Au moment de conclure ce débat et d’exprimer l’opinion unanime des dix-huit membres de mon groupe, toutes sensibilités confondues, je veux rappeler l’importance de la décision que nous allons prendre. M. le ministre a parlé de « révolution ». Oui, c’est bien une révolution dans nos institutions !
Certaines révolutions emportent des effets positifs, nous en avons connu une grande dans notre histoire ; d’autres ont des effets dévastateurs. Je suis convaincu que si, par impossible, le texte final correspondait aux souhaits du Gouvernement, ses effets seraient funestes et dévastateurs pour les institutions de la République.
Je suis heureux que le Sénat, dans sa grande et même dans sa très grande majorité, qui est composée de différentes sensibilités, ait adressé – par plus de deux cent dix voix contre quatre-vingt-deux, me semble-t-il – un message très fort à l’exécutif, au Président de la République, pour lequel j’ai voté, et au Gouvernement, que j’ai la plupart du temps soutenu. Nous allons maintenant savoir si l’exécutif est sensible au message de la grande majorité des sénateurs. La réponse sera importante, car elle aura un sens institutionnel.
D’aucuns ont remis en cause l’existence du Sénat. Le général de Gaulle l’a fait par le référendum de 1969. Il l’a annoncé loyalement et en a appelé au peuple, qui a répondu. Les uns ont estimé que le peuple avait donné une mauvaise réponse, les autres qu’il en avait donné une bonne. Si, aujourd'hui, le Président de la République et le Gouvernement avaient choisi la voie du référendum, s’ils s’étaient adressés au peuple, nous nous serions inclinés, les uns et les autres, devant la voix du peuple. Je note qu’on a désormais peur de s’adresser au peuple, même quand on en appelle tous les jours à la démocratie participative... C’est une constatation.
Le projet de loi tel qu’il a été modifié par le Sénat est un texte de modernité, un texte novateur. Il est regrettable que les mots entendus depuis deux mois pour nous qualifier aient été réutilisés ces dernières semaines, ces derniers jours et ces dernières heures. Ce n’est pas bien de donner une telle image du Sénat, parce que ce n’est pas l’image de la vérité.
En adoptant un texte qui limite le cumul à un seul mandat exécutif local, conformément à ce que nous souhaitions depuis longtemps, et en votant finalement la suppression du cumul des indemnités, que nous avions été les premiers à proposer et à mettre en discussion, le Sénat a œuvré pour le progrès et fait preuve de modernité.
Telle est le vrai message du Sénat. Il ne correspond pas à la caricature qui en a été faite, y compris, malheureusement, en son sein. Il y a quelque chose de fort dans ce message. Il y a notamment la volonté de préserver l’équilibre de nos institutions.
Les malheureuses réformes de 2002 – le passage au quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, dont on voit aujourd'hui les conséquences – ont abouti à un système d’hyperprésidence, le pouvoir trop fort du Président de la République n’étant plus compensé par celui du Parlement. Or les réformes proposées par le Gouvernement aggraveraient cette situation : le Président de la République serait encore plus fort, et les parlementaires seraient – il faut le dire, sans que ce soit péjoratif – trop soumis au pouvoir présidentiel. Le résultat serait un déséquilibre catastrophique pour nos institutions.
Je l’assume, j’estime qu’une deuxième chambre doit assurer la représentation des territoires, et en particulier, comme l’a très bien dit Raymond Vall, des territoires les plus fragiles. Si cette réforme aboutissait, ce ne serait plus le cas.
Je conclurai en citant un homme auquel se réfère sans cesse, et à juste titre, le ministre de l’intérieur. Clemenceau disait : « Les événements m’ont appris qu’il fallait donner au peuple le temps de la réflexion. Le temps de la réflexion, c’est le Sénat. »