Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 18 septembre 2013 à 14h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et le mandat de représentant au parlement européen — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Oui, l’article 24 de la Constitution dispose que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». C’est pour cela que les sénateurs sont élus par les grands électeurs, élus eux-mêmes. C’est pour cela que l’article 39 de la Constitution dispose que les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. C’est pour cela que le quatrième alinéa de l’article 46 dispose que les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. C’est pour cela que l’article 25 ne pose pas de principe d’identité absolue du statut des membres de chaque assemblée.

Vous-même, monsieur le ministre, l’avez reconnu devant la commission des lois du Sénat la semaine dernière, en déclarant qu’un « traitement différencié des sénateurs conduirait à qualifier ce texte de projet de loi organique relatif au Sénat, ce qui suppose un vote conforme des deux assemblées ». Je vous remercie, vous avez dit l’essentiel ! Auriez-vous, depuis, changé d’avis ?

Le socialiste Pierre Joxe rappelait cet impératif en 1985, lors des débats consacrés au projet de loi organique limitant le cumul, de même que Michel Rocard en 1996. Alors sénateur, celui-ci déclarait qu’il était à ses yeux « normal qu’en France comme partout ailleurs le Sénat soit composé d’élus investis de responsabilités dans les collectivités locales puisqu’étant précisément là pour cela au premier chef ».

Je citerai également ces mots de notre ancien collègue, le Premier ministre Pierre Mauroy : « Le Sénat représente les collectivités territoriales. Dans une France dont tout laisse à penser qu’elle adoptera de nouvelles limitations du cumul des mandats, il y a nécessité de trouver un lieu où se confrontent les intérêts des régions, des départements et des communes. »

Le professeur Guy Carcassonne, lui-même chantre du non-cumul, évoquait en 2005, dans la revue Pouvoirs locaux, un scénario dans lequel « on ne touche à rien concernant le Sénat mais dans lequel on se borne enfin à imposer l’interdiction du cumul pour les députés. » Il ajoutait : « Beaucoup d’élus de grandes collectivités viseraient alors un mandat sénatorial et revivifieraient le Sénat dans des proportions tout à fait substantielles par la simple interdiction du cumul des députés. »

Dans un article paru le 12 septembre dernier dans Le Figaro, le professeur Didier Maus a rappelé ces réalités, à l’aide d’une analyse constitutionnelle tout à fait limpide.

Mes chers collègues, notre débat transcende les sensibilités politiques. Je rappelle à ce titre que dix-sept des dix-huit sénateurs du RDSE ont contribué à faire élire le président du Sénat, celui de notre commission des lois et le Président de la République. Ce n’est donc ni un débat entre gauche et droite, ce n’est pas davantage un débat relatif à la modernité de la vie publique, c’est bien un débat relatif aux institutions de la République, au bicamérisme et à la représentation de nos territoires.

Je salue le courage de tous ceux qui, quelle que soit leur sensibilité, disent non à une telle imposture. Je salue notamment le courage du président François Rebsamen. Savoir dire non, c’est la marque des vrais hommes d’État !

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