Limiter ou interdire le cumul des mandats sans instaurer la proportionnelle laissera toute réforme progressiste de nos institutions au milieu du gué.
La reproduction des élites est un autre des problèmes majeurs de notre démocratie. Pour ma part, je pense que sont trop nombreux – parfois, mais plus rarement, trop nombreuses – celles et ceux qui sortent des mêmes écoles, qui ont suivi les mêmes cursus.
Cette professionnalisation de la politique est flagrante à l’échelle nationale, mais aussi dans les territoires. La décentralisation a donné des pouvoirs importants aux exécutifs locaux dans une très grande proximité avec les décideurs économiques qui font l’emploi. Certains maires de ville-centre de grosse agglomération sont en même temps présidents d’une importante intercommunalité ; d’autres sont présidents du conseil général ou régional. Les mandats électifs sont en outre souvent assortis de responsabilités locales diverses : présidence de conseils d’administration, de sociétés d’économie mixte, etc. Et ils peuvent rester longtemps en place puisque le renouvellement des mandats n’est pas limité et que le mode de scrutin favorise le localisme.
Il est clair, dans ces conditions, que leur assise locale, souvent assortie du cumul avec un mandat national, crée de véritables « féodalités » par rapport au pouvoir central, censé assurer l’égalité des citoyens et des territoires.
Mais allons plus loin encore.
À côté d’une Assemblée nationale qui serait élue au scrutin proportionnel, le Sénat n’aurait-il pas un rôle fondamental à jouer dans la mise en place d’une meilleure représentation et d’une plus grande participation des citoyens dans la diversité de leur implication aux décisions ? La deuxième chambre pourrait ainsi assurer à la fois la représentation territoriale et la représentation sociale, dont on parle peu. Elle pourrait, par exemple, être composée, pour une moitié, de représentants des collectivités locales élus au suffrage universel direct sur des listes départementales de candidats ayant une expérience élective dans une collectivité et, pour l’autre moitié, de représentants de « groupes sociaux » élus selon les mêmes modalités.
Que les choses soient claires : nous sommes pour le bicamérisme, mais ce doit être un bicamérisme utile, qui permet d’améliorer la qualité de la loi et, comme je l’ai indiqué, d’aboutir à une plus grande participation des citoyens dans la diversité de leur implication aux décisions.
Encore un point crucial manquant à cette réforme : pour que la politique cesse d’être une profession et devienne une activité sociale courante pour un nombre plus important de citoyens, qui pourraient, pendant une période de leur vie, exercer des mandats électifs, il est primordial d’instaurer un statut protecteur leur permettant de retrouver leur emploi après leur mandat ou d’accéder à une formation débouchant sur un nouvel emploi.
Oui, notre démocratie a besoin d’un véritable statut de l’élu, qui ne se limite pas aux seuls aspects financiers.
Il est aussi urgent de revenir sur la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral. Entre autres conséquences, ce dispositif permet au Président de la République, c’est-à-dire à une personne, de concentrer dans ses mains de très grands pouvoirs, ce qui peut favoriser des dérives susceptibles d’être très préjudiciables à notre démocratie.
Je conclurai en rappelant que le cumul des mandats concerne tous les partis politiques sans exception, ce qui signifie que le mien n’y échappe pas… Ces pratiques sont la résultante d’un système institutionnel qui dessert le pluralisme. Il est difficile d’y échapper, même quand on les combat.
On entend ici et là que nous, élus communistes, aurions beaucoup à perdre d’un changement de pratique en la matière.