Je me présente à vous, mes chers collègues : oui, je suis « cumulard », et je l’assume, humblement ! « Ringard » ? « C’est celui qui dit qui est », s’exclament les enfants de ma région dans les cours d’école… Je me contenterai de cette réponse.
Si je m’oppose à ce projet de loi organique, je suis ravi qu’il ait été modifié par le Sénat, et je le voterai donc en l’état.
La base électorale fournie par le terrain est bien représentée dans cette assemblée. Certes, le Sénat compte déjà des apparatchiks, mais le mélange est bon. En revanche, si d’aventure on rendait le mandat de sénateur exclusif de tout mandat local, cela voudrait dire, demain, une assemblée exclusivement composée d’apparatchiks, après-demain, un Sénat qui se confondrait avec l’Assemblée nationale et, peu de temps après, la suppression pure et simple du Sénat, puisqu’il y aurait une chambre de trop. Ce texte forme l’acte Ier de cette mort lente et programmée.
Une autre menace, si ce texte était adopté, serait de voir s’accroître le poids des lobbys, que nous avons tant combattus dans la République.
J’ai entendu mes collègues favorables au projet de loi organique, dans sa rédaction initiale, promettre pour bientôt un statut de l’élu… Finalement, on a mis la charrue avant les bœufs.
Il aurait fallu commencer par faire une bonne décentralisation, grâce à laquelle il ne serait plus utile de venir à Paris chercher la décision pour pouvoir l’appliquer en région. Il aurait fallu aussi s’atteler à la définition d’un vrai statut de l’élu. Il aurait fallu enfin dissoudre par la loi les 624 hauts commissariats, comités et autres hautes autorités créés au détriment du pouvoir des parlementaires. Le non-cumul se serait imposé tout naturellement au terme de ces réformes, comme au Royaume-Uni, où il n’a pas été besoin d’une loi pour parvenir à ce résultat.
Par ailleurs, ce texte est incomplet. Dans sa mouture initiale, la relation entre le parlementaire et le chef d’entreprise, l’avocat ou le professeur d’université est omise. Je considère pour ma part avoir un métier, celui d’élu, et deux fonctions, celles de président de région et de sénateur.
En revanche, celui qui est avocat exerce deux métiers : avocat d’une part, élu d’autre part. Dans sa tête, c’est bien plus compliqué que pour moi ! Je tenais à faire part de ces remarques, car elles n’ont pas été prises en compte.
Je me réjouis de la « révolution » – pour reprendre le mot de M. le ministre Valls – qui s’est produite cette nuit, c'est-à-dire de cette rébellion du Sénat, qui a affirmé sa différence en réécrivant cette proposition de loi jusque dans son titre. Cette révolution-là a toutes mes faveurs !