Ainsi, ils sont légitimés à leurs propres yeux !
Il faut toutefois garder à l’esprit que les électeurs n’ont pas vraiment le choix des candidats : ce sont bien les partis qui les choisissent, faisant des cumulards eux-mêmes les apparatchiks des partis. Même dans le cas de primaires ouvertes, leur filtre est déterminé par les partis.
Entre un candidat ayant déjà une casquette, mais qui partage vos idées, et un candidat sans casquette qui véhicule des idées auxquelles vous êtes opposé, le choix semble évident... jusqu’au jour où le non-cumul devient pour vous, simple citoyen, le critère de choix parce que vous êtes persuadé, à tort ou à raison, qu’en cumulant l’élu ne peut pas défendre l’intérêt général, mais travaille pour lui et, surtout, ne connaît plus les réalités du terrain.
Certains conçoivent le cumul comme une exigence constitutionnelle. Le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » dispose l’article 24 de la Constitution. Cette indication légitimerait que tout sénateur – allons jusqu’au bout de l’idée ! – soit en situation de cumul.
Outre le fait que rien n’interdit de comprendre cet article constitutionnel comme une simple exigence de connaissance des collectivités territoriales au travers, notamment, de l’exercice d’un précédent mandat, l’interprétation selon laquelle il serait nécessaire d’être détenteur d’un mandat territorial pour devenir sénateur aurait comme corollaire nécessaire et évident que le Sénat ne pourrait délibérer que sur les textes relatifs aux collectivités territoriales...
Inversement, l’Assemblée nationale, qui représenterait le peuple, ne pourrait pas avoir en son sein des représentants des collectivités territoriales et surtout ne pourrait pas délibérer sur l’organisation de ces dernières.
L’absurdité de ce raisonnement extrême se heurte, de plus, à un autre article de la Constitution. L’article 3 ne dispose-t-il pas qu’aucune section du peuple, en l’occurrence le Sénat, car nous faisons tout de même partie du peuple, ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale, fût-elle réduite à l’organisation des collectivités territoriales ?
Aujourd’hui, un sénateur homme ou femme, sans mandat territorial en cours, a suffisamment connaissance des collectivités territoriales pour traiter de ces dernières, tout comme un sénateur a des idées sur le droit des femmes ou une sénatrice sur celui des hommes, du moins je l’espère !