Intervention de Muguette Dini

Réunion du 17 septembre 2013 à 14h30
Égalité entre les femmes et les hommes — Articles additionnels après l'article 12

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Le 26 octobre 2011, j’ai déposé une proposition de loi modifiant le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles autres que le viol. Elle a été examinée en séance publique par la Haute Assemblée le 19 janvier 2012 et a été rejetée. L’argument avancé était notre code pénal et la classification qu’il établit des infractions sexuelles, de leurs incriminations et de leurs sanctions.

Il est vrai que le code pénal distingue deux catégories d’agressions sexuelles : le viol, qui est un crime, et les autres agressions sexuelles, qui sont des délits.

Les victimes d’agressions sexuelles hurlent leur souffrance, nous parlent de leur traumatisme, de leur vie à jamais dévastée. Et nous, nous brandissons le code pénal et ses classifications !

Tous les responsables associatifs intervenant auprès de ces victimes soulignent que la différenciation entre viol, tentative de viol et agression sexuelle reflète, de façon artificielle, la réalité vécue par la victime. Et nous, nous brandissons le code pénal et ses classifications !

Tous les thérapeutes insistent sur les symptômes du traumatisme psychique consécutif à des violences sexuelles, agression ou viol, semblables à ceux issus d’un événement qui confronte à la réalité de la mort. Et nous, nous brandissons le code pénal et ses classifications !

Les psychiatres et psychologues décrivent ce ressenti immédiat d’effroi dû à la confrontation avec la mort, ce sentiment d’abandon, cette dissociation, cette sidération... Et nous, nous brandissons toujours le code pénal et ses classifications !

Aujourd’hui, mes chers collègues, je vais plus loin et je défends devant vous l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels, parce qu’il s’agit bien d’un crime contre l’humanité, de par l’ampleur des victimes et de par la mort psychologique de ses dernières.

Je sais que parler de l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels irrite ou désole nos collègues membres de la commission des lois. Mais la réalité des chiffres est la suivante : une femme sur quatre et un homme sur six sont victimes de violences sexuelles au cours de leur vie. Par ailleurs, ce sont des dizaines de milliers d’enfants qui le sont tous les jours. Parler de violences sexuelles, c’est travailler avant toute chose à la protection de l’enfance, car les violences sexuelles débutent très souvent dès ce stade.

Si j’ose parler d’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels, c’est parce que les victimes éprouvent de réelles difficultés psychologiques à dénoncer les faits. Lorsqu’elles y parviennent, il est souvent trop tard.

Si j’ose parler d’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels, c’est parce qu’il est temps que les choses changent en profondeur dans notre société, parce qu’il est temps de dire stop aux violences sexuelles.

Stop aux violences sexuelles, c’est le nom d’une association avec laquelle je travaille. Plusieurs collègues, sénateurs et députés, m’y ont rejoint.

La présidente de cette association est la très dynamique docteur Violaine Guérin. Endocrinologue et gynécologue, elle voit tous les jours, dans le cadre de son activité médicale, les violences sexuelles qui sont faites aux enfants, aux femmes, aux hommes, engendrant des maladies, souvent auto-immunes.

Le docteur Guérin insiste sur le fait que de nombreux malades sont des victimes ayant activé leur potentiel auto-infectant, d’où la fréquence des maladies auto-immunes chez les personnes victimes de violences sexuelles comme l’endométriose, les dysthyroïdies auto-immunes, la maladie de Crohn, des psoriasis localisés aux parties génitales, mais aussi des cancers en lien avec les traumatismes subis – cancers gynécologiques, urologiques, ORL et ano-rectaux.

Notre projet au sein de l’association Stop aux violences sexuelles est de mettre en place une véritable stratégie d’éradication des violences sexuelles, à l’instar d’une stratégie vaccinale ou des campagnes de sécurité routière.

Dans cette stratégie, la prise en charge sanitaire des victimes revêt une importance majeure. J’ai déposé un amendement visant à ce que les victimes de crimes et agressions sexuels bénéficient d’un protocole de soins global pris en charge par l’assurance maladie. Sans surprise, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution…

L’objectif numéro un de l’association Stop aux violences sexuelles est d’organiser des assises nationales, qui se dérouleront le 13 janvier 2014 au Sénat. Elles seront le point de départ de la mise en place de la stratégie d’éradication des violences sexuelles dans notre pays, dont le docteur Guérin ne désespère pas qu'elle soit effective en 2020.

J’espère, madame la ministre, que vous nous ferez l’honneur de votre présence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion