Intervention de Félix Desplan

Réunion du 17 septembre 2013 à 21h30
Égalité entre les femmes et les hommes — Article 15

Photo de Félix DesplanFélix Desplan :

C’est en 1976 que, pour la première fois, il est fait usage du mot « féminicide » pour définir le meurtre d’une femme en raison de son genre, dans le cadre d’une relation intime, d’une agression, d’un viol ou d’un crime de guerre.

Cette violence tient ses fondements dans les relations inégalitaires entre les hommes et les femmes, qui, malheureusement, ont toujours cours dans tous les domaines de notre société. En effet, en dépit des progrès législatifs enregistrés ces dernières années, les violences sexistes demeurent une réalité qui force les murs du foyer pour s’immiscer dans tous les pans de notre société.

En Guadeloupe, la très grande majorité des faits de violence sont perpétrés dans l’intimité du couple, au sein même de la famille, et touche toutes les tranches d’âge, toutes les catégories sociales.

Au premier semestre de 2013, on recensait déjà une augmentation inquiétante de 25 % des violences envers les femmes. Or la violence et les premiers pas vers la délinquance en général – je veux rappeler ces chiffres effarants : 1 homicide pour 11 000 habitants cette année en Guadeloupe, contre 1 pour 62 000 à Marseille – prennent souvent racine au sein même du foyer familial. En atteste d’ailleurs le développement d’un phénomène concomitant, engendré par la violence conjugale, celui de la violence des enfants envers leurs parents. Phénomène tout aussi infâme, il vient par trop grossir les colonnes de nos faits divers.

La famille est un pilier fondamental de la société, plus particulièrement en Guadeloupe, où la femme en est le maître d’œuvre, le potomitan, mot antillais servant à désigner le soutien familial, l’individu autour duquel tout s’organise et sur lequel le foyer prend appui.

Mais, dans une société éprise de modernité, la femme guadeloupéenne a, en quelques décennies, déconstruit l’image qu’on lui avait bâtie. Reléguant les archaïsmes sur le rôle que le « deuxième sexe » doit ou ne doit pas jouer, elle ne met plus de côté son ambition de réalisation personnelle.

Ce changement a-t-il été trop rapide ? Trop profond ? Aujourd’hui, en tout cas, l’image d’une femme méritante et vertueuse qui restera sa place – en créole, on dit on fanm an plass ay –, que l’on domine et plie à ses désirs, demeure prégnante.

Ce changement n’a peut-être pas été réellement intégré par les hommes. Dépassés, ils ne l’acceptent pas. Dans leur désarroi, ils ont recours à la violence et vont parfois jusqu’au meurtre.

C’est la raison pour laquelle une prise en charge est indispensable. Mais cette prise en charge se devrait d’être plus large pour être efficace. J’aurais souhaité pour eux une prise en charge individuelle au travers de thérapies adaptées. Cela leur permettrait de verbaliser et d’extérioriser et favoriserait une meilleure prévention de la récidive. Mais, il est vrai, c’est à l’aide aux victimes de violence qu’il nous faut accorder notre priorité.

Le 7 novembre 2011, nous, élus de la Guadeloupe réunis en congrès, parlions de violence et d’insécurité. Aujourd’hui, l’heure est à l’action qui mettra fin à ces inégalités.

Ce projet de loi pour l’égalité des femmes et des hommes, avec son volet contre les violences, nous rappelle, ô combien, que chacun a légitimement le droit d’exiger de notre République une protection contre toutes les formes d’agressions.

Oui, la langue française s’enrichit constamment pour s’adapter à l’évolution de la société. Mais j’espère, chers collègues, ne jamais voir le terme « féminicide » y faire un jour son entrée. Ce ne serait non pas une richesse pour notre langue, mais le triste constat d’une pathologie que notre République n’aura pas réussi à endiguer, celle du délitement des liens familiaux.

Alors, je ne peux que me féliciter à l’avance de l’adoption de cet article, qui permettra au procureur, même dans le cas d’un retrait de plainte, de faire suivre aux auteurs de violences conjugales un stage de responsabilisation à leurs charges, afin que ceux-ci réfléchissent à leurs actes et prennent conscience des conséquences familiales, personnelles, voire pénales de leur violence.

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