La majorité de la commission a ensuite estimé que les comparaisons internationales n’étaient pas un argument recevable pour justifier la réforme, dans la mesure où celles-ci ne prenaient pas en compte les autres différences institutionnelles qui caractérisent la France et qui sont intimement liées à la question du cumul des mandats et des fonctions.
Si le cumul est une spécificité française, il faut toutefois, selon la majorité de la commission, replacer cette particularité dans son contexte, ce qui permet de constater qu’elle contrebalance certaines autres singularités françaises comme la concentration des pouvoirs.
De même, il a paru à la commission que l’argument mettant en avant le plus grand absentéisme des parlementaires disposant d’un mandat local ou d’une fonction exécutive locale était contredit par de nombreux exemples.
Ainsi, la majorité de votre commission a jugé l’incompatibilité parlementaire proposée trop restrictive en ce qu’elle prive un parlementaire d’une expérience au sein des collectivités territoriales ou de leurs groupements, expérience jugée nécessaire pour une bonne appréhension des réalités locales.
En outre, la majorité de la commission a jugé paradoxal qu’une fonction exécutive locale, au service de l’intérêt général, ne puisse être exercée en même temps qu’un mandat parlementaire, alors que la législation actuelle pose comme principe, sous réserve des incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires, la liberté d’exercer une profession privée.
S’agissant plus particulièrement du Sénat, la majorité de la commission a estimé que l’article 24 de la Constitution, en assignant à la Haute Assemblée la mission d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, plaidait en faveur du maintien d’un lien particulier entre les sénateurs et les élus locaux, lequel ne peut mieux s’incarner que dans l’exercice simultané d’un mandat local ou d’une fonction exécutive locale et d’un mandat parlementaire.
Vous savez qu’à titre personnel je ne partage pas cette analyse, considérant que, si l’article 24 de la Constitution confère un rôle particulier au Sénat pour assurer « la représentation des collectivités territoriales de la République », il dispose également que le Parlement « comprend l’Assemblée nationale et le Sénat ». Surtout, il confère aux deux chambres, sans distinction, les mêmes missions puisque, selon ses termes, le Parlement « vote la loi […] contrôle l’action du Gouvernement […] évalue les politiques publiques »
Cette fonction généraliste et l’identité des missions assignées aux deux assemblées m’a conduit à plaider contre un régime dérogatoire en faveur des sénateurs en matière d’incompatibilité, ce qui est d’ailleurs la règle depuis 1958.
Je voudrais conclure sur un point qui a fait l’objet d’un large consensus au sein de la commission.
Tout d’abord, la commission a convenu de la nécessité de mieux encadrer la possibilité de cumul d’un mandat parlementaire et de fonctions locales, la question de l’intensité de cette limitation étant l’objet de notre débat. Les amendements déposés prouvent bien qu’il y a accord sur la volonté de prolonger les règles adoptées en 1985 et écartées en 2000, même s’ils ne s’accordent pas sur la limite à fixer.