidité, décès –, à la branche accidents de travail et maladies professionnelles – les cotisations supplémentaires au titre des accidents du travail ne sont pas concernées – et à la branche famille.
Cette exonération de cotisations sociales, que la Cour des comptes a longtemps considérée comme une trappe à bas salaires incitant les employeurs à maintenir de faibles rémunérations, repose sur un mécanisme contre-productif d’un point de vue social. En effet, plus le salaire augmente, moins la réduction Fillon est avantageuse pour l’entreprise.
Il ressort de cette situation que les employeurs tirent un avantage certain à employer des salariés à temps partiel. Les mesures d’optimisation sociale rendent parfois même plus intéressant pour l’employeur de recruter deux salariés à temps partiel plutôt qu’un salarié à temps complet.
Aussi, pour remédier à cette situation, proposons-nous que, dans les entreprises où plus de 20 % de l’effectif travaille à temps partiel, le calcul de la part patronale de cotisations sociales se fasse sur la base d’un temps complet, de telle sorte que le coût du travail à temps partiel se trouve renchéri.
Naturellement, nous n’ignorons pas que cet amendement soulèvera des objections, déjà exposées par Mme la ministre, qui nous renverra certainement au débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pourtant, aborder cette question sous le seul angle financier ne nous paraît pas pertinent dans la mesure où la vocation première de cette mesure est non pas d’apporter des ressources nouvelles à la sécurité sociale, mais est bel et bien de supprimer une niche sociale qui ne profite qu’aux employeurs et pèse sur les salariés, leurs conditions de travail et leur rémunération, donc, au final, sur leur pouvoir d’achat et leur retraite.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
Cela étant, il est vrai que les grandes entreprises imposent aux femmes de ménage qu’elles emploient des horaires particulièrement indécents : j’ai moi-même parlé de journées de travail « en miettes ».
Le Gouvernement travaille sur le sujet. Ainsi, nous avons organisé à Caen, il y a quelques mois, une conférence sur ce thème, centrée sur les secteurs de la grande distribution et de la propreté, où l’on retrouve souvent ce type de situations. Des engagements ont alors été pris, notamment par l’État et les collectivités locales, qui sont eux-mêmes employeurs ou donneurs d’ordres. L’État, en particulier, a élaboré une circulaire instaurant, en matière de recours aux services de nettoyage, le principe du mieux-disant plutôt que celui du moins-disant : il fait ainsi appel à des sociétés qui garantissent à leurs employés des horaires continus et décents. Nous œuvrons pour que cette démarche exemplaire ne se limite pas aux seules collectivités publiques, mais s’étende aux grandes entreprises.
Nous allons poursuivre dans cette voie en travaillant avec d’autres secteurs que la grande distribution et les services de nettoyage.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – Afin d’améliorer la situation des personnes qui élèvent seules leurs enfants à la suite d’une séparation ou d’un divorce, un mécanisme de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires est expérimenté.
Cette expérimentation s’applique aux bénéficiaires de l'allocation de soutien familial mentionnée au 3° de l'article L. 523-1 du code de la sécurité sociale et aux bénéficiaires de l’aide au recouvrement mentionnée à l’article L. 581-1 du même code, résidant ou ayant élu domicile dans les départements dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé des droits des femmes et du ministre chargé de la sécurité sociale, ainsi qu’aux débiteurs de créances alimentaires à l’égard desdits bénéficiaires, quel que soit leur lieu de résidence.
II. –
Non modifié
III. – §(Non modifié) Pour l’expérimentation mentionnée au I, il est dérogé au 3° de l’article L. 523-1 et aux articles L. 581-2 et L. 581-3 du code de la sécurité sociale afin d’ouvrir le droit à l’allocation différentielle de soutien familial au parent dont la créance alimentaire pour enfants est inférieure au montant de l’allocation de soutien familial même lorsque le débiteur s’acquitte intégralement du paiement de ladite créance. Dans ce cas, l’allocation différentielle versée n’est pas recouvrée et reste acquise à l’allocataire.
III bis (nouveau). – Pour l’expérimentation mentionnée au I, les conditions dans lesquelles le parent est considéré comme hors d’état de faire face à son obligation d’entretien tel que mentionné au 3° de l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale sont définies par décret. »
IV. – §(Non modifié) Pour l’expérimentation mentionnée au I et afin d’améliorer le recouvrement des pensions alimentaires impayées :
1° La procédure de paiement direct, lorsqu’elle est mise en œuvre par l’organisme débiteur des prestations familiales, est applicable, par dérogation à l’article L. 213-4 du code des procédures civiles d’exécution, aux termes échus de la pension alimentaire pour les vingt-quatre derniers mois avant la notification de la demande de paiement direct. Le règlement de ces sommes est fait par fractions égales sur une période de vingt-quatre mois ;
2° Il est dérogé à l’article L. 3252-5 du code du travail afin d’autoriser l’organisme débiteur des prestations familiales à procéder, dans les conditions définies par cet article, au prélèvement direct du terme mensuel courant et des vingt-quatre derniers mois impayés de la pension alimentaire.
V. – L’expérimentation mentionnée au I est conduite pour une durée de trois ans à compter de la publication de l’arrêté mentionné au second alinéa du I du présent article, qui intervient au plus tard le 1er juillet 2014. Elle donne lieu, au plus tard neuf mois avant son terme, à la transmission au Parlement d’un rapport d'évaluation.
VI. – §(Non modifié) L’allocation différentielle versée lorsque le débiteur d’une créance alimentaire s’acquitte du paiement de ladite créance est à la charge de la branche famille de la sécurité sociale et servie selon les mêmes règles que l’allocation de soutien familial mentionnée à l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale en matière d'attribution des prestations, d'organisme débiteur, de financement de la prestation, de prescription, d'indus, d'incessibilité et d'insaisissabilité, de fraude et de sanctions ainsi que de contentieux.
VII. – §(Non modifié) Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article.
Même si la précarité ne se résume pas, hélas ! aux impayés de pensions alimentaires, et même si j’aurais préféré que d’autres mesures soient inscrites dans ce titre II consacré aux dispositions relatives à la lutte contre la précarité, je salue la prise en compte de ce problème dans le projet de loi.
Le phénomène des impayés de pensions alimentaires est extrêmement répandu, puisqu’il se rencontrerait dans 40 % des cas.
Le scandale est évidemment celui des chefs de famille monoparentale – le plus souvent des femmes – confrontés à un manque important et très pénalisant de revenus, mais il est aussi celui d’un manque à gagner pour les finances publiques, estimé à 3 milliards d’euros par an, alors qu’il existe des moyens de remédier à cette situation.
Je ne remets pas en cause le bien-fondé de l’allocation de soutien familial, l’ASF, mais je considère que son versement exonère trop souvent les pouvoirs publics de mener une action résolue pour prévenir les défaillances et punir les mauvais payeurs. En 2009, sur 1, 6 million de familles monoparentales, seulement un tiers bénéficiaient d’une pension alimentaire, alors que plus de la moitié percevaient l’ASF. Si le taux de recours n’est que de 6 %, c’est parce que la plupart des parents concernés sont découragés par la complexité des procédures et les maigres chances de succès.
Avant d’augmenter l’ASF, il faudrait la réformer profondément, comme l’avait d’ailleurs réclamé la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de 2010. Pour les familles monoparentales elles-mêmes, il serait bien plus efficace d’obtenir la pension alimentaire à laquelle elles ont droit plutôt que d’attendre le versement d’une allocation dont le montant est, dans 86 % des cas, inférieur à la pension due et cesse dès lors que le parent entame une nouvelle vie de couple.
Moralement, l’ASF place les allocataires dans une position d’« assistés », alors qu’ils ou – le plus souvent, bien sûr – elles sont bel et bien victimes d’un délit d’abandon de famille, puni par le code pénal.
Améliorer l’efficacité des mesures de recouvrement aurait davantage d’incidence pour les familles en situation de précarité qu’opter pour une simple augmentation symbolique du niveau de l’allocation.
Le dispositif expérimental de renforcement du rôle des caisses d’allocations familiales, les CAF, est loin de me convaincre. Il est très limité, puisque proposé dans une petite dizaine de départements seulement. Surtout, il n’apporte pas grand-chose de nouveau, les CAF étant déjà censées pouvoir se pourvoir en justice pour obtenir le paiement d’une pension alimentaire, notamment via une procédure de saisie directe sur le salaire du parent défaillant. Or, actuellement, des procédures de recouvrement sont menées avec succès dans à peine plus de 10 % des cas de pensions mal versées.
Le recouvrement nécessite un important travail de coordination entre divers organismes, notamment une interconnexion des fichiers sociaux et fiscaux pour identifier les débiteurs de mauvaise foi. Cela ne correspond pas au cœur de métier des CAF, qui n’ont d’ailleurs, en l’état, pas les moyens humains et matériels de mener efficacement à bien cette lourde mission. En outre, il semblerait que le budget des CAF soit encore amené à diminuer.
J’avais déposé, en 2011, une proposition de loi visant à créer une agence pour le recouvrement des pensions alimentaires, sorte de guichet unique facilitant l’accès des familles à l’information et améliorant le suivi des dossiers. L’idée avait d’ailleurs été reprise par l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy. Malheureusement, cette proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour du Parlement.
En Australie, où deux pensions sur trois n’étaient pas correctement versées, la création d’une telle agence a permis d’atteindre un taux de recouvrement de 97 % ! Les États-Unis ou la Norvège ont également très sensiblement amélioré leur taux de recouvrement grâce à la mise en place d’une instance de ce type.
L’instauration d’une agence pour le recouvrement des pensions alimentaires permettrait de faire le lien entre les différentes procédures afin que, en cas d’échec de l’une, les preuves déjà recueillies puissent être directement mobilisées pour une autre.
Cela permettrait de gagner un temps précieux pour les mères concernées, qui, trop souvent, se découragent face à la complexité et à la longueur des multiples procédures de recouvrement.
Cette agence pourrait avoir une mission de coordination à l’échelon international, particulièrement utile dans les cas de plus en plus nombreux de divorces de couples mixtes et facilitée par le développement d’outils informatiques internationalement standardisés. Elle apporterait également une aide juridique, car de trop nombreuses mères isolées renoncent à une action en justice par crainte de son coût lorsqu’elles ne remplissent pas strictement les conditions requises pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. Là encore, la baisse annoncée du budget de l’aide juridictionnelle n’est pas une bonne nouvelle pour ces femmes…
La rédaction actuelle de l’article 6 me semble donc très insuffisante pour promouvoir des procédures de recouvrement plus efficaces et réactives.
L'amendement n° 96, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
à son obligation d’entretien
insérer les mots :
ou au versement d’une pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice
La parole est à Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise à apporter une précision tout à fait bienvenue. En effet, l’expression « obligation d’entretien » figurant dans la rédaction initiale du projet de loi pouvait prêter à confusion, puisqu’elle désigne également les obligations des parents à l’égard de leurs enfants.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 186 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Pour l’expérimentation mentionnée au I, est regardé comme se soustrayant ou se trouvant hors d’état de faire face à l’obligation d’entretien ou au versement de la pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice, le défaut de paiement depuis au moins un mois.
La parole est à Mme la ministre.
À l’heure actuelle, pour avoir droit à l’allocation de soutien familial, le parent isolé – dans l’immense majorité des cas, on le sait, il s’agit d’une femme – doit faire la preuve que la pension alimentaire n’a pas été versée pendant au moins deux mois consécutifs. Ce délai met en difficulté les parents isolés concernés, car la pension alimentaire constitue souvent une part très importante de leur budget. Je rappelle au passage que 56 % des bénéficiaires de l’allocation de soutien familial vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
Par ailleurs, cette condition de non-versement pendant deux mois consécutifs empêche certains parents isolés de bénéficier de l’allocation de soutien familial quand le paiement de la pension est irrégulier.
Par conséquent, le Gouvernement propose de supprimer cette condition, pour permettre le versement de l’ASF dès le premier mois d’impayé de pension alimentaire. C’est une mesure de justice et d’efficacité.
Quel est l’avis de la commission de la commission des affaires sociales ?
Il s’agit effectivement d’une mesure de justice et d’efficacité, qui offre une meilleure protection aux parents créanciers. À titre personnel, j’émets un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen et Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
V. – L’expérimentation mentionnée au I est conduite pour une durée de trois ans, à l’exception du dispositif prévu au III pour lequel la période d’expérimentation est de dix-huit mois. Ces périodes s’entendent à compter de la publication de l’arrêté mentionné au second alinéa du I du présent article, qui intervient au plus tard le 1er juillet 2014. L’expérimentation donne lieu à la transmission au Parlement d'un rapport d'évaluation au plus tard neuf mois avant son terme.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L’article 6 vise à prévoir une expérimentation d’une durée de trois ans dans une dizaine de départements, portant sur des mesures de soutien et d’information à destination des bénéficiaires de pensions alimentaires pour les aider à mieux faire valoir leurs droits, sur un accompagnement à la fixation de la pension alimentaire par le juge aux affaires familiales, sur le renforcement des dispositifs de recouvrement pour les débiteurs défaillants et sur l’ouverture du droit à l’ASF différentielle, même en l’absence de défaut de paiement du débiteur. L’ASF serait ainsi versée dans toutes les situations où la pension alimentaire est fixée à un niveau inférieur à 90, 40 euros.
Ce dernier point entraînera une différence en termes de montant d’allocation versé selon que le département sera ou non soumis à l’expérimentation. Dans la mesure où il s’agit bien souvent ici de femmes en situation de grande précarité, cette différence de traitement doit perdurer le moins longtemps possible.
Le présent amendement, issu de la recommandation n° 8 de la délégation aux droits des femmes, prévoit donc de réduire de trois ans à dix-huit mois la durée de l’expérimentation relative à l’ASF différentielle. Sur les autres points, la durée de trois ans serait maintenue.
Il existe effectivement un risque d’inégalité de traitement entre les bénéficiaires de l’ASF différentielle selon qu’ils résident ou non dans un département participant à l’expérimentation.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable.
Le sujet de l’ASF est complexe. Nous avons considéré qu’il méritait que l’on mette en place une habilitation de trois ans pour observer les effets des mesures que nous envisageons de prendre. Il s’agit de s’assurer qu’elles répondent bien aux besoins des parents isolés concernés.
Ce délai sera également utile pour réfléchir à d’autres évolutions que nous n’aurions peut-être pas encore identifiées, mais qui pourraient s’avérer nécessaires.
Cela étant, prévoir une habilitation de trois ans ne signifie pas que l’expérimentation durera trois ans et que l’on ne pourra rien faire dans ce laps de temps. Mon souhait est que nous engagions les travaux en vue de la généralisation de la mesure dès que nous aurons des résultats probants, au plus tard dans un délai de deux ans. Dans cette perspective, vous comprendrez que nous puissions avoir besoin de la sécurité juridique offerte par une habilitation de plus longue durée.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 86, présenté par Mmes Génisson et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans les départements mentionnés au I, afin de disposer des éléments utiles à l’évaluation de l’expérimentation et de mesurer ses impacts sur le recouvrement des pensions alimentaires, les organismes débiteurs des prestations familiales, en lien avec les services du ministère de la justice, établissent un suivi statistique informatisé des pensions alimentaires, des créanciers et des débiteurs ainsi que des motifs retenus pour qualifier les débiteurs comme étant hors d’état de faire face à leur obligation d’entretien ou au paiement de la pension alimentaire visés au 3°) de l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Il est important de pouvoir évaluer la validité du dispositif selon une approche statistique, ce qui permettra de procéder à des adaptations si des dysfonctionnements apparaissent en cours d’expérimentation.
Cet amendement prévoit la mise en œuvre, dans le cadre de l’expérimentation, d’un suivi statistique informatisé des pensions alimentaires. Ce suivi est en effet nécessaire pour évaluer les effets de l’expérimentation, notamment en matière de recouvrement des pensions. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
Il me paraît en effet très important d’assurer le suivi statistique de cette expérimentation, concernant notamment l’amélioration des taux de recouvrement. Par ailleurs, ce suivi jouera un rôle d’aiguillon pour les organismes chargés du recouvrement, que nous voulons évidemment de plus en plus performants.
L'amendement est adopté.
L'article 6 est adopté.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail est complété par les mots : «, ainsi que les mesures permettant de les atteindre ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Le second alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail prévoit que les négociations annuelles obligatoires au sein des branches relatives aux salaires « prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».
Or la pratique révèle que ces négociations fixent des objectifs chiffrés de réduction des inégalités sans déterminer les actions à engager pour les atteindre. Nous savons pourtant qu’une des grandes difficultés de l’égalité salariale tient à la mise en œuvre concrète des principes réaffirmés par les lois successives.
Afin de leur donner plus d’effectivité, la délégation aux droits des femmes a proposé, au travers de sa recommandation n° 10, que ces négociations annuelles obligatoires de branche relatives aux salaires portent aussi sur les mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés.
Le présent amendement reprend cette recommandation. Il prévoit donc d’ajouter la mention de ces mesures concrètes au second alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail.
Je précise qu’il s’agit en fait de transposer à ces négociations de branche une obligation qui s’applique déjà aux négociations annuelles menées au niveau de l’entreprise, ainsi que le prévoit l’article L. 2242-5 du code du travail.
Un amendement présenté hier soir par le Gouvernement visait à transposer une disposition de l’accord de 2004 portant sur la révision des classifications. Nous nous engageons donc résolument dans l’accompagnement de la révision des classifications pour aboutir à la revalorisation des métiers à prédominance féminine.
Considérant donc que votre amendement est déjà satisfait par celui que le Sénat a adopté hier soir, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir le retirer ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 2323-57 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il analyse notamment dans quelle mesure les niveaux de rémunération des salariés des deux sexes s’expliquent par leur niveau de qualification et par leur ancienneté. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Le rapport de situation comparée a été instauré par la loi du 13 juillet 1983 pour les entreprises de plus de cinquante salariés.
Ce rapport comporte des éléments chiffrés retraçant, pour chacune des catégories professionnelles, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération effective. Ces indicateurs offrent en principe une grille de lecture, commune à toutes les entreprises, comportant des statistiques exprimées en pourcentages.
Toutefois, sur le terrain, on constate que, même lorsqu’ils existent, ces rapports sont souvent difficilement exploitables. En particulier, ils comparent des rémunérations sans tenir compte du niveau de qualification et de l’ancienneté des salariés concernés.
Le rapport peut ainsi faire apparaître que, dans un atelier ou un bureau, les femmes sont mieux rémunérées que les hommes, sans préciser que les femmes en question sont en moyenne plus qualifiées et ont davantage d’ancienneté. Le rapport est alors biaisé.
Afin de comparer ce qui est comparable, il est donc nécessaire de combler certaines lacunes de l’article L. 2323-57 du code du travail, en y précisant que le rapport de situation comparée prendra en compte le niveau de qualification et l’ancienneté relative des salariés.
C’est ce que préconisait la recommandation n° 11 de la délégation aux droits des femmes, que nous avons traduite dans cet amendement.
Madame la sénatrice, ma réponse ne vous surprendra pas…
Comme vous le savez, la question du contenu précis du rapport de situation comparée a été abordée dans les négociations entre partenaires sociaux qui ont abouti à l’accord du 19 juin dernier. Les partenaires sociaux ont décidé d’avancer sur un point important, que nous reprenons dans notre texte : la mise en place d’un nouvel indicateur de promotion sexué, qui va nous permettre de lutter véritablement contre le « plafond de verre ».
Je vous propose donc de nous en tenir là, par respect pour les négociations menées entre les partenaires sociaux, et de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 178 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 2323-57 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il décrit l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans une même entreprise ».
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a trait à l’introduction dans le rapport de situation comparée de l’indicateur de promotion sexué que j’évoquais à l’instant. Il a pour objet d’enrichir ce rapport afin d’en faire un élément central des négociations en vue de l’adoption d’un plan ou d’un accord sur l’égalité professionnelle. C’est une disposition très importante dans le cadre de notre combat permanent contre l’existence d’un « plafond de verre » au sein des entreprises.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 195, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 214-7 du code de l’action sociale et des familles, après les mots : « insertion sociale et professionnelle », sont insérés les mots : «, y compris s’agissant des bénéficiaires de la prestation partagée de l’accueil de l’enfant d'activité mentionné au 3° de l’article L. 531-1 du code de la sécurité sociale ».
La parole est à Mme la ministre.
Hier soir, sans doute sous l’effet de la fatigue, une petite méprise est survenue : le Gouvernement a demandé à tort le retrait d’un amendement présenté par Mme Génisson et concernant l’accès prioritaire aux places de crèche pour les bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant, la PPAE. De fait, il s’agit d’une mesure utile pour l’accompagnement des femmes bénéficiaires de cette prestation. J’ai donc souhaité reprendre l’amendement de Mme Génisson, qui m’y a autorisée.
Il s’agit de permettre aux femmes bénéficiaires de la PPAE qui ne sont pas titulaires d’un congé parental d’éducation d’accéder aux places prioritaires en crèche lorsqu’elles s’inscrivent dans un parcours d’insertion. Cela permettra concrètement à ces personnes de trouver une solution ponctuelle d’accueil pour leurs enfants pendant qu’elles se rendent à un entretien avec un conseiller de Pôle Emploi ou suivent une formation.
Il s’agit d’une mesure importante, visant à ouvrir aux femmes bénéficiaires de la PPAE un accès prioritaire aux places en structures d’accueil de la petite enfance. J’émets un avis favorable sur cet amendement, même si sa portée juridique n’est pas vraiment certaine…
Je souligne que certaines collectivités ont déjà mis en place un tel dispositif au bénéfice de ces femmes en voie d’insertion. Ainsi, le conseil général du Finistère leur a réservé quelques places dans des structures d’accueil des jeunes enfants, afin de pouvoir répondre de manière très rapide à leurs besoins de garde lorsqu’elles sont convoquées pour un entretien ou embauchées pour un travail de courte durée, par exemple. Cela permet de lever des freins à l’employabilité.
Je remercie Mme la ministre d’avoir repris mon amendement. En effet, pour ces femmes en situation de précarité, trouver une solution de garde à titre temporaire pour leurs enfants revêt souvent un caractère d’urgence. C’est pourquoi leur ouvrir un accès prioritaire à des places dans les structures d’accueil de jeunes enfants me semble fondamental.
Pour garantir l’effectivité du dispositif, il conviendrait d’inciter à l’introduction de cette mesure dans les règlements intérieurs des crèches, comme cela a été fait par le conseil général du Finistère.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il en est ainsi pour la conduite de négociations surrenforcée au-delà de 300.
Le risque existe donc que les femmes employées dans les PME de moins de 50 salariés et dans les TPE ne soient les « grandes oubliées » de l’égalité professionnelle. Or leur situation est difficile à appréhender dans sa globalité, compte tenu de la taille même de ces entreprises et de l’absence d’instances représentatives du personnel susceptibles de faireL’administration est sans doute la mieux placée pour établir un bilan, notamment au travers des éléments dont dispose l’inspection du travail.
L’amendement que je vous soumets vise à demander au Gouvernement la remise, avant la fin de 2014, d’un rapport sur l’état de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ces entreprises.
J’ai beaucoup souligné l’utilité des rapports, de l’évaluation, et la nécessité de rendre visible ce qui peut être invisible, notamment en matière de discriminations. Cela étant, je dois donner l’avis de la commission, qui est défavorable…
Pour ma part, je trouve le sujet important…
Nos politiques publiques s’adressent souvent aux entreprises de plus de 50 salariés, ne serait-ce qu’en matière d’obligations légales. Depuis que nous avons pris ce sujet à bras-le-corps, nous avons décidé de mener une véritable politique proactive, notamment dans neuf régions avec lesquelles nous avons passé convention, auprès des entreprises de moins de 50 salariés, en particulier pour les informer sur leurs obligations et les outiller en vue d’instituer l’égalité professionnelle.
Je pense donc qu’il peut être utile qu’un tel rapport soit remis au Parlement. L’avis du Gouvernement est plutôt favorable.
Je voterai cet amendement qui, au-delà du thème spécifique de l’égalité professionnelle, soulève la question de l’effectivité de la négociation sociale dans les TPE et les petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés. Je crois qu’il y a là un véritable problème, que nous devons envisager de manière globale.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 75 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno, Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les organismes débiteurs des prestations familiales qui figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la famille expérimentent, par dérogation aux articles L. 531-1 et L. 531-5 du code de la sécurité sociale, le versement à l’assistant maternel agréé de la prise en charge prévue au b du I du même article L. 531-5, dans les conditions et selon les modalités fixées au présent article.
II. - Peuvent prendre part à l’expérimentation, sous réserve de leur accord :
1° La personne en emploi ou engagée dans un parcours d’insertion sociale ou professionnelle et dont les ressources, telles que définies à l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles, sont inférieures au revenu garanti prévu à l’article L. 262-2 du même code ;
2° L’assistant maternel, au sens de l’article L. 421-1 dudit code, qui accueille simultanément un nombre d’enfants inférieur au nombre maximal fixé par l’agrément délivré dans les conditions prévues à l’article L. 421-3 du même code.
Une convention signée entre l’organisme débiteur des prestations familiales et les personnes mentionnées aux 1° et 2° du présent II rappelle leurs engagements respectifs, notamment ceux définis aux III et IV du présent article.
Pour l’application des dispositions législatives et réglementaires fiscales et sociales, la prise en charge mentionnée au premier alinéa du présent I, versée directement à l’assistant maternel, est considérée comme une rémunération versée par les parents à l’assistant maternel. Le a du I de l’article L. 531-5 et l’article L. 531-8 du code de la sécurité sociale leur sont applicables. Les parents employeurs déduisent le montant de la prise en charge de la rémunération qu’ils versent à l’assistant maternel.
III. - La personne prenant part à l’expérimentation est l’employeur de l’assistant maternel. Elle s’engage à suivre les actions d’accompagnement proposées par l’organisme débiteur des prestations familiales, les collectivités ou les organismes mentionnés au VI du présent article.
IV. - L’assistant maternel prenant part à l’expérimentation s’engage à :
1° Accueillir le ou les mineurs aux horaires spécifiques de travail de l’employeur définis au 1° du III de l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale, en urgence ou sur des périodes de très courte durée, si les conditions d’accueil le nécessitent ;
2° Suivre les actions d’accompagnement proposées par l’organisme débiteur des prestations familiales, les collectivités ou les organismes mentionnés au VI du présent article.
V. - La participation à l’expérimentation des personnes mentionnées au II du présent article prend fin en cas de cessation de recours à l’assistant maternel, de notification du souhait de ne plus prendre part à l’expérimentation ou de non-respect des engagements prévus à l’avant-dernier alinéa du même II. Lorsque les ressources du foyer de l’employeur dépassent, au cours de l’expérimentation, le revenu garanti mentionné au 1° dudit II, il n’est pas mis fin au versement du complément de libre choix du mode de garde dans les conditions prévues au présent article.
VI. - L'expérimentation est conduite par l'organisme débiteur des prestations familiales, en partenariat avec les collectivités territoriales ou leurs groupements et les organismes locaux en charge de l'information et du conseil aux professionnels de la petite enfance, pour une durée de deux ans à compter de la publication de l'arrêté mentionné au I et au plus tard jusqu'au 1er juillet 2015.
Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport d'évaluation avant la fin de l'expérimentation, assorti des observations des organismes débiteurs des prestations familiales, des collectivités et des organismes ayant participé à l'expérimentation.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Cet amendement, lui aussi à visée très pratique, a trait au versement du complément de libre choix du mode de garde.
Aujourd’hui, les personnes concernées doivent payer l’assistante maternelle avant d’être remboursées par l’organisme débiteur, principalement la caisse d’allocations familiales, du complément de libre choix du mode de garde. Cette avance de frais constitue bien sûr, pour certaines familles modestes, une difficulté supplémentaire.
Dans le prolongement d’une proposition de loi qui avait été déposée par mon collègue député Jean-Christophe Lagarde, cet amendement reprend le principe d’une expérimentation du paiement direct du complément de libre choix du mode de garde auprès de l’assistante maternelle, qui évitera aux familles d’en faire l’avance. Nous avons prévu de limiter le champ de cette expérimentation aux personnes en retour à l’emploi ou en insertion, et les assistantes maternelles concernées devront être en sous-activité ou volontaires.
L'amendement n° 191 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les organismes débiteurs des prestations familiales qui figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la famille expérimentent, par dérogation aux articles L. 531-1 et L. 531-5 du code de la sécurité sociale, le versement à l’assistant maternel agréé de la prise en charge prévue au b du I du même article L. 531-5, dans les conditions et selon les modalités fixées au présent article.
II. - Peuvent prendre part à l’expérimentation, sous réserve de leur accord, d’une part le ménage ou la personne dont les ressources sont inférieures à un plafond, fixé par décret, qui varie selon le nombre d’enfants à charge et, d’autre part, l’assistant maternel mentionné à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles que le ménage ou la personne emploient.
Une convention signée entre l’organisme débiteur des prestations familiales et l’assistant maternel mentionné au II rappelle aux parties leurs engagements respectifs.
Pour l’application des dispositions législatives et réglementaires fiscales et sociales, la prise en charge mentionnée au premier alinéa du présent I, versée directement à l’assistant maternel, est considérée comme une rémunération versée par les parents à l’assistant maternel. Le a du I de l’article L. 531-5 et l’article L. 531-8 du code de la sécurité sociale leur sont applicables. Les parents employeurs déduisent le montant de la prise en charge de la rémunération qu’ils versent à l’assistant maternel.
III. - L’assistant maternel prenant part à l’expérimentation s’engage à accueillir le ou les mineurs aux horaires spécifiques de travail de l’employeur définis au 1° du III de l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale, en urgence ou sur des périodes de très courte durée, si les conditions d’accueil le nécessitent.
IV. - La participation à l’expérimentation des personnes mentionnées au II du présent article prend fin en cas de cessation de recours à l’assistant maternel, de notification du souhait de ne plus prendre part à l’expérimentation ou de non-respect des engagements figurant dans la convention conclue entre l’organisme débiteur des prestations familiales et l’assistant maternel. Lorsque les ressources du foyer de l’employeur dépassent, au cours de l’expérimentation, le revenu garanti mentionné au II, il n’est pas mis fin au versement du complément de libre choix du mode de garde dans les conditions prévues au présent article.
V. - L'expérimentation est conduite par l'organisme débiteur des prestations familiales, en partenariat avec les collectivités territoriales ou leurs groupements et les organismes locaux en charge de l'information et du conseil aux professionnels de la petite enfance, pour une durée de deux ans à compter de la publication de l'arrêté mentionné au I et au plus tard jusqu'au 1er juillet 2016.
Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport d'évaluation avant la fin de l'expérimentation, assorti des observations des organismes débiteurs des prestations familiales, des collectivités et des organismes ayant participé à l'expérimentation.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble possible d’aboutir à un consensus sur cet amendement du Gouvernement, qui fait suite à une réflexion engagée l’an dernier, lors de la discussion du PLFSS, sur la difficulté spécifique, pour les familles modestes, d’accéder à un mode de garde, quel qu’il soit.
En effet, les chiffres font apparaître que, dans les familles les plus modestes, près de 90 % des enfants sont gardés par la mère de famille. Cette situation, qui ne résulte pas toujours d’un choix, éloigne les femmes concernées de l’emploi. De plus, elle est profondément inégalitaire au regard des enfants.
Nous avions décidé d’instaurer le principe du tiers payant pour le complément de libre choix du mode de garde, mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, considérant qu’elle ne relevait pas d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Je tiens à remercier Najat Vallaud-Belkacem d’avoir accepté de l’introduire dans le présent projet de loi pour faciliter, en particulier, l’accès aux services des assistantes maternelles pour les familles les plus modestes. Je salue à cet égard l’amendement de Mme Jouanno. Nous proposons cependant d’élargir le champ des bénéficiaires du tiers payant aux familles dont les revenus n’excèdent pas 24 000 euros, quand elles comptent deux enfants, ou 21 000 euros, quand il n’y a qu’un seul enfant. Cela permettrait de faciliter le recours aux assistants maternels pour un plus grand nombre de familles modestes et de sécuriser des professionnels qui peuvent parfois hésiter à accepter la garde d’un enfant compte tenu de la faiblesse des revenus de ses parents.
Je vous invite à voter cet amendement, qui donne un signal fort en faveur du développement des modes de garde pour les familles les plus modestes.
Ces deux amendements ont pour objet la mise en place d’une expérimentation de versement direct du tiers payant à l’assistante maternelle pour le complément de libre choix du mode de garde, celui du Gouvernement prévoyant un champ d’application plus large. Le sujet avait été abordé lors de la discussion du PLFSS pour 2013. La commission des affaires sociales du Sénat avait alors accueilli très favorablement le principe de cette expérimentation.
L’objectif est bien de faciliter l’accès à un mode de garde individuel pour les familles les plus modestes, sachant que le niveau de vie des parents influe fortement sur les choix opérés en matière de modes de garde. Pour les familles les plus modestes, l’effort financier est deux fois plus important lorsqu’il s’agit d’un mode de garde individuel plutôt que d’un mode de garde collectif, c’est pourquoi nous insistons, encore et toujours, sur la nécessité d’ouvrir des crèches et d’offrir des places dans des structures d’accueil collectif des jeunes enfants.
La commission des affaires sociales émet un avis favorable sur l’amendement n° 191 rectifié du Gouvernement et demande le retrait de l’amendement n° 75 rectifié bis, qui peut être considéré comme satisfait.
En accord avec le président de la commission des lois, je demande, au nom de la commission des affaires sociales, la priorité pour l’amendement n° 191 rectifié.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
La priorité est de droit.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote sur l’amendement n° 191 rectifié.
Je crois que nous pouvons tous reconnaître à Jean-François Lagarde la paternité de ce dispositif et le remercier d’avoir déposé sa proposition de loi, dont s’inspirent les deux amendements, presque identiques. Je retire le mien au profit de celui du Gouvernement, dont le champ d’application est plus large.
L’amendement n° 75 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l’amendement n° 191 rectifié.
Nous avions déjà évoqué cette mesure lors de la discussion du PLFSS, l’année dernière. Il est regrettable qu’elle ait été censurée par le Conseil constitutionnel, ce qui a empêché l’expérimentation de se mettre en place dès le 1er janvier de cette année.
C’est un dispositif intéressant tant pour les familles que pour les assistantes maternelles. J’attire cependant l’attention du Gouvernement sur la charge de travail supplémentaire que sa mise en œuvre va représenter pour les salariés des caisses d’allocations familiales, dont la situation est déjà difficile.
Par ailleurs, comment procédera-t-on dans les cas d’urgence ou pour les périodes de très courte durée ? Comment répondra-t-on aux besoins de garde ponctuels ?
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un bilan sur la répartition des contrats d’avenir entre les sexes et sur la contribution que ces contrats apportent à la lutte contre les stéréotypes professionnels.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
L’objet de cet amendement est d’éclairer la représentation nationale sur la façon dont le dispositif des emplois d’avenir s’inscrit dans la politique de promotion de l’égalité professionnelle.
Nous proposons qu’un bilan de ce dispositif soit établi par le Gouvernement, afin d’analyser la répartition des contrats entre les candidats des deux sexes et, sur le plan qualitatif, d’étudier dans quelle mesure ils ont contribué à la lutte contre les stéréotypes professionnels.
Cet amendement reprend la recommandation n° 15 de la délégation aux droits des femmes.
Il me semble que le rapport annuel d’évaluation que le Gouvernement doit remettre au Parlement en application de l’article 5 de la loi du 26 octobre 2012 créant les emplois d’avenir permettra déjà une telle analyse.
Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Dès la mise en place des emplois d’avenir, le Gouvernement a souhaité assigner pour objectif au dispositif la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la mixité.
De fait, je suis en mesure de vous donner une information quantitative intéressante sur ce point : sur les 50 000 emplois d’avenir déjà conclus, 50, 6 % ont été attribués à des jeunes filles. Nous disposerons prochainement d’éléments qualitatifs, concernant par exemple le type d’emplois.
Au bénéfice de ces indications, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer l’amendement n° 14 rectifié.
L'amendement n° 14 rectifié est retiré.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES FEMMES CONTRE LES VIOLENCES ET LES ATTEINTES À LEUR DIGNITÉ
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la protection des femmes victimes de violences
L'amendement n° 101 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier, Bourzai, Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 515-9 du code civil, les mots : « Lorsque les violences » sont remplacés par les mots : « en cas de violences » et les mots : « à cette dernière » par les mots : « à la victime ».
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Toute situation de violence comportant un danger potentiel, il convient de permettre l’accès à une mesure de protection à toute femme victime de violences. Cette disposition permettra aussi de protéger le foyer d’hébergement ou la structure d’accueil d’accusations d’obstruction aux droits des pères.
Même si l’on peut partager l’objectif de protéger les foyers d’accueil, la rédaction proposée ne nous semble pas de nature à permettre de l’atteindre.
Par ailleurs, toute situation de violence appelle certes la prise de mesures de protection, mais pas forcément une ordonnance de protection, qui prive l’auteur des violences d’un certain nombre de droits. Il ne nous paraît donc pas opportun d’entrer dans une sorte d’automaticité de l’ordonnance de protection : il faut laisser le juge décider.
Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.
J’avoue, madame Meunier, ne pas bien mesurer la portée de cet amendement, qui ne me paraît pas modifier l’état du droit ni répondre à votre vœu de renforcer la protection des femmes. Il me semble que nous pourrons mieux atteindre cet objectif au travers de la réforme de l’ordonnance de protection que j’ai proposée, avec la réduction des délais de délivrance, l’allongement à six mois des effets, la possibilité d’organiser des audiences séparées.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je me suis sûrement mal fait comprendre… Je voulais attirer l’attention sur le grand danger encouru par les femmes soumises à l’emprise de leur conjoint. Je reformulerai cette proposition ultérieurement. Pour l’heure, je retire l’amendement.
I
« Le juge sollicite l’avis de la victime sur l’opportunité de tenir les auditions séparément. Les auditions se tiennent en chambre du conseil. »
II. – L’article 515-11 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « délivrée », sont insérés les mots : «, dans les meilleurs délais, » ;
2° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Préciser lequel des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou des concubins continuera à résider dans le logement commun et statuer sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences ; »
3°
« Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison de violences, susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, il en informe sans délai le procureur de la République.
« L’ordonnance de protection délivrée à un étranger est notifiée par le juge à l’autorité administrative compétente, pour lui permettre de délivrer la carte de séjour temporaire dans les conditions prévues à l’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
III. – À la fin de la première phrase de l’article 515-12 du même code, les mots : « quatre mois » sont remplacés par les mots : « six mois à compter de la notification de l’ordonnance ».
L’ordonnance de protection, mesure centrale de la loi du 9 juillet 2010 se substituant au « référé violence », vise à fournir un cadre d’ensemble aux personnes victimes de violences, leur permettant de stabiliser leur situation juridique.
J’insiste sur le fait que la gamme des mesures à la disposition du juge est bien plus large, dans le cadre de l’ordonnance de protection, que dans celui d’une procédure pénale et d’un contrôle judiciaire.
L’ordonnance de protection a fait ses preuves et elle est jugée positivement par les associations. La situation juridique de la victime est mieux assurée. Malheureusement, on enregistre de fortes disparités territoriales en matière de délivrance de l’ordonnance de protection.
Bien utilisé dans certains départements, ce dispositif ne l’est pas, ou si peu, dans d’autres. Pourquoi ? Est-ce dû à des difficultés pour établir des preuves ? Au désistement des requérantes ? À un défaut de connaissance du dispositif et des mesures qui peuvent figurer dans l’ordonnance de protection ? À un manque de formation des magistrats, des avocats ? Je ne sais pas !
Il est vrai que l’attribution de pouvoirs pénaux aux juges aux affaires familiales, les JAF, nécessite, comme le soulignent Danielle Bousquet et Guy Geoffroy dans leur rapport, une véritable révolution culturelle de leur part.
Or, comme cela a été dit, il suffit qu’un seul maillon de la chaîne fasse défaut pour que tout le dispositif soit enrayé. En effet, si les avocats connaissent mal la procédure ou si les magistrats la sous-estiment, alors les victimes seront, de fait, souvent privées du bénéfice de la mesure.
Cela étant dit, reste le problème des délais de délivrance. Ils sont extrêmement longs en moyenne. Or il s’agit, souvent, de situations de grand danger, qui imposent de réagir en urgence, et non pas vingt et un ou vingt-six jours plus tard.
L’objectif consiste, me semble-t-il, à mettre à l’abri la victime le plus rapidement possible, afin qu’elle ne soit pas exposée, notamment, à des représailles. Avec des délais trop longs, nous manquons cet objectif. Or il arrive parfois que les victimes soient en danger de mort.
Certes, je comprends que l’on ne puisse pas délivrer l’ordonnance en vingt-quatre heures, ou même en quarante-huit heures. Il faut évidemment tenir compte des droits de la partie défenderesse et d’un certain nombre de contraintes.
Se pose également le problème des délais de convocation. Pourquoi ne pas généraliser la convocation par voie d’huissier de justice, comme cela se pratique au tribunal de grande instance de Bobigny, plutôt que de persister à convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui ouvre un délai de quinze jours et contribue à l’allongement du délai total de délivrance de l’ordonnance ?
En fait, réduire fortement ce délai est une impérieuse nécessité. Quant à la durée de quatre mois de l’ordonnance de protection, toutes les associations concernées vous diront qu’elle est insuffisante et ne permet pas, dans les faits, d’assurer la stabilisation de la situation juridique de la victime.
Trop souvent, les questions relatives à la séparation, au logement ou aux enfants n’ont pas été réglées dans le délai de quatre mois. Par ailleurs, si cette durée peut être prolongée pour les couples mariés, dans le cas d’une requête en séparation de corps ou d’un divorce, cela n’est pas possible, en revanche, dans le cas de couples pacsés ou en concubinage. Je me réjouis donc que les délais de délivrance de l’ordonnance puissent être ramenés aux alentours d’une semaine et que la durée de l’ordonnance soit portée à six mois.
Je présenterai un amendement visant à permettre au juge aux affaires familiales de démontrer plus rapidement la réalité des violences, en lui donnant la possibilité de demander au procureur de la République de diligenter une enquête rapide sur la personnalité de l’auteur des violences. L’objectif est d’éviter que le juge aux affaires familiales ne passe à côté d’une situation préoccupante.
Je défendrai un second amendement tendant à permettre la saisine du juge aux affaires familiales aux fins de délivrance d’une ordonnance de protection, non seulement pour des faits de violence sur le conjoint ou le partenaire, mais aussi pour des faits de violence sur les enfants.
L’extension du mécanisme de l’ordonnance de protection est à saluer, en ce que ce dispositif met en sécurité les femmes victimes de violences, dans l’attente d’une instruction. Malheureusement, il n’est pas accessible aux femmes victimes de viol en dehors du couple, alors qu’il pourrait se révéler utile dans de nombreux cas.
Plus largement, je tiens ici à souligner les problèmes récurrents auxquels font face les victimes de viol dans le traitement de leur plainte. Outre l’impossibilité de bénéficier d’une ordonnance de protection, l’instruction de cas de viol peut être particulièrement douloureuse pour les victimes ; je souhaite vivement voir la législation évoluer à cet égard.
Le premier sujet, bien sûr, est la correctionnalisation quasiment systématique des viols. Ces crimes sont trop souvent requalifiés en agressions sexuelles et une solution juridique à ce problème doit être trouvée dans les plus brefs délais, en envisageant, par exemple, un aménagement de la charge de la preuve ou une redéfinition pénale du viol. Cela passe aussi par le nécessaire désengorgement des cours d’assises, qui mettent des années à se prononcer sur ces crimes. Rendre justice aux victimes est un élément fondamental du processus de reconstruction ; cette problématique doit être traitée avec le plus grand sérieux.
Par ailleurs, lors d’un procès pour viol ou agression sexuelle, certains droits doivent être garantis à la plaignante. En particulier, il doit être clairement établi qu’aucun magistrat ne pourra interroger la victime sur sa sexualité, ses pratiques sexuelles ou, plus généralement, sur sa « moralité ».
Il faut aussi veiller, avec une attention particulière, à ce que le juge ne demande pas d’actes de procédure qui soient de nature à aggraver inutilement le traumatisme de la victime, par exemple des reconstitutions de faits, des expertises psychologiques ou des confrontations multiples avec l’agresseur.
La protection et l’accompagnement des victimes de viol ou d’agression sexuelle est un sujet réel, dont le traitement, non prévu dans ce projet de loi, repose principalement sur l’action du Gouvernement. Nous espérons donc qu’une réflexion pourra être menée sur ce sujet, en partenariat avec les associations de défense des victimes et les organisations féministes, afin que nous puissions aboutir prochainement à des solutions. Vous avez évoqué quelques pistes à cet égard lors de votre intervention dans la discussion générale, madame la ministre.
L’amendement n° 98 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Leconte et Godefroy, Mmes Alquier et Bourzai, M. Teulade, Mmes Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
, dans les meilleurs délais,
par les mots :
, dans un délai d'un mois,
La parole est à Mme Michelle Meunier.
On le sait, les violences à l’encontre des femmes, notamment dans le cadre conjugal et familial, doivent être placées, compte tenu de l’ampleur et de l’importance de leurs conséquences, tant humaines que financières, au premier rang des priorités des tribunaux.
Les récents bilans de la mise en œuvre de l’ordonnance de protection montrent combien cette mesure a été utilisée de façon disparate selon les tribunaux de grande instance. Les disparités géographiques en la matière ne sont pas acceptables. On ne doit pas craindre un encombrement des tribunaux : les femmes concernées déposent plainte de façon responsable.
Nous devons renforcer le dispositif de ce texte, d’ores et déjà très important. Il faut prévenir les risques de violences graves, voire de crimes : pour cela, il est essentiel que le traitement des plaintes soit rapide. Dans cette perspective, notre amendement tend à fixer à un mois le délai maximal de traitement de la plainte par l’autorité judiciaire. Certains tribunaux peuvent faire encore mieux, mais d’autres sont loin du compte.
Madame la sénatrice, la commission partage bien entendu votre objectif de réduction au minimum des délais de délivrance de l’ordonnance de protection. Néanmoins, fixer le délai maximal à un mois pourrait aller à l’encontre de cet objectif. La commission a donc émis un avis défavorable, pour trois raisons.
Tout d’abord, comme vous l’avez souligné, au TGI de Bobigny, par exemple, le délai est déjà plutôt d’une dizaine de jours seulement. Il ne faudrait donc pas donner le sentiment que l’on peut se satisfaire d’un délai de traitement d’un mois.
Par ailleurs, sur un plan plus juridique, en cas de dépassement du délai d’un mois, des procédures pourraient être annulées sur ce motif. Les avocats de la partie défenderesse ne manqueraient pas de s’engouffrer dans la brèche !
Enfin, la responsabilité de l’État pourrait se trouver engagée si le délai d’un mois était dépassé, alors que ce dépassement ne serait pas de son fait.
Pour atteindre l’objectif de réduction des délais, la commission privilégie la publication de circulaires et la diffusion des bonnes pratiques en la matière, par exemple le travail en collaboration avec les huissiers instauré par le TGI de Bobigny. La commission sait pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement à cet égard.
L’avis est donc, je le répète, défavorable.
Le Gouvernement fait sienne l’analyse de Mme la rapporteur.
Au fond, nous partageons tous le même objectif d’efficacité et de célérité du prononcé de l’ordonnance de protection.
J’ajouterai, pour compléter les propos de Mme Klès, que la durée moyenne de traitement d’une requête d’ordonnance de protection est de trois semaines. Il est vrai que le TGI de Bobigny, où ce délai est parfois réduit à seulement une semaine, est particulièrement exemplaire à cet égard. Pour ma part, je préfère que nous affirmions clairement notre volonté de ramener le délai à une semaine dans l’immense majorité des cas, plutôt que de fixer dans la loi un délai maximal d’un mois, ce qui pourrait inciter à ne pas chercher à faire plus vite. Le Gouvernement n’est pas favorable à ce type de précision. La meilleure façon de réduire le délai au minimum, c’est de s’inspirer des pratiques des juridictions où cela marche, en construisant des partenariats solides entre les tribunaux, les associations, les collectivités locales et les huissiers de justice. Inscrire dans la loi une mesure trop rigide risquerait d’être contreproductif.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
J’entends ces arguments. Je vais retirer cet amendement, mais je resterai vigilante, car il s’agit ici de situations d’urgence.
L’amendement n° 98 rectifié est retiré.
L’amendement n° 87, présenté par M. Courteau, Mme Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la victime est exposée » sont remplacés par les mots : « la victime ou ses enfants sont exposés » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
Il convient de rappeler que, dans de nombreux cas, les enfants sont aussi les victimes des violences conjugales.
On sait que, très souvent, dans 60 % à 70 % des cas, les enfants sont témoins de ces violences, ce qui a d’ailleurs de graves conséquences sur leur psychisme et leur développement. De surcroît, ils en sont parfois eux-mêmes victimes, directement ou indirectement.
Cet amendement a pour objet de permettre la saisine du juge aux affaires familiales aux fins de délivrance d’une ordonnance de protection non seulement pour des faits de violence sur le conjoint, mais également pour des faits de violence sur les enfants.
Là encore, la commission partage tout à fait l’objectif des auteurs de l’amendement.
L’avis de la commission est favorable, sous réserve, par souci de parallélisme avec la rédaction de l’article 515-9 du code civil et parce que les enfants qui sont en danger ne sont pas forcément ceux de la victime, d’une petite modification rédactionnelle : nous souhaitons que les mots « la victime ou ses enfants sont exposés » soient remplacés par les mots « la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Les enfants concernés peuvent en effet être ceux du conjoint, par exemple.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Courteau, Mme Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la victime est exposée » sont remplacés par les mots : « la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés » ;
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement est favorable à cet amendement ainsi rectifié.
Je souligne que le procureur, une fois informé des faits de violence sur le ou les enfants, peut toujours demander que soient ordonnées des mesures d’assistance éducative, prévues à l’article 375 du code civil, voire prendre immédiatement une ordonnance de placement provisoire. L’ensemble de ces options doivent clairement apparaître dans nos discussions, afin qu’elles ne s’excluent pas mutuellement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° la seconde phrase du 3° est complétée par les mots : «, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence » ;
II. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Le principe de l’éviction du domicile conjugal du conjoint violent a été posé dès 2005 au plan pénal. La compétence en cette matière a ensuite été étendue au juge aux affaires familiales par la loi du 9 juillet 2010, quand celui-ci statue dans le cadre d’une ordonnance de protection.
C’est un principe auquel la délégation aux droits des femmes attache une grande importance, car l’éviction du domicile conjugal du conjoint violent peut contribuer à inverser le rapport de force symbolique entre la victime et l’auteur des violences. À ce titre, elle peut favoriser chez ce dernier une prise de conscience salutaire.
Pour la victime, le maintien dans les lieux peut en outre répondre à son désir de ne pas perturber le cadre de vie des enfants en les changeant d’école ou encore à son attachement à son quartier, à ses relations de voisinage.
Pour autant, nos auditions l’ont confirmé, cette disposition peine à entrer dans les faits.
Cela peut tenir à la volonté de la victime de rompre avec un cadre lié à des souvenirs douloureux et de redémarrer une vie nouvelle. Cette volonté doit, évidemment, être respectée.
Mais les freins peuvent tenir à d’autres facteurs. Les auditions auxquelles j’ai procédé ont montré, par exemple, que le fait, pour la victime de violences, d’avoir quitté le domicile commun et d’avoir bénéficié d’un hébergement d’urgence au moment du dépôt de sa requête avait pu, en pratique, inciter certains juges à privilégier le maintien dans les lieux du conjoint violent. Il serait choquant que le fait d’avoir dû, dans l’urgence et sous la menace d’un danger imminent, quitter le domicile commun puisse invalider le droit de la victime à rester dans les lieux.
Le présent amendement apporte une traduction législative à la recommandation n° 18 de la délégation aux droits des femmes, qui a souhaité lever toute ambiguïté en ce domaine : il faut que le principe de l’éviction du conjoint violent continue de prévaloir, même si la victime a bénéficié d’un hébergement d’urgence.
La commission des lois, qui s’efforce toujours d’avoir le regard le plus précis possible sur l’écriture de la loi, a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le code civil prévoit aujourd’hui que le juge peut préciser lequel des deux conjoints reste dans le logement commun, la jouissance de ce dernier étant attribué, sauf circonstances particulières, à la personne qui n’est pas l’auteur des violences. Compliquer la rédaction actuelle en précisant que ce principe vaut même si la victime de violences a bénéficié d’un hébergement d’urgence exposerait à des interprétations a contrario de la loi, ce qui irait finalement à l’encontre de l’objectif visé.
J’entends les interrogations d’ordre juridique de Mme la rapporteur, mais je partage le constat établi par Mme Gonthier-Maurin : il arrive parfois qu’une femme ne puisse pas bénéficier de l’éviction du domicile du conjoint violent parce qu’elle n’y résidait pas à la date de la décision.
Je suis donc plutôt favorable à cet amendement.
Je profite de cette occasion pour rappeler que le Gouvernement a créé les conditions d’une augmentation du nombre de places en centres d’hébergement spécialisés. En effet, introduire dans la loi le principe de l’éviction du conjoint violent du domicile ne suffit pas à régler l’ensemble des problèmes : il y aura toujours des situations dans lesquelles les femmes préféreront partir de chez elle, et nous devons donc continuer à développer les solutions d’hébergement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 99 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier et Bourzai, M. Teulade, Mmes Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cas contraire, un décret fixe les conditions dans lesquelles la victime peut récupérer ses effets personnels et éventuellement ceux de ses enfants, en toute sécurité ;
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Trop souvent, les victimes de violences quittent leur domicile sans pouvoir emporter leurs effets personnels, ni ceux de leurs enfants le cas échéant, ce qui vient aggraver leur situation de détresse et contribue à les appauvrir.
L’ordonnance de protection doit donc permettre à ces victimes de se faire accompagner pour récupérer leurs effets personnels avec le concours des forces de l’ordre, qui assureront leur sécurité.
Il s’agit aussi, par cet amendement, d’être cohérents dans la prise en compte de la gravité de la situation des femmes victimes de violences et de les accompagner dans une démarche risquée pour elles, en assurant leur protection par la loi.
Il s’agit enfin d’adresser un message aux conjoints violents : leur victime a des droits et la loi la protège.
Une fois encore, tout en partageant les préoccupations des signataires de cet amendement, la commission a émis un avis défavorable.
En effet, la loi ne peut pas tout prévoir, et l’on s’expose là aussi à un effet contraire à l’objectif visé, ne serait-ce qu’en raison des problèmes que soulève la définition de la notion d’« effets personnels ». Un chien, un chat ou un canari est-il ou non un effet personnel ?
Par conséquent, il ne nous semble pas opportun d’inscrire une telle disposition dans la loi. En revanche, le fait d’en parler aujourd’hui est une bonne chose. Les réseaux pluridisciplinaires qui ne manqueront pas de se constituer informeront les victimes qu’elles peuvent se faire accompagner par les associations compétentes. Les forces de l’ordre, qui ne peuvent pas accompagner les victimes à l’intérieur du domicile mais ont la possibilité de se tenir à proximité immédiate pour pouvoir intervenir immédiatement en cas de besoin, participeront également à cette information.
Il convient de privilégier cette démarche, plutôt que de nous imaginer que la loi peut prévoir toutes les situations possibles, au risque de nuire à la protection des victimes.
Je suis cette fois moi aussi sensible à l’effet a contrario que pourrait avoir une telle précision.
A priori, il revient naturellement aux forces de police d’accompagner une victime qui chercherait à reprendre possession de ses effets personnels. Je ne crois pas qu’il convienne de le préciser dans la loi ou le décret.
En revanche, nous pourrions introduire ce type de précision dans les protocoles d’accord que nous mettons en place à l’échelon des départements afin d’assurer une meilleure efficacité aux ordonnances de protection et au dispositif de téléphones portables « grand danger ».
En conclusion, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 43 rectifié, présenté par M. Courteau et Mme Blondin, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À cette fin, le juge aux affaires familiales peut demander au procureur de la République de diligenter une enquête rapide à l’effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de la partie défenderesse ainsi qu’une enquête rapide sur sa personnalité. » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
Afin de permettre au juge aux affaires familiales de démontrer la réalité des violences, le présent amendement vise à offrir à ce dernier la possibilité de demander au procureur de la République de diligenter une enquête rapide à l’effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de la partie défenderesse, ainsi qu’une enquête sur sa personnalité. Cette enquête apportera des éléments complémentaires et permettra peut-être d’éviter de passer à côté d’une situation préoccupante, voire alarmante.
Cet amendement est d’ores et déjà satisfait par l’application des articles L. 143 et suivants du code de procédure civile. Ces dispositions relèvent en outre du domaine réglementaire.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Le code de procédure civile prévoit en effet déjà que le juge informe le procureur de la République des requêtes qu’il a reçues en vue de prononcer une ordonnance de protection. Il revient ensuite au parquet d’apprécier les faits et de diligenter une enquête si les faits qui sont portés à sa connaissance justifient des poursuites pénales.
Je le redis, l’ordonnance de protection est une mesure civile et la décision du juge repose sur des éléments produits devant lui par les parties et débattus de manière contradictoire. Cette mesure doit être rendue dans l’urgence, et le fait de procéder à l’enquête que vous évoquez risquerait de retarder, voire de dénaturer, le dispositif de l’ordonnance de protection.
En conséquence, je suis défavorable à cet amendement.
J’avoue être indécis… Cela étant, je retire l’amendement, les propos de Mme la rapporteur et de Mme la ministre m’ayant plutôt rassuré.
L'amendement n° 43 rectifié est retiré.
L'amendement n° 133, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison de violences, il peut ordonner une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Lorsque des faits de violences conjugales sont jugés, le juge peut ordonner un suivi socio-judiciaire du conjoint violent, avec injonction de soins s’il considère que cela est nécessaire.
Dans les faits, les situations de violences conjugales sont souvent amplifiées par des problèmes sociaux ou psychologiques graves. Cet amendement vise à permettre au juge qui délivre une ordonnance de protection d’ordonner en outre une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences, afin d’éviter la récidive, qui n’est que trop courante dans ce genre de situations.
Les auteurs de violences ont besoin d’un accompagnement et d’une prise en charge particulière, qu’il s’agisse d’une thérapie ou d’un travail de réinsertion, en vue de leur permettre de sortir de leurs habitudes de violence.
Bien que cette proposition se situe à la limite des compétences du juge civil, la commission des lois a émis un avis favorable, dans la mesure où le principe du contradictoire a été respecté pour la délivrance de l’ordonnance de protection. Cela ne pourra être qu’un « plus » pour la protection de la victime, un tel dispositif ayant vocation à éviter la récidive.
Vous avez raison, madame Cukierman, de mettre l’accent sur la prise en charge des auteurs de violences conjugales : c’est évidemment une condition essentielle pour la prévention de la récidive. Des dispositions à cet effet ont été prévues dans le projet de loi ; nous y reviendrons.
La prise en charge que vous proposez de mettre en place figure déjà parmi les mesures alternatives aux poursuites énumérées à l’article 41-1 du code de procédure pénale. Le parquet, une fois qu’il est informé des faits portés à la connaissance du juge dans le cadre de l’ordonnance de protection, peut parfaitement prendre une telle mesure.
Cela étant, l’ordonnance de protection est une mesure civile, provisoire, qui repose exclusivement sur la vraisemblance des faits et ne peut donc être assimilée, nous semble-t-il, à une mesure pénale qui serait prise par le procureur dans le cadre de sa libre appréciation de l’opportunité des poursuites. Une telle mesure risquerait, là encore, d’être plutôt contreproductive en termes d’efficacité et de rapidité de la délivrance de l’ordonnance de protection.
En conséquence, l’avis est défavorable.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 100 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier et Bourzai, M. Teulade, Mmes Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au premier alinéa de l’article 515-13 du même code, après les mots : « de mariage forcé » sont insérés les mots : « ou victime de viol ou de tentative de viol, d’inceste ou de tentative d’inceste, de harcèlement sexuel, de mutilation ou de menace de mutilation »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Il s’agit d’étendre la mesure de protection à tous les cas de violences subies par les femmes : viols, violences sexuelles, violences intrafamiliales, violences conjugales, mariage forcé, mutilations génitales. Les violences envers les femmes sont des violences particulières dans leur mécanisme et du fait d’une proximité avec les auteurs de ces violences dans la plupart des cas.
En effet, les mécanismes d’emprise et de peur auxquels sont soumises les victimes sont identiques dans tous ces cas de violences et nécessitent souvent une mise en sécurité, en particulier dans la période où intervient la dénonciation de faits de violence de la part d’un proche.
Nous devons être cohérents et accompagner concrètement les victimes qui prennent des risques personnels pour sortir de l’emprise de leur agresseur et le dénoncer. Il est important de permettre à l’ensemble des femmes victimes qui se sentent menacées de bénéficier d’une mesure de protection. De nombreuses associations ont insisté sur ce point lors des auditions.
L'amendement n° 119 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
- Au premier alinéa de l'article 515-13 du même code, après les mots : « mariage forcé », sont insérés les mots : « ou de mutilation sexuelle ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Depuis la loi du 9 juillet 2010, le juge aux affaires familiales peut délivrer une ordonnance de protection dans les cas de menace de mariage forcé. Notre amendement prévoit d’étendre cette mesure d’urgence aux cas de mutilations sexuelles. Les violences coutumières, comme le mariage forcé et les mutilations sexuelles, sont des formes de violence totalement inacceptables dans notre pays, et il est de notre responsabilité d’en protéger les personnes concernées.
Nous savons bien que les victimes de mutilations sexuelles sont souvent des enfants, que le juge compétent est, dans ce cas, le juge des enfants, et que celui-ci dispose de pouvoirs extrêmement larges. Mais les mutilations génitales concernent aussi des femmes adultes, qui les subissent au moment de leur mariage, au cours de leur grossesse ou à la suite du premier accouchement. Nous ne pouvons pas les ignorer. Les femmes qui se sentent menacées de mutilations sexuelles doivent pouvoir être protégées avant même le dépôt d’une plainte.
L'amendement n° 134 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l'article 515-9 du code civil, il est inséré un article 515-9-... ainsi rédigé :
« Art. 515-9-… Lorsqu’une personne victime d’une des infractions visées aux articles 222-22, 222-23 ou 222-33 du code pénal se trouve en danger, le juge peut lui délivrer en urgence une ordonnance de protection. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
L’objectif est d’étendre le champ d’application de l’ordonnance de protection aux affaires de viol, d’agression sexuelle ou de harcèlement sexuel dans les cas où les victimes seraient en situation de danger. Cela permettrait de sécuriser les victimes dans l’attente du jugement, d’autant qu’elles sont parfois amenées à croiser leur agresseur quotidiennement, que ce soit sur leur lieu de vie ou sur leur lieu de travail. Une telle mesure favoriserait en outre le dépôt des plaintes.
La commission s’associe bien évidemment à la dénonciation du caractère tout à fait inacceptable des faits d’une violence inouïe qui ont été évoqués. Cependant, de tels faits relèvent du pénal et peuvent entraîner, le cas échéant, la mise en détention provisoire du ou des auteurs présumés, et non d’un dispositif civil d’urgence. La commission a donc émis un avis défavorable sur les trois amendements.
Avant d’indiquer l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements, je souhaite revenir un instant sur celui qui vient d’être adopté.
Je voudrais que le Sénat soit bien conscient du fait que le dispositif de l’ordonnance de protection, mesure civile et non pénale, est précieux et fragile. Lui ajouter des éléments de nature quasiment pénale ou d’application automatique lui porte préjudice.
Ce dispositif n’a pas encore été examiné par le Conseil constitutionnel ; il n’a fait l’objet d’aucune question prioritaire de constitutionnalité à ce jour, mais rien n’exclut que cela se produise à l’avenir. Je ne voudrais pas que le dispositif soit censuré parce que l’on aura cherché à être trop généreux. C’est pour cette seule raison que je me suis déclarée défavorable à certaines des propositions qui ont été formulées.
C’est pour cette même raison que je suis défavorable aux trois amendements en discussion commune. Les viols et les mutilations sexuelles sont des crimes, qui doivent être traités comme tels, c'est-à-dire jugés par une cour d’assises. Nous ne pouvons pas envoyer un signal de « sous-qualification » de tels faits. Je le répète, l’ordonnance de protection est une procédure civile s’adressant à des victimes qui ne souhaitent pas poursuivre l’auteur des faits, souvent pour des raisons de proximité familiale que l’on peut comprendre. Il ne faut donc pas élargir son champ d’application outre mesure.
En revanche, je serais favorable à une extension du champ d’application de mesures de protection comme le téléphone portable « grand danger » aux victimes de viol, par exemple. Mais il s'agit là d’un autre sujet.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 100 rectifié.
Je suis très sensible à l’argumentation de Mme le ministre. Il doit être possible de mettre fin à des situations inacceptables en restant dans l’ordre civil, afin d’éviter de transformer des conflits en tragédies. J’attire l’attention sur le fait que l’ordonnance civile doit pouvoir fonctionner aisément. L’action pénale risquerait de créer une situation irréversible sans que cela corresponde nécessairement au souhait du conjoint qui réclame une protection. Par conséquent, je demande à mes collègues du groupe UMP de suivre le Gouvernement sur ce point.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 134 rectifié est retiré !
L'amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au premier alinéa de l'article 515-13 du même code, les mots : « peut également être délivrée » sont remplacés par les mots : « est également délivrée ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Encore aujourd’hui, de nombreuses familles envoient leurs enfants à l’étranger contre leur gré pour qu’ils y soient mariés de force. Lorsqu’une jeune femme se sent menacée d’un mariage forcé, le juge aux affaires familiales peut délivrer une ordonnance de protection et prononcer une interdiction temporaire de sortie du territoire français.
Il s’agit de situations dramatiques, qui imposent que l’on agisse rapidement. Or nous savons pertinemment que les délais de délivrance de l’ordonnance sont beaucoup trop longs : vingt-six jours en moyenne selon le Conseil national de l’aide aux victimes. Vous avez certes affirmé votre volonté, madame la ministre, que l’ordonnance de protection soit désormais délivrée dans les meilleurs délais. Cependant, s'agissant de mariages forcés, il serait souhaitable, surtout lorsqu’ils ont lieu à l’étranger, que l’ordonnance de protection soit délivrée automatiquement dès lors qu’une jeune femme se sent menacée.
Un débat a eu lieu en commission sur cet amendement, le caractère automatique de la délivrance de l’ordonnance de protection posant problème. Cependant, il s'agit ici d’un cas bien particulier, où la menace de mariage forcé est démontrée : il y a réellement urgence. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable, malgré ses réticences quant à l’automaticité de la délivrance de l’ordonnance de protection.
Madame Laborde, je comprends très bien votre souhait que la délivrance d’une ordonnance de protection soit plus fréquente en cas de menace de mariage forcé. On ne peut que déplorer la faiblesse du nombre d’ordonnances délivrées à l’heure actuelle dans de tels cas.
Nous avons décidé de nous attaquer à ce problème en travaillant, notamment avec le ministère chargé des Français de l’étranger, puisque les mariages forcés ont souvent lieu à l’étranger, à une meilleure information des Françaises et des Français concernés, à un meilleur accompagnement, grâce à l’action de nos consulats. En outre, nous avons renforcé les sanctions, y compris pour l’incitation à contracter un mariage forcé.
Cela étant, j’estime que l’automaticité de la délivrance de l’ordonnance de protection serait nuisible à l’individualisation des réponses que doit apporter le juge aux situations des victimes. Je suis donc défavorable à cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'article 7 est adopté.
La dernière phrase du 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :
« Lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, il n’est procédé à la mission de médiation que si la victime en a fait expressément la demande. Dans cette hypothèse, outre la médiation, l’auteur des faits doit faire l’objet d’un rappel à la loi en application du 1° du présent article. Lorsque des violences ont été commises à nouveau par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, il ne peut être procédé à une nouvelle mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime. Dans ce cas, sauf circonstances particulières, le procureur de la République engage des poursuites ; ».
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La dernière phrase du 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
« Il ne peut toutefois être procédé à cette mission de médiation lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La médiation pénale est une des mesures alternatives aux poursuites que peut prendre le procureur de la République sur le fondement de l’article 41-1 du code de procédure pénale. Elle est particulièrement inappropriée dans les situations de violences conjugales, car elle revient à mettre face à face, dans une situation faussement égalitaire, l’auteur des violences et la victime, au risque de contribuer au renforcement des phénomènes d’emprise, comme le rappellent régulièrement les associations de défense des femmes.
La loi du 9 juillet 2010 a réduit le champ d’application de cette mesure, en introduisant une présomption de non-consentement à la médiation pénale pour les personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection. Le projet de loi va plus loin, en subordonnant le recours à la médiation pénale à la demande expresse de la victime dans les situations de violences au sein du couple. La commission des lois propose d’en restreindre encore le champ, en l’interdisant en cas de récidive.
Mais ce n’est pas assez. Puisque l’on s’accorde sur l’inadéquation de cette procédure aux cas de violences conjugales, tirons-en toutes les conséquences et interdisons purement et simplement le recours à la médiation pénale dans ce type de situation.
Tel est l’objet du présent amendement, qui apporte une traduction législative à la recommandation n° 22 de la délégation aux droits des femmes.
L'amendement n° 113 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La dernière phrase du 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
« Lorsque la victime a saisi le juge aux affaires familiales en application de l'article 515-9 du code civil en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité, il ne peut être procédé à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Actuellement, lorsque le procureur de la République a connaissance de faits de violences conjugales, il peut, avant de prendre une décision, faire procéder à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime. La médiation a pour but de parvenir à une issue acceptée par les deux parties.
L’article 8 prévoit certes d’encadrer davantage les conditions dans lesquelles les parquets pourront recourir à la médiation pénale en cas de violences au sein d’un couple : elle ne sera possible, notamment, qu’à la demande de la victime. Par ailleurs, la commission des lois a précisé qu’il ne pourra être procédé à de nouvelles médiations en cas de réitération des violences.
Pour autant, je pense qu’il n’est pas souhaitable d’autoriser la médiation pénale dans les cas de violences conjugales. Nous le savons bien, les violences au sein d’un couple traduisent la plupart du temps un rapport de force entre l’auteur des faits et la victime. Elles ont un effet destructeur sur les victimes, qui se trouvent souvent sous l’emprise de leur conjoint.
Dans ces conditions, il n’est pas possible de placer l’auteur des violences et sa victime dans une situation faussement égalitaire.
L'amendement n° 135, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La dernière phrase du 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
« Lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, il ne peut être procédé à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Si l’on ne peut que saluer la limitation du recours à la médiation pénale aux seuls cas où la victime en fait expressément la demande, ce moyen semble tout à fait inadapté à la résolution de situations de violences conjugales. En effet, l’engorgement des tribunaux étant ce qu’il est, comment être sûr que les victimes ne seront pas incitées à y avoir recours ?
Soyons clairs : nous n’avons rien contre le principe de la médiation pénale, mais un vol de vélo n’est pas comparable à une plainte pour violences conjugales, ces violences durant parfois des mois ou des années et occasionnant souvent à la victime un profond traumatisme. La succession des espoirs déçus, des tentatives de reconstruction, des attentes de changement, des journées marquées par la peur ne met pas les victimes de violences en mesure de participer à une médiation. Elles ont besoin en outre d’un véritable parcours de reconstruction, dont le jugement fait pleinement partie.
Il faut bien comprendre que, dans ces situations de violences, l’auteur des faits mène un véritable travail de sape psychologique, isolant sa victime, brisant sa volonté. La médiation pénale ne nous semble pas envisageable dans ce genre de situation, et nous demandons donc qu’il soit impossible d’y recourir dans le cas spécifique des violences conjugales.
L'amendement n° 172, présenté par Mme Klès, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Après le mot :
République
insérer les mots :
met en œuvre une composition pénale ou
La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements n° 16 rectifié, 113 rectifié et 135.
L’amendement n° 172 vise uniquement à apporter une précision rédactionnelle. Il nous a semblé important d’ajouter cette mention de la possibilité de mettre en œuvre une composition pénale.
S’agissant des trois autres amendements, je partage tout ce qui a pu être dit au sujet des situations de violences conjugales avec emprise. Cependant, toutes les violences conjugales, telles qu’elles sont définies aujourd’hui par la loi, ne s’accompagnent pas d’emprise.
Il ne faut donc pas exclure du champ de la médiation pénale des couples qui connaissent un épisode de conflit violent, et non pas de violences conjugales avec emprise. Une enquête doit permettre de faire la distinction. Toutefois, si une première médiation pénale a échoué, il ne peut pas être de nouveau recouru à cette mesure, car il s’agit d’un indice important montrant que le couple se trouve dans une situation non pas de crise ponctuelle, mais de violences avec emprise.
Quoi qu’il en soit, la médiation pénale ne peut être mise en œuvre qu’à la demande expresse de la victime, qui, grâce aux nouvelles dispositions que nous sommes en train d’adopter, sera sans nul doute mieux accompagnée au tribunal, par des personnes mieux formées, plus au fait de ce qui se joue dans les situations de violences avec emprise. Ainsi, elle sera incitée, notamment par les associations, à refuser d’elle-même la médiation pénale si besoin est.
Malgré tout, il ne faut pas se priver d’un outil susceptible de permettre de régler certains cas. Certes, il peut être néfaste dans d’autres, mais nous avons largement limité les risques.
Par conséquent, la commission est défavorable aux trois amendements.
Je ne cache pas que notre intention initiale, lors de la préparation de ce projet de loi, était d’imposer une interdiction absolue du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales.
Néanmoins, je dois admettre que Mme la rapporteur a raison. Notre texte fait l’objet d’une expertise, notamment par le Conseil d’État. Nous avons le souci de trouver un équilibre, dans le respect de la libre appréciation par le ministère public de l’opportunité d’exercer des poursuites, ainsi que des principes garantissant l’indépendance et le bon fonctionnement de la justice.
Enfin, il convient de tenir compte de certaines situations qui, comme vient de l’exposer Virginie Klès, peuvent se prêter à une médiation pénale, lorsqu’elle est demandée par la victime, comme cela est désormais précisé.
Je suis donc défavorable aux amendements n° 16 rectifié, 113 rectifié et 135. En revanche, je suis favorable à l’amendement rédactionnel n° 172.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 16 rectifié.
Madame la rapporteur, comment pourra-t-on distinguer les violences avec emprise de celles sans emprise ? J’aimerais avoir des éclaircissements sur ce point. Pour ma part, je considère que les violences conjugales sont presque toujours la manifestation d’une emprise.
L’enquête sociale devra permettre de faire le distinguo. Le juge civil aura la possibilité de demander au procureur de lui fournir rapidement des éléments. Dans les cas d’emprise, les violences sont réitérées et vont s’aggravant.
Dès lors qu’une femme sera prise en charge par les services compétents, la question se posera nécessairement. D’ailleurs, le fait qu’il ne pourra être recouru à la médiation pénale qu’à la demande expresse de la victime amènera les différents interlocuteurs de cette dernière à s’interroger sur ce point.
Sans vouloir remettre en cause l’indépendance de la justice, je crois vraiment qu’une telle procédure ne peut pas s’appliquer dans les cas de violences conjugales. On pourrait débattre longtemps de la distinction entre violences avec emprise et violences sans emprise, mais tous les exemples dont nous avons eu à connaître montrent bien que, même sans récidive, un acte de violence peut avoir des conséquences terribles et irréversibles pour la victime.
En outre, parce que ce sont des violences spécifiques, commises au sein du couple, donc dans un contexte compliqué où se mêlent de la haine, des affects, parfois même encore de l’amour, il est très difficile et, partant, très dangereux de laisser à un juge le soin de déterminer si la victime est véritablement consentante ou non à la médiation pénale. Il y aura des risques de mauvaise interprétation. En cas de problème, des expertises psychologiques a posteriori seront nécessaires pour vérifier que la victime n’était pas sous emprise quand elle a demandé la médiation pénale.
Il me semble que nous sommes en train de compliquer les choses. Nous parlons ici non pas d’engueulades au sein d’un couple, mais de violences conjugales. Il faut en être conscient ! Il ne s’agit pas de demander à tous les couples de s’entendre parfaitement, mais lorsqu’un acte de violence est commis, les faits sortent du champ des rapports de couple plus ou moins conflictuels, pour relever de la justice. Malgré les restrictions prévues dans le texte, il nous semblerait préférable de supprimer la possibilité de recourir à la médiation dans les situations de violences conjugales. Pour notre part, nous ne souhaitons pas prendre une telle responsabilité devant les femmes victimes de violences.
Mme Cukierman vient de s’exprimer avec beaucoup de sincérité et un certain réalisme. Pour autant, je suggère que nous suivions l’avis de Mme le rapporteur. Le recours à la médiation, qui est placée sous l’autorité du parquet, s’apparente d’une certaine façon à un aveu de culpabilité, puisque l’on ne recherche pas la décision de la justice.
Cela étant, la médiation n’est pas un droit : le parquet n’est pas tenu, me semble-t-il, de répondre favorablement à une demande de médiation. Il peut très bien renvoyer devant un tribunal.
Enfin, permettez-moi une observation certes d’ordre sémantique, mais qui n’est pas tout à fait gratuite : le masculin est, en français, générique, c’est-à-dire qu’il est utilisé lorsque l’on parle indistinctement d’hommes et de femmes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je dis « Mme le rapporteur » et non pas « Mme la rapporteur ».
Je voudrais que l’on n’oublie pas ce fait dans cette discussion, même si je dois reconnaître que, statistiquement, la violence est plus masculine que féminine.
Dont acte, monsieur le sénateur !
Madame Cukierman, je veux tout de même rappeler que la médiation pénale est une alternative aux poursuites. Il est clair que les faits de violences gravissimes n’en relèvent pas. Le procureur de la République peut décider de recourir à la médiation pénale quand les faits restent d’une gravité limitée, même si une violence conjugale n’est jamais anodine, mais cela est exclu s’il s’agit par exemple d’une agression avec un couteau.
Dans cette perspective, il me semble intéressant de maintenir la médiation pénale dans la batterie des réponses possibles, en tant qu’alternative aux poursuites. Pour ma part, j’ai rencontré des couples ayant connu des situations de conflit ponctuel qui ont pu repartir après une médiation pénale.
Je suis tout à fait de l’avis de Mme Cukierman. Je me souviens que nous avions eu, en 2010, une très longue discussion sur la médiation pénale.
À mon sens, nous sommes dans une situation très particulière : comment imaginer une médiation mettant face à face une personne en état de fragilité et l’auteur des faits ? Cela me semble strictement impossible.
Par ailleurs, je pense qu’une victime qui n’est pas sous emprise se défend ; si elle ne se défend pas, c’est qu’elle est sous emprise, d’une manière ou d’une autre. Il y a presque toujours emprise exercée par l’auteur sur la victime.
Je ne vois donc pas comment une médiation peut être prescrite. Personnellement, je me bats depuis très longtemps pour que le recours à cette voie ne soit pas possible dans les cas de violences conjugales.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l’article 8 est ainsi rédigé et les amendements n° 113 rectifié, 135 et 172 n'ont plus d'objet.
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 6° de l’article 41-1 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l’application du présent 6°, le procureur de la République recueille ou fait recueillir, dans les meilleurs délais et par tous moyens l’avis de la victime sur l’opportunité de demander à l’auteur des faits de résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite. Le procureur de la République peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement pendant une durée qu’il fixe et qui ne peut excéder six mois. » ;
2° Le 14° de l’article 41-2 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l’application du présent 14°, le procureur de la République recueille ou fait recueillir, dans les meilleurs délais et par tous moyens, l’avis de la victime sur l’opportunité de demander à l’auteur des faits de résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite. Le procureur de la République peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement pendant une durée qu’il fixe et qui ne peut excéder six mois. » ;
3° Le 17° de l’article 138 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l’application du présent 17°, le juge d’instruction recueille ou fait recueillir, dans les meilleurs délais et par tous moyens, l’avis de la victime sur l’opportunité d’astreindre l’auteur des faits à résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite. Le juge d’instruction peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. »
II. – Le 19° de l’article 132-45 du code pénal est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l’application du présent 19°, l’avis de la victime est recueilli, dans les meilleurs délais et par tous moyens, sur l’opportunité d’imposer au condamné de résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite. La juridiction peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. »
L'amendement n° 102 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier, Bourzai, Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 5, 7 et 9, dernières phrases
Remplacer les mots :
peut préciser
par le mot :
précise
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Les situations de violences subies par les femmes doivent, lorsqu’elles font l’objet d’une plainte, être traitées rapidement. Il doit être statué, dans tous les cas, sur la prise en charge financière du logement et des autres charges du ménage.
En effet, trop souvent, les femmes victimes de violences, qu’elles restent au domicile ou qu’elles le quittent, continuent d’assumer ces charges financières. Cette situation constitue une injustice supplémentaire et les entrave dans leur reconstruction post-traumatique.
Statuer sur la situation financière est primordial, car il est impossible d’espérer une quelconque négociation entre les membres du couple, du fait de l’emprise exercée par le conjoint violent. Il s’agit de parvenir à un équilibre dans la répartition des charges matérielles, en attendant un jugement définitif.
Il ne me semble pas souhaitable d’obliger le juge à statuer en la matière, d’autant qu’il y aura des cas où il ne sera pas nécessaire de le faire, par exemple en l’absence de frais de logement, l’appartement ou la maison étant déjà payé.
Selon moi, il faut laisser au juge la faculté de se prononcer en tant que de besoin et faire confiance aux magistrats. L’avis est défavorable.
Même avis. J’estime moi aussi qu’il ne faut pas fixer, en la matière, d’obligations rigides, qui ne permettraient pas de répondre à la diversité des situations.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
(Non modifié)
En cas de grave danger menaçant une personne victime de violences de la part de son conjoint, son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, le procureur de la République peut attribuer à cette dernière, pour une durée renouvelable de six mois et si elle y consent expressément, un dispositif de téléprotection lui permettant d’alerter les autorités publiques. Avec l’accord de la victime, ce dispositif peut, le cas échéant, permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l’alerte.
Le dispositif de téléprotection ne peut être attribué qu’en l’absence de cohabitation entre la victime et l’auteur des faits, et lorsque ce dernier a fait l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans le cadre d’une ordonnance de protection, d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, d’une condamnation, d’un aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté.
Ces dispositions sont également applicables lorsque les faits ont été commis par un ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par une personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité.
L'amendement n° 190, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le dispositif de téléprotection prévu au présent article peut également être attribué, par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention à une personne victime de viol lorsque l’auteur des faits est placé sous contrôle judiciaire assorti de l’obligation de s’abstenir d’entrer en relation avec la victime de quelque façon que ce soit.
La parole est à Mme la ministre.
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer hier dans mon intervention liminaire ce dispositif, qui a pour objet de permettre l’attribution, à titre de mesure de protection, d’un téléphone grand danger à la victime de viol. Un amendement similaire avait été présenté par Roland Courteau, mais avait été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Or la mesure qu’il tendait à instituer est très positive, car elle répond à un besoin.
Faut-il le rappeler, la grande majorité des auteurs de viols sont des proches de la victime ? On estime que l’auteur du viol est connu de la victime dans huit cas sur dix. Le fait qu’il puisse approcher à nouveau sa victime est une situation extrêmement plausible, et qui est d’ailleurs très fréquente.
La commission n’ayant pas eu le temps d’examiner cet amendement, je vous ferai part de mon avis personnel.
Sur le fond, et sans trop m’avancer, je crois pouvoir affirmer que l’ensemble des membres de la commission des lois seraient très favorables à cette proposition.
Sur la forme, je me permets d’appeler l’attention de la Haute Assemblée sur les problèmes que soulève la rédaction de l’amendement.
D’une part, le magistrat qui devrait prendre la décision est le procureur de la République, et non le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention.
D’autre part, pour protéger les victimes, il faut faire attention à ne pas oublier certains cas. La rédaction de l’amendement ne vise que les auteurs placés sous contrôle judiciaire, mais il peut y avoir d’autres mesures qui justifient que le téléphone grand danger soit accordé à la victime. Je pense notamment à l’assignation à résidence, à la condamnation ou aux aménagements de peine.
Le temps nous manque pour corriger en séance la forme de l’amendement. La navette parlementaire permettra de compléter et d’affiner cette proposition initialement présentée par M. Courteau. Je remercie d’ailleurs le Gouvernement de l’avoir reprise après qu’elle a été jugée irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
L'amendement est adopté.
L'article 10 est adopté.
L'amendement n° 103 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier, Bourzai, Khiari, Bataille et Claireaux et MM. Auban, Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 353-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « sauf en cas de condamnation pour violences envers cet assuré ».
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Il n’est pas tolérable qu’un auteur de violences ayant fait l’objet d’une condamnation puisse bénéficier des droits sociaux de sa victime. Il faut mettre fin à une telle indécence ! C’est pourquoi cet amendement tend à radier des droits à la pension de réversion – principale et complémentaire – l’auteur des violences ayant été condamné.
Cette mesure suppose de faire inscrire, sur décision de justice, une mention spécifique dans le dossier de l’assurée victime et de l’assuré auteur.
Cet amendement soulève deux difficultés.
D’une part, se pose un problème de proportionnalité, car, de fait, l’amendement revient à s’opposer au droit à la pension de réversion, quelle que soit la nature de la violence, y compris en cas de violence « légère ».
D’autre part, se pose un problème de principe, puisque l’amendement a pour effet de faire de la suppression d’une prestation sociale une peine complémentaire, ce qui serait une innovation juridique dangereuse.
Toutefois, le sujet méritait d’être posé, et je vous remercie, madame la sénatrice, de l’avoir fait. Si vous acceptez de retirer votre amendement, je m’engage à ce que le Gouvernement vous remette un rapport sur cette question. Nous étudierons les meilleures voies pour mettre fin au scandale que vous avez évoqué – je pense notamment au cas où une pension de réversion serait versée à l’auteur d’un meurtre.
La loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il appartient au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin de l’occupant, lorsque celui-ci a fait l’objet d’une condamnation devenue définitive, assortie d’une obligation de résider hors du domicile ou de la résidence du couple, pour des faits de violences commis sur son conjoint, son concubin, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou sur leurs enfants. » ;
2° L’article 10 est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Qui ont fait l’objet d’une condamnation devenue définitive, assortie d’une obligation de résider hors du domicile ou de la résidence du couple, pour des faits de violences commis sur leur conjoint, leur concubin, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou sur leurs enfants. » –
Adopté.
À l’article 222-33-2 et au premier alinéa de l’article 222-33-2-1 du code pénal, le mot : « agissements » est remplacé par les mots : « comportements ou propos ». –
Adopté.
L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes Laborde et Gonthier-Maurin, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 712-4 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, s’il existe une suspicion légitime sur l’impartialité de la section disciplinaire, notamment dans les cas de poursuites pour faits de harcèlement, l’examen des poursuites peut être assuré par la section disciplinaire d’un autre établissement dans les conditions et selon une procédure définies par le décret prévu au dernier alinéa du présent article. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Cet amendement reprend l’une des recommandations de la délégation aux droits des femmes émises dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, dont nous avons débattu en juin dernier.
Le harcèlement sexuel et le harcèlement moral restent, dans l’enseignement supérieur et la recherche, une réalité largement occultée, mais bien plus présente que l’on peut, ou que l’on veut, le croire. Les associations que nous avions auditionnées à l’époque nous avaient alertés sur l’impunité dont jouissent le plus souvent les auteurs de tels agissements. Jugés par leurs pairs, il n’est pas rare qu’ils bénéficient de la clémence de leurs collègues, souvent embarrassés à l’idée de sanctionner un confrère qu’ils connaissent et qu’ils estiment.
Aussi serait-il souhaitable que, en cas de suspicion sur l’impartialité de la section disciplinaire, le jugement puisse être dépaysé, c’est-à-dire confié aux instances disciplinaires d’un autre établissement que celui dont relèvent la victime et l’auteur présumé des agissements.
La commission est tout à fait consciente du problème, mais n’a pas eu énormément de temps pour examiner cet amendement sur le fond et sur la forme.
Nous craignons que cette proposition ne soulève des difficultés juridiques : qui peut-être garant de l’impartialité ? Comment la notion de suspicion légitime pourra-t-elle être prouvée ? La rédaction actuelle nous paraît être une source potentielle de contentieux, ce qui pourrait amoindrir l’efficacité de la mesure.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable. Néanmoins, le Gouvernement nous apportera peut-être des éléments de réponse qui nous feront changer d’avis, en particulier s’il nous garantit que la mesure est efficace et qu’elle ne risque pas d’entraîner de contentieux juridiques, au-delà des problèmes prenants que doivent déjà résoudre les victimes.
Plusieurs d’entre vous s’en souviennent certainement, cette question avait été évoquée ici même lors du débat sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
À l’époque, je vous avais indiqué que la proposition de dépaysement de la procédure n’avait pas atteint une maturité suffisante pour être introduite dans la loi.
Entre-temps, nous avons travaillé sur le sujet, comme nous nous y étions engagés. En particulier, une directive générale sur cette question a été envoyée aux établissements universitaires le 25 novembre dernier.
J’estime que cet amendement est une bonne chose. Je suis favorable à ce que, en matière de harcèlement, on mette en œuvre, avec ce dépaysement, les mêmes exigences de rigueur et de fermeté dans les procédures disciplinaires que dans les procédures pénales.
Quant à la rédaction, madame la rapporteur, elle pourra être affinée lors de la navette.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Je soutiens l’analyse qui vient d’être faite par Mme la ministre : nous disposons de temps puisque la navette n’en est qu’à ses débuts.
Nous savons ce que peuvent être les relations entre collègues. Si l’on veut garantir un regard impartial face à une accusation de harcèlement, le dépaysement me semble être une très bonne solution.
Je souhaite donc que, à ce stade de la discussion, nous adoptions cet amendement, quitte à ce que les problèmes juridiques évoqués par la commission des lois soient résolus lors de la navette.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mmes Dini et Jouanno, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 7 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« L’action publique des crimes mentionnés à l’article 706-47 du présent code et le crime prévu par l’article 222-10 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, et des crimes prévus aux articles 222-23 à 222-26 et 222-31-2 du code pénal, est imprescriptible. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Monsieur le président, si vous me le permettez, j’aimerais défendre en même temps les amendements n° 40 rectifié et 42 rectifié, afin de mieux développer mon propos.
J’appelle donc en discussion les deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes Dini et Jouanno, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 8 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Après les mots : « l’action publique », les mots : « des délits mentionnés à l’article 706-47 et commis contre des mineurs est de dix ans ; celui » sont supprimés ;
b) Après la référence : « 222-12 », la référence : «, 222-30 » est supprimée ;
3° Après le deuxième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique des délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code et des délits prévus aux articles 222-28 à 222-31-2, 227-25 à 227-27 du code pénal, est imprescriptible ».
L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes Dini et Jouanno, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 8 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En dehors des cas prévus au précédent alinéa, le délai de prescription de l’action publique des délits définis aux articles 222-28 à 222-31 du code pénal est de dix ans ».
Vous avez la parole pour présenter ces trois amendements, ma chère collègue.
Le 26 octobre 2011, j’ai déposé une proposition de loi modifiant le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles autres que le viol. Elle a été examinée en séance publique par la Haute Assemblée le 19 janvier 2012 et a été rejetée. L’argument avancé était notre code pénal et la classification qu’il établit des infractions sexuelles, de leurs incriminations et de leurs sanctions.
Il est vrai que le code pénal distingue deux catégories d’agressions sexuelles : le viol, qui est un crime, et les autres agressions sexuelles, qui sont des délits.
Les victimes d’agressions sexuelles hurlent leur souffrance, nous parlent de leur traumatisme, de leur vie à jamais dévastée. Et nous, nous brandissons le code pénal et ses classifications !
Tous les responsables associatifs intervenant auprès de ces victimes soulignent que la différenciation entre viol, tentative de viol et agression sexuelle reflète, de façon artificielle, la réalité vécue par la victime. Et nous, nous brandissons le code pénal et ses classifications !
Tous les thérapeutes insistent sur les symptômes du traumatisme psychique consécutif à des violences sexuelles, agression ou viol, semblables à ceux issus d’un événement qui confronte à la réalité de la mort. Et nous, nous brandissons le code pénal et ses classifications !
Les psychiatres et psychologues décrivent ce ressenti immédiat d’effroi dû à la confrontation avec la mort, ce sentiment d’abandon, cette dissociation, cette sidération... Et nous, nous brandissons toujours le code pénal et ses classifications !
Aujourd’hui, mes chers collègues, je vais plus loin et je défends devant vous l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels, parce qu’il s’agit bien d’un crime contre l’humanité, de par l’ampleur des victimes et de par la mort psychologique de ses dernières.
Je sais que parler de l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels irrite ou désole nos collègues membres de la commission des lois. Mais la réalité des chiffres est la suivante : une femme sur quatre et un homme sur six sont victimes de violences sexuelles au cours de leur vie. Par ailleurs, ce sont des dizaines de milliers d’enfants qui le sont tous les jours. Parler de violences sexuelles, c’est travailler avant toute chose à la protection de l’enfance, car les violences sexuelles débutent très souvent dès ce stade.
Si j’ose parler d’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels, c’est parce que les victimes éprouvent de réelles difficultés psychologiques à dénoncer les faits. Lorsqu’elles y parviennent, il est souvent trop tard.
Si j’ose parler d’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels, c’est parce qu’il est temps que les choses changent en profondeur dans notre société, parce qu’il est temps de dire stop aux violences sexuelles.
Stop aux violences sexuelles, c’est le nom d’une association avec laquelle je travaille. Plusieurs collègues, sénateurs et députés, m’y ont rejoint.
La présidente de cette association est la très dynamique docteur Violaine Guérin. Endocrinologue et gynécologue, elle voit tous les jours, dans le cadre de son activité médicale, les violences sexuelles qui sont faites aux enfants, aux femmes, aux hommes, engendrant des maladies, souvent auto-immunes.
Le docteur Guérin insiste sur le fait que de nombreux malades sont des victimes ayant activé leur potentiel auto-infectant, d’où la fréquence des maladies auto-immunes chez les personnes victimes de violences sexuelles comme l’endométriose, les dysthyroïdies auto-immunes, la maladie de Crohn, des psoriasis localisés aux parties génitales, mais aussi des cancers en lien avec les traumatismes subis – cancers gynécologiques, urologiques, ORL et ano-rectaux.
Notre projet au sein de l’association Stop aux violences sexuelles est de mettre en place une véritable stratégie d’éradication des violences sexuelles, à l’instar d’une stratégie vaccinale ou des campagnes de sécurité routière.
Dans cette stratégie, la prise en charge sanitaire des victimes revêt une importance majeure. J’ai déposé un amendement visant à ce que les victimes de crimes et agressions sexuels bénéficient d’un protocole de soins global pris en charge par l’assurance maladie. Sans surprise, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution…
L’objectif numéro un de l’association Stop aux violences sexuelles est d’organiser des assises nationales, qui se dérouleront le 13 janvier 2014 au Sénat. Elles seront le point de départ de la mise en place de la stratégie d’éradication des violences sexuelles dans notre pays, dont le docteur Guérin ne désespère pas qu'elle soit effective en 2020.
J’espère, madame la ministre, que vous nous ferez l’honneur de votre présence.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Sachez, madame Dini, que vous ne m'irritez ni ne me désolez en parlant d’imprescriptibilité. Nous partageons tous votre indignation et votre volonté de mettre fin à ces crimes. Pour ce faire, la seule carte de l'imprescriptibilité ou de l'augmentation des délais de prescription ne nous paraît malheureusement pas la bonne.
En effet, plusieurs problèmes se posent.
Tout d’abord, n’oublions pas que, en droit français, la charge de la preuve incombe à la victime.
Ensuite, toucher aux délais de prescription dans un seul domaine par voie d’amendement bouleverserait totalement l'équilibre du code pénal.
Cela étant, je profite de votre intervention pour confirmer la nécessité de nous saisir de cette question. Peut-être conviendrait-il de créer un groupe de travail, en intégrant notamment la réflexion que vous menez avec l'association que vous avez citée, pour l’aborder de façon beaucoup plus large.
Quoi qu’il en soit, malgré mon envie de retenir vos amendements, la commission des lois y reste, à ce stade, défavorable.
Je voudrais saluer votre constance, madame Dini, sur un sujet qui, je le sais, vous tient à cœur. Reste que je ne peux vous répondre autrement que Mme la rapporteur, et ce pour plusieurs raisons.
Dans la dernière loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice, qui a été adoptée, ici, au Sénat, nous avons fait en sorte que les agressions sexuelles contre les mineurs soient davantage réprimées, avec le souci que ces crimes se voient appliquer un délai de prescription de vingt ans qui court à partir de la majorité de la victime.
En outre, dans notre droit pénal, l'imprescriptibilité n’est prévue qu’en matière de crime contre l'humanité. Or il ne me paraît pas possible, dans le cadre de ce projet de loi, d’étendre le champ d'application de cette règle exceptionnelle.
J’ai entendu la fin de votre propos sur la nécessité d'adopter des mesures nous permettant de mieux accompagner les victimes sur le plan tant sanitaire que psychologique. Même si l’amendement que vous aviez déposé a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, je vous confirme que je suis intéressée par ce sujet sur lequel je reviendrai devant l’Assemblée nationale ; nous préparons en effet un certain nombre de dispositions pour assurer une meilleure prise en charge sanitaire et psychologique des victimes, aussi bien majeures que mineures.
Au bénéfice de ces explications, j’espère que vous accepterez de retirer ces amendements. À défaut, j’y serai défavorable.
Madame Dini, les amendements n° 41 rectifié, 40 rectifié et 42 rectifié sont-ils maintenus ?
Je ne m'attendais pas à recueillir aujourd’hui un avis favorable. Mon intention était simplement de rappeler à quel point le sujet est important et grave. J’espère tout de même que nous arriverons assez rapidement à l'imprescriptibilité pour les violences sexuelles, les viols et les agressions sexuelles. Je rappelle que d'autres pays d'Europe n’ont pas hésité à prendre cette décision, et leur conception n’est pas différente de la nôtre : les crimes raciaux sont également considérés comme des crimes contre l'humanité dans leur législation.
Ces crimes touchent énormément de monde chez nous, et même si les personnes agressées sexuellement ou violées ne sont pas physiquement mortes, elles peuvent être mortes dans leur tête ! Ce point est donc extrêmement important pour la vie sociale et sociétale de nos concitoyens.
En tout cas, je remercie Mme la ministre d'avoir entendu mon propos sur l'association. Je comprends que nous ne puissions adopter ces dispositions à l’occasion du présent projet de loi, mais j’espère que nous pourrons revenir sur ce sujet dans un autre cadre. En attendant, je retire mes amendements.
Les amendements n° 41 rectifié, 40 rectifié et 42 rectifié sont retirés.
Au premier alinéa de l’article 222-33-3 du code pénal, après les mots « à 222-31 », est insérée la référence : «, 222-33 ». –
Adopté.
Avant le dernier alinéa de l’article L. 114-3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un k ainsi rédigé :
« k) Des actions de sensibilisation et de prévention concernant les violences faites aux femmes handicapées. » –
Adopté.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Cohen, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 313-12, à la première phrase du premier alinéa des articles L. 316-1 et L. 316-3 et à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « menace », il est inséré le mot : « grave ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La délégation aux droits des femmes souhaite rendre plus systématique la délivrance ou le renouvellement par l’autorité administrative d’un titre de séjour à la personne étrangère qui bénéficie d’une ordonnance de protection.
Actuellement, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ne peut être délivrée à la personne étrangère qu’à la condition que sa présence ne constitue pas une menace à l’ordre public. Or cette notion, parfois interprétée de façon extensive, a pu justifier des refus abusifs. Aussi notre délégation a-t-elle recommandé que la délivrance ou le renouvellement de ces titres ne puissent plus être refusés à la personne étrangère bénéficiaire d’une ordonnance de protection qu’en cas de menace « grave » à l’ordre public.
Cette condition d’une menace grave à l’ordre public est en effet celle qui est exigée pour l’expulsion d’un étranger par l’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Le présent amendement vise ainsi à apporter une traduction législative à la recommandation n° 26 de notre rapport d'information.
La commission des lois, assez constante dans ses avis, trouverait là encore hasardeux de bouleverser l’équilibre juridique par voie d'amendement.
En droit français, notamment dans le CESEDA, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notion de « menace à l'ordre public » est très présente.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
Nous sommes évidemment très attentifs à l'effectivité du droit au séjour des femmes étrangères victimes de violences. Cependant, nous ne pouvons remettre un titre de séjour à une personne dont la présence en France représente une menace pour l'ordre public. Je crois que c'est un principe que tout le monde peut comprendre.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
La notion de menace à l'ordre public est floue. Un peu de prostitution, un peu de deal, tout cela peut suffire à caractériser une menace à l'ordre public. C'est ce que j’appelle des refus abusifs. C'est la raison pour laquelle nous voulons aligner les conditions sur celles exigées pour l’expulsion d'un étranger.
Le rapport Geoffroy-Bousquet signale des divergences d'application de la loi de 2010 entre préfectures « dans l’articulation entre la délivrance d’une ordonnance de protection et celle d’un titre de séjour ». On sait même que certaines préfectures forment des recours contre des jugements ayant accordé des titres de séjour.
Je voudrais être certain que de telles pratiques n’existent plus depuis l'instruction du 9 septembre 2011, mais j’ai quelques doutes. C’est pourquoi je partage les préoccupations de Mme Gonthier-Maurin. D'ailleurs, je reviendrai sur le sujet en défendant un amendement concernant la formation des intervenants, notamment des personnels de préfecture.
M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Patrick Courtois au fauteuil de la présidence.
Je voudrais apporter quelques précisions afin de dissiper certaines inquiétudes.
Tout d’abord, les juges ne sont pas des machines. On aura beau faire tous les textes législatifs que l’on voudra, des différences d'appréciation subsisteront toujours. Je réponds ainsi à M. Courteau qui soulignait l'existence de ces différences.
Deux juges pourront toujours interpréter le terme « grave » de deux façons différentes.
Ensuite, il existe aujourd’hui une jurisprudence administrative.
Enfin, la situation d'un étranger que l'on expulse n’est pas juridiquement comparable à celle d'une femme qui demande un titre de séjour parce qu'elle est menacée.
La commission des lois maintient donc son avis défavorable.
C'est vrai, monsieur Courteau, le rapport Geoffroy-Bousquet et d'autres rapports ont dressé un état des lieux préoccupant sur les divergences d'interprétation des préfectures quant à la gravité des violences subies par des femmes étrangères qui venaient leur demander un titre de séjour.
Nous sommes conscients de cette situation. C'est pourquoi, lorsque nous aborderons l'article du projet de loi portant sur la formation systématique des professionnels amenés à être au contact d'une femme victime de violence, nous avons décidé d'adjoindre à la liste de ces professionnels les personnels en charge de l'accueil dans les préfectures.
C'est un élément important pour que ces personnels connaissent l'existence de l'ordonnance de protection, ce qu’elle signifie et les mesures de protection qui lui sont assorties en termes de droit des étrangers.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par un article L. 311-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-17. – La délivrance et le renouvellement d’un titre de séjour aux étrangers mentionnés aux deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa de l’article L. 313-12, aux articles L. 316-1, L. 316-3, L. 316-4 ou au dernier alinéa de l’article L. 431-2 sont exonérés de la perception des taxes prévues aux articles L. 311-13 et L. 311-14 et du droit de timbre prévu à l’article L. 311-16. »
II. –
Non modifié
III. – Après l'article 6-8 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il est inséré un article 6-9 ainsi rédigé :
« Art. 6-9. – La délivrance et le renouvellement d'un titre de séjour aux étrangers mentionnés au huitième alinéa de l'article 16, aux articles 16-1 à 16-4, ou aux quatrième et dernier alinéas du IV de l'article 42 sont exonérés de la perception du droit de timbre prévu à l'article 6-8. »
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 23 rectifié est présenté par M. Milon et Mme Kammermann.
L'amendement n° 150 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 165 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I.- Alinéa 2
Après la référence :
L. 316-4
insérer les références :
L. 313-11-6, L. 313-14
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Christiane Kammermann, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.
L’article 14 du projet de loi introduit un nouvel article L. 311-17 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour que les victimes de violences conjugales et les victimes de la traite des êtres humains soient dispensées des taxes et droits de timbre liés au séjour.
Si cet article, qui représente une avancée pour les personnes étrangères, prévoit la suppression de ces taxes pour ces personnes, le projet de loi avait pour ambition de compléter l'arsenal juridique de protection des femmes victimes de violences, notamment contre les violences sexuelles, le mariage forcé ou les mutilations sexuelles. Il serait dommage de cantonner les violences aux seules violences conjugales et à la traite des êtres humains.
Si, pour l’instant, il n’existe pas d’autres dispositions spécifiques dans le CESEDA, certains articles permettent à des personnes victimes de violences de prétendre à une carte de séjour ; il s’agit notamment de l’article L. 313-14 du CESEDA, qui permet, dans des situations exceptionnelles ou relevant de considérations humanitaires, telles que les violences sexuelles ou les mutilations, de prétendre à cette carte de séjour.
Par ailleurs, dans la pratique, nombreuses sont les préfectures qui décident de délivrer une carte de séjour, non pas sur le fondement de l’article L. 316-3 du CESEDA – l'ordonnance de protection –, mais sur le fait d’être parent d’un enfant français.
Cet amendement permettrait d’élargir à ces cas les cartes de séjour exonérées de taxes et ainsi de mieux protéger les personnes étrangères en situation indigente.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour présenter l'amendement n° 150.
L’article 14 du projet de loi introduit un nouvel article L. 311-17 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour que les victimes de violences conjugales et les victimes de la traite des êtres humains soient dispensées des taxes et droits de timbre liés au séjour.
Si cet article, qui représente une avancée réelle pour les personnes étrangères, prévoit la suppression de ces taxes pour ces personnes, le projet de loi avait pour ambition de compléter l’arsenal juridique de protection des femmes victimes de violences, notamment contre les violences sexuelles, le mariage forcé ou les mutilations sexuelles. Il serait dommage de cantonner les violences aux seules violences conjugales et à la traite des êtres humains.
S’il n’existe pas, pour l’instant, de dispositions spécifiques dans le CESEDA, certains de ses articles permettent toutefois à des personnes victimes de violences de pouvoir prétendre à une carte de séjour. Je citerai notamment l’article L. 313-14 du CESEDA, qui permet, dans des situations exceptionnelles ou relevant de considérations humanitaires, telles que les violences sexuelles et les mutilations, de prétendre à une carte de séjour.
Par ailleurs, dans la pratique, nombreuses sont les préfectures qui décident de délivrer une carte de séjour, non pas en se fondant sur l’article L. 316-3 du CESEDA – donc, sur l’ordonnance de protection –, mais sur le fait d’être parent d’un enfant français, conformément à l’article L. 313-11-6 du CESEDA.
Cet amendement, que nous avons travaillé avec la CIMADE, permettrait d’élargir les cartes de séjour exonérées de taxes et, ainsi, de mieux protéger les personnes étrangères en situation indigente.
La parole est à Mme Ester Benbassa, pour présenter l’amendement n° 165.
Mon amendement rejoint celui de M. Le Scouarnec, à quelques nuances près ; je ne répéterai donc pas son argumentaire.
L’article 14 constitue, il est vrai, une avancée. Son dispositif prend en considération les violences conjugales et celles qui sont liées à la traite des êtres humains. Mais qu’en est-il des violences sexuelles, des mariages forcés et des mutilations sexuelles ? Je me demande aussi pourquoi on ne pourrait pas élargir les possibilités de dispense à d’autres titres de séjour, afin que les personnes étrangères en situation indigente soient mieux protégées.
L'amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage, Meunier, Emery-Dumas et Bonnefoy, MM. Rainaud et Kerdraon, Mme Printz, MM. Leconte, J. Gillot et Godefroy, Mmes Campion, Alquier, Blondin et Bourzai et MM. Yung, Antiste, Desplan et Le Menn, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2
Après les références :
L. 316-1, L. 316-3, L. 316-4
insérer la référence :
, L. 313-14
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mon amendement porte sur le même sujet, et je me félicite de l’introduction du nouvel article L. 311-17 dans le CESEDA, car il représente une réelle avancée pour les victimes de violences conjugales et de la traite des êtres humains.
Au moment de demander leur titre de séjour, le paiement de la taxe de primo-délivrance de 260 euros constitue assurément un frein énorme pour ces femmes souvent plongées dans une grande détresse financière en plus de leur détresse morale. Il me semble toutefois juridiquement cohérent et humainement légitime de ne pas cantonner cette exonération aux seules victimes de violences conjugales et de traite des êtres humains.
Les violences sexuelles, les mariages forcés ou les mutilations sexuelles peuvent, bien évidemment, intervenir hors du cadre conjugal. Aussi importe-t-il de viser également l’article L. 313-14 du CESEDA, qui permet de délivrer une carte de séjour à une personne dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’elle fait valoir, tels que des violences sexuelles ou des mutilations.
Sans être hostile sur le fond à ces quatre amendements – bien au contraire –, mais ne sachant estimer si le budget de l’État pourra assimiler cette dépense supplémentaire, ou plutôt cette non-recette, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
L’avis est défavorable, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, on ne peut pas mettre toutes les situations sur le même plan. Nous parlons là de femmes victimes de violence. Il est donc difficile de faire bénéficier des personnes n’étant absolument pas dans la même situation des mêmes exonérations.
Ensuite, j’ai du mal à voir le lien entre ces amendements et l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est le cœur du projet de loi.
Enfin, l’incidence budgétaire de ces amendements n’a pas été évaluée, et elle serait sans doute assez substantielle.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 23 rectifié, 150 et 165.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 14 est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 153, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° L'article L. 313-12 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : « peut en accorder » sont remplacés par les mots : « en accorde » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, l’autorité administrative accorde, dans les plus brefs délais, la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour de l’étranger, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin » ;
2° La deuxième phrase du dernier alinéa de l'article L. 431-2, les mots : « peut en accorder » sont remplacés par les mots : « en accorde ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
L’autorité administrative doit délivrer le premier titre de séjour d’une personne dont la communauté de vie a été rompue à la suite de violences conjugales, conformément aux articles L. 313-12, alinéa 2, et L. 431-2, alinéa 4, du CESEDA. Cette autorité a également la faculté de renouveler ce titre de séjour. Il s’agit donc d’une délivrance de plein droit pour le premier titre de séjour et d’un renouvellement laissé à l’appréciation du préfet.
Ces articles concernent certaines personnes mariées. Sont exclues de fait les personnes qui vivent en concubinage ou pacsées, celles qui ne sont pas mariées avec un Français ou qui ne sont pas entrées via le regroupement familial, comme les conjoints de réfugiés ou les conjoints de communautaires, qui peuvent malgré tout vivre une vie de couple pleine et entière.
La loi du 9 juillet 2010 a représenté une avancée puisque l’ordonnance de protection est une mesure qui a été ouverte à toute personne victime de violences, quels que soient son « statut marital » et sa situation administrative. Or certaines personnes victimes de violences, pour s’être mises à l’abri, ne sont pas ou plus en mesure de demander une ordonnance de protection.
Pour continuer d’améliorer la protection des personnes victimes de violences, il est essentiel de combler un vide juridique en proposant une nouvelle rédaction qui permettrait d’inclure dans ce dispositif législatif toute personne victime de violences au sein du couple qui ne serait pas en mesure de demander une ordonnance de protection.
C’est ce à quoi nous invite cet amendement, travaillé là encore, avec les différentes associations.
L'amendement n° 26 rectifié bis, présenté par M. Milon et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 313-12, les mots : « peut en accorder » sont remplacés par les mots : « en accorde » ;
2° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 431-2, les mots : « peut en accorder » sont remplacés par les mots : « en accorde ».
La parole est à Mme Christiane Kammermann.
L'autorité administrative doit délivrer le premier titre de séjour d’une personne dont la communauté de vie a été rompue à la suite de violences conjugales, conformément à l’article L. 313-12, alinéa 2, et L. 431-2, alinéa 4, du CESEDA. Cette autorité a également la faculté de renouveler ce titre de séjour. Il s’agit donc d’une délivrance de plein droit pour le premier titre de séjour et d’un renouvellement laissé à l’appréciation du préfet.
Ces articles concernent certaines personnes mariées. Sont exclues de fait les personnes vivant en concubinage ou pacsées, celles qui ne sont pas mariées avec un Français ou qui ne sont pas entrées via le regroupement familial, comme les conjoints de réfugiés ou les conjoints de communautaires.
La loi du 9 juillet 2010 a représenté une avancée, puisque l’ordonnance de protection est une mesure qui a été ouverte à toute personne victime de violences, quels que soient son « statut marital » et sa situation administrative. Or certaines personnes victimes de violences, pour s’être mises à l’abri, ne sont pas ou plus en mesure de demander une ordonnance de protection.
Pour continuer à améliorer la protection des personnes victimes de violences, il est essentiel de combler un vide juridique en proposant une nouvelle rédaction qui permettrait d’inclure dans ce dispositif législatif toute personne victime de violences au sein du couple qui ne serait pas en mesure de demander une ordonnance de protection.
L'amendement n° 156, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut en accorder » sont remplacés par les mots : « en accorde ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement et l’amendement n° 157, qui viendra ensuite en discussion, poursuivent le même objectif : une meilleure protection des personnes, en particulier des femmes étrangères victimes de violences.
Le projet de loi me paraît être le parfait véhicule pour compléter l’arsenal juridique existant. En l’état actuel du droit, comme l’on dit mes deux collègues, l’autorité administrative a la faculté de renouveler le titre de séjour d’une personne étrangère victime de violences conjugales qui a cessé de cohabiter avec son conjoint.
Le présent amendement a pour objet de transformer cette faculté en obligation et, donc, de ne pas laisser le renouvellement à la seule appréciation du préfet.
L'amendement n° 157, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut en accorder » sont remplacés par les mots : « en accorde ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Il s’agit d’un amendement de coordination relatif à l'octroi de la carte de séjour dans le cadre du regroupement familial.
Souvent femme varie, mais pas la commission des lois, qui souhaite laisser le pouvoir d’appréciation à l’autorité administrative, quel que soit le sujet. En conséquence, toute disposition qui transforme une faculté en une obligation a reçu un avis défavorable.
Tout comme la commission des lois, le Gouvernement pense qu’il ne faut pas imposer de compétence liée. Ce serait, là encore, trop rigidifier le droit. Le pouvoir d’appréciation de l’administration est nécessaire, dans la mesure où les éléments de faits peuvent varier.
Par ailleurs, je tiens à préciser que toute femme victime de violences a droit à une ordonnance de protection, qu’elle soit mariée, en concubinage ou pacsée, qu’elle soit en situation régulière ou non, étrangère ou pas. La délivrance d’une ordonnance de protection n’est donc nullement liée à la situation maritale.
Quant au fait de réserver l’exonération des droits de timbre sur la délivrance d’un titre de séjour aux femmes mariées, il est lié à un constat que nous avons fait sur le terrain : c’est pour éviter un chantage au sein des couples mariés. Nous parlons là de la situation d’une femme qui n’est présente sur le territoire français que parce qu’elle prétend à un titre de séjour en raison de son mariage avec son bourreau, si je puis dire. Pour lui permettre de sortir de cette situation sans avoir à hésiter entre la peste et le choléra, il faut lui faciliter l’accès à ce titre sans frein économique. Voilà pourquoi les femmes qui ne sont pas mariées ne sont pas couvertes par ce dispositif.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Lepage, Meunier et Emery-Dumas, MM. Rainaud et Kerdraon, Mme Printz, MM. Leconte, J. Gillot et Godefroy, Mmes Campion, Alquier, Blondin et M. André, MM. Antiste, Desplan, Le Menn et Yung et Mmes Bonnefoy et Bourzai, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale doit être délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, ou signale aux services de police et de gendarmerie le fait d’être victime d’une telle infraction. La condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. »
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Je crois savoir le sort qui sera réservé à mon amendement...
En l’état actuel du droit, les personnes victimes de la traite des êtres humains peuvent se voir délivrer une carte de séjour, à condition de déposer plainte ou de témoigner dans une procédure pénale. Cette condition est en pratique très limitative. En effet, nombre de personnes, pourtant en danger, hésiteront très légitimement à porter plainte ou à témoigner par peur de représailles sur elle-même ou sur leurs proches, d’autant qu’aucune protection n’est envisagée.
De surcroît, une circulaire du 5 février 2009 prévoit déjà la possibilité « d’envisager la délivrance à ces victimes d’un titre de séjour en dérogeant à l’obligation de témoignage ou de dépôt de plainte ». Cet amendement s’en inspire pour prévoir, dans la loi, la délivrance d’un titre de séjour qui ne soit pas conditionné par le dépôt d’une plainte ou d’un témoignage lorsqu’il met la victime et sa famille en danger.
L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Milon et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifiée :
1° Les mots : « peut être » sont remplacés par les mots : « doit être » ;
2° Après les mots : « ces mêmes infractions », sont insérés les mots : «, ou signale aux services de police et de gendarmerie le fait d'être victime d'une telle infraction ».
La parole est à Mme Christiane Kammermann.
En l’état actuel du droit, les personnes victimes de la traite des êtres humains peuvent se voir délivrer une carte de séjour à condition de déposer plainte ou de témoigner dans une procédure pénale. Deux problèmes se posent alors : la nécessité de déposer plainte ou de témoigner – risque de représailles et aucune protection garantie – et le pouvoir discrétionnaire du préfet, très variable d’une préfecture à l’autre.
Une circulaire du 5 février 2009, qui prévoit notamment la possibilité « d’envisager la délivrance à ces victimes d’un titre de séjour en dérogeant à l’obligation de témoignage ou de dépôt de plainte », avait ainsi anticipé ces difficultés mais elle est caduque, car elle n’est pas publiée sur le site www.circulaire.gouv.fr.
Un amendement s’inspirant de cette circulaire pourrait prévoir la délivrance d’un titre de séjour qui ne soit pas conditionné par le dépôt d’une plainte ou d’un témoignage lorsqu’il mettrait la victime et sa famille en danger.
L'amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « définitive » est supprimé ;
b) Les mots : « peut-être » sont remplacés par le mot : « est » ;
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale peut-être délivrée, après avis d'une commission départementale, à l'étranger pour qui il existe des motifs raisonnables de croire qu'il pourrait avoir été victime de la traite des êtres humains ou de proxénétisme. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
« Sauf si leur présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale peut également être délivrée aux membres de la famille des personnes mentionnées au premier alinéa, lorsque leur plainte ou leur témoignage est susceptible d'entraîner des menaces graves pour leur sécurité. »
II. – À la seconde phrase de l'article L. 316-2 du même code, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier, troisième et quatrième alinéas ».
La parole est à Mme Muguette Dini.
Cet amendement vise à faciliter l'accès à un titre de séjour pour les personnes étrangères victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme, afin de permettre le rétablissement de ces personnes dans leurs droits. L'accès à un titre de séjour conditionne en effet l'exercice de nombreux autres droits.
Le 1° prévoit que le titre de séjour délivré sur le fondement de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux victimes qui témoignent ou portent plainte pour les infractions de traite ou de proxénétisme soit renouvelé de plein droit jusqu'à la fin de la procédure.
Il existe actuellement un sérieux problème dans l’efficacité de notre dispositif : on compte en effet 20 000 prostitués de rue, qui génèrent un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros par an, dont 90 % sont victimes de la traite, selon le responsable de la brigade parisienne de répression du proxénétisme. Or, en 2009, sur 465 personnes mises en cause, aucune n’a été condamnée, car les victimes ne témoignent pas, par crainte des représailles.
C’est ainsi que le 2° vise à faciliter la délivrance d'une carte de résident lorsque l'auteur des faits a été condamné par la justice. Il fait de cette délivrance une obligation pour le préfet et supprime la condition tenant au fait que la condamnation de l'auteur soit définitive. Dès lors, une condamnation en première instance serait suffisante pour l'octroi d'une carte de résident, afin que la durée de la procédure ne soit pas excessivement longue pour ces femmes victimes de traite.
Enfin, le 3° ouvre deux nouveaux cas de délivrance d'un titre de séjour « vie privée et familiale ».
Le premier concerne les personnes pour qui il existe des « motifs raisonnables de croire » qu'elles pourraient avoir été victimes de traite et de proxénétisme. En effet, les accords internationaux auxquels la France est partie prévoient que l'aide apportée aux victimes n'est pas conditionnée au dépôt d'une plainte ou à leur témoignage dans une procédure pénale. Il est donc nécessaire de prévoir une procédure de délivrance d'un titre de séjour aux personnes pour lesquelles tout laisse à penser qu'elles sont effectivement victimes mais qui ne souhaitent pas, en tout cas dans un premier temps, collaborer avec la justice, notamment par crainte de représailles contre elles ou contre leur famille restée au pays.
Le second cas de délivrance d'un titre de séjour vise les membres de la famille des victimes de traite qui souhaitent collaborer avec la justice mais dont la plainte ou le témoignage ferait courir des risques importants pour la sécurité de ces derniers dans leur pays d'origine. Il est prévu de donner au préfet la possibilité de délivrer un titre de séjour aux membres de leur famille potentiellement menacés, notamment afin de faciliter leur collaboration avec la justice.
L'amendement n° 158, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après les mots : « délivrée à l'étranger qui », sont insérés les mots : « témoigne auprès des autorités ou ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement rejoint sur plusieurs points celui de Mme Kammermann. Pour être brève, je dirai donc que, en l’état actuel du droit, la personne étrangère violentée, pour se voir accorder un titre de séjour, doit porter plainte ou témoigner dans le cadre d’une procédure pénale. Nous souhaitons assouplir cette condition, en introduisant la notion de « témoignage auprès des autorités ».
La position de la commission est toujours la même : ne pas créer une obligation. Elle a donc émis un avis défavorable sur les amendements n° 35 rectifié et 28 rectifié bis.
Concernant l’amendement n° 70 rectifié, le 1° du paragraphe I visant le renouvellement des titres de séjour pendant toute la durée de la procédure pénale nous a semblé logique et cohérent. Sur le reste de l’amendement, le terme « définitive » pour une condamnation ne nous paraît pas devoir être retiré du projet de loi et les autres mesures contreviennent à la position constante de la commission. Par conséquent, si vous acceptez de rectifier votre amendement pour ne conserver que la première partie, madame Dini, la commission y sera favorable ; à défaut, elle demandera un vote par division.
Pour ce qui est de l’amendement n° 158, la commission a émis un avis défavorable en raison de l’incertitude des termes « des autorités », conformément à la position qu’elle avait prise en juillet. La navette parlementaire devrait permettre d’améliorer la rédaction du texte et peut-être de parvenir à un accord.
Je rappelle que mon ministère mène actuellement un travail dans le cadre d’une action interministérielle sur la question de la lutte contre la traite des êtres humains, dont les conclusions seront présentées à l’automne. Un certain nombre de questions pourront donc être réglées dans ce cadre-là.
De manière générale, vous avez raison de souligner que les victimes de la traite rencontrent certaines difficultés lorsqu’elles sont en situation irrégulière sur le territoire. Nous tâcherons d’y apporter les bonnes réponses. Le problème, c’est que l’adoption des amendements n° 35 rectifié et 28 rectifié bis conduirait à la délivrance de plein droit d’une carte de séjour à tout étranger qui témoignerait dans une affaire de traite d’être humain ou qui signalerait de tels faits à la police, que ces faits soient avérés ou non. Il me paraît difficile de lier ainsi la compétence du préfet et de le priver de toute marge d’appréciation. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
J’en viens à l'amendement n° 70 rectifié. Nous avons déjà eu cet échange au mois de mars dernier lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Benbassa visant à l’abrogation du délit de racolage public. Le 1° du I de l’amendement visant à préciser les conditions de renouvellement du titre de séjour délivré en application de l’article L. 316-1 me semble combler un manque ; le Gouvernement y est donc favorable.
En revanche, il est défavorable au 2° du I, qui lie la compétence du préfet pour la délivrance d’une carte de résident, alors même que la condamnation de l’auteur des infractions ne serait pas définitive. Cette mesure semble contradictoire avec la stabilité du séjour conféré par la carte de résident. En outre, la délivrance d’une carte de résident, je le répète, doit rester une faculté du préfet et non une compétence liée, puisque c’est au préfet qu’il revient de s’assurer des conditions d’intégration ou de ressources qui sont demandées.
Le Gouvernement est également défavorable au 3° de l’amendement, qui tend à ouvrir une procédure que nous jugeons complexe de régularisation supplémentaire et dont l’impact budgétaire ne serait pas neutre. Cela étant dit, je rappelle que le préfet dispose en tout état de cause de la possibilité de procéder à des régularisations pour des motifs humanitaires.
Si vous acceptez de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission, madame Dini, nous lui donnerons un avis favorable.
Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 158, la notion d’« autorités » habilitées à recevoir des témoignages pose effectivement problème puisque seules les autorités judiciaires peuvent recevoir des témoignages ; les autorités administratives ne peuvent recevoir que des déclarations, qui n’ont pas la même valeur juridique ni la même contribution au démantèlement des filières et des réseaux criminels. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14, et l'amendement n° 28 rectifié bis n’a plus d’objet.
L'amendement n° 70 rectifié devient-il également sans objet, madame la rapporteur ?
Madame Dini, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission et le Gouvernement ?
Je remercie Mme la rapporteur et Mme la ministre de l’avis favorable qu’elles ont émis sur le 1° du I de l’amendement. Je regrette cependant que nous n’ayons pas pu obtenir un accord sur le 2°. La première condamnation, qui intervient déjà dans un délai assez long, peut être suivie d’un appel. Durant cette période de recours, qui peut durer très longtemps, la victime est tout de même dans une situation extrêmement précaire.
Quoi qu’il en soit, je rectifie mon amendement afin de n’en conserver que la première partie.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 70 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, et ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. »
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14, et l’amendement n° 158 n’a plus d’objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27 rectifié bis, présenté par M. Milon et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au chapitre VI du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est créé un article L. 316-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 316-5. - Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefsdélais une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à l'étranger victime de violences, exercées dans l’espace public, sur le lieu du travail, au sein de la famille, ou au sein du couple ou à la personne étrangère menacée de mariage forcé ou de mutilation sexuelle et aux personnes victimes des infractions visées à l’article 225-4-1 du code pénal si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours. »
La parole est à Mme Christiane Kammermann.
Dans le CESEDA, il existe des dispositions permettant la délivrance et le renouvellement de cartes de séjour pour les conjoints victimes de violences conjugales, les bénéficiaires d’une ordonnance de protection et les personnes victimes de traite des êtres humains qui portent plainte ou témoignent.
Sont exclues de ces dispositifs les personnes victimes de violences exercées dans l’espace public, sur le lieu du travail ou au sein de la famille. Afin de promouvoir l’égalité et la protection de toutes et de tous, il serait pertinent de créer un article dans le CESEDA pour ces situations lorsque la personne est partie prenante à une procédure civile ou pénale liée aux violences.
L'amendement n° 34 rectifié bis, présenté par Mme Lepage, MM. Yung, Le Menn, Desplan et Antiste, Mme M. André, MM. Kerdraon et Rainaud, Mmes Meunier et Printz, M. Leconte, Mmes Bonnefoy, Emery-Dumas, Blondin, Bourzai, Alquier et Campion et MM. Godefroy et J. Gillot, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VI du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 316-… ainsi rédigé :
« Art. L. 316-… – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à la personne étrangère menacée de mariage forcé ou de mutilation sexuelle et aux personnes victimes des infractions visées à l’article 225-4-1 du code pénal si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours. »
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Pour les raisons que j’ai déjà évoquées précédemment, il me semble tout aussi cohérent et légitime de ne pas limiter la délivrance et le renouvellement de cartes de séjour aux seuls conjoints ou ex-conjoints victimes de violences conjugales, aux bénéficiaires d'une ordonnance de protection et aux personnes victimes de traite des êtres humains qui portent plainte ou témoignent.
Dans le cadre de ce projet de loi, qui a vocation à protéger toutes les personnes, le plus souvent féminines, victimes en raison de leur sexe, il importe d’étendre la délivrance de cartes de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux personnes menacées de mariage forcé ou de mutilation sexuelle, ainsi qu’aux victimes de la traite des êtres humains, dès lors qu’une procédure judiciaire est en cours, même si ces violences s’exercent hors du cadre conjugal.
L'amendement n° 167, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VI du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 316-… - Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à l'étranger victime de violences, exercées dans l’espace public, sur le lieu du travail, au sein de la famille, ou au sein du couple ou à la personne étrangère menacée de mariage forcé ou de mutilation sexuelle et aux personnes victimes des infractions visées à l’article 225-4-1 du code pénal si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Ces trois amendements se rejoignent et témoignent de la nécessité de réformer le CESEDA. Il serait bon d’ailleurs d’assurer une certaine cohérence dans sa réécriture – vous nous avez annoncé que vous travailliez en liaison avec d’autres ministères, madame la ministre –, en particulier pour les mesures qui concernent les femmes victimes de violence.
Le présent amendement a pour objet d'élargir les possibilités de délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes victimes de violences exercées dans l’espace public, sur le lieu de travail ou au sein de la famille, lorsque la personne est partie prenante à une procédure civile ou pénale liée aux violences.
Il s’agit en fait d’assurer que toutes les victimes de violences bénéficient de la même protection, y compris les personnes étrangères.
La faculté de délivrer des cartes de séjour temporaire pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels existe déjà et s’applique aux personnes étrangères qui déposent plainte ou témoignent dans le cadre d’une procédure pénale relative à la traite des êtres humains. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
J’appelle l’attention de la Haute Assemblée sur le fait que nous risquons, par voie d’amendements, de déséquilibrer quelque peu le CESEDA. Si ce dernier a certes besoin d’être réformé, sans doute vaut-il mieux prendre le temps d’examiner plus à fond les conséquences des décisions envisagées, afin d’éviter tout risque de détournement de procédure.
S’il peut être légitime de s’interroger sur l’actualisation du CESEDA, le projet de loi que nous examinons n’est pas le cadre approprié pour ce faire. Je vous appelle même à être très attentifs à l’injonction qui serait faite de remettre des titres de séjour dans des cas de violences non caractérisées, hors du cadre conjugal, comme le proposent les auteurs de l’un de ces amendements. Ce dispositif pourrait, par exemple, conduire le préfet à régulariser des étrangers qui se seraient battus entre eux.
Cela n’a aucun sens, il faut rester dans le cadre du texte de loi que nous examinons, c’est-à-dire la lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier dans un contexte conjugal. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14, et les amendements n° 34 rectifié bis et 167 n'ont plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.