Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de mon groupe vient de le rappeler à l'instant, limiter le cumul – l'« accumulation » serais-je tentée de dire – des mandats était un engagement de campagne du Président de la République. Que cet engagement se traduise en un projet de loi soumis au Parlement n’a rien d’une surprise.
Il était de toute façon nécessaire de légiférer sur le sujet et de nettoyer des tiroirs sans doute un peu trop poussiéreux. J’en veux pour preuve certains textes élaborés par la Haute Assemblée qui ne sont pas allés au bout de leur parcours législatif.
Le débat est passionné. Tant mieux ! La démocratie démontre ainsi toute sa vitalité. D’ailleurs une démocratie dans laquelle les décisions ne font pas l'objet de débats et sont votées à l'unanimité s'appelle plutôt une dictature…
En qualité de chef de file de mon groupe, je suis respectueuse de toutes les positions qui ont été exprimées, sans esprit dogmatique ni jugement péjoratif. Pas plus que je n’accuserai un non-cumulard – comme j’ai pu l'entendre ici et là dans les couloirs – de n’être qu’un candidat ayant perdu ou n’ayant pas gagné un autre mandat que celui qu’il détient, je n’affirmerai pas que les partisans d'un maintien argumenté d'une certaine forme de cumul sont crispés sur le passé.
À quelques exceptions près, tous et toutes nous partageons la volonté de rénover le Parlement et ses deux chambres caractérisées par leurs spécificités : le Sénat représentant des territoires et des collectivités territoriales, l’Assemblée nationale représentant les citoyens.
Quelques idées, du moins dans mon groupe, font consensus.
Tout d’abord, à la limitation du cumul des mandats est fortement associée l’interdiction du cumul des indemnités. Oui, sans doute faut-il interdire ce dernier et redonner à l'indemnité parlementaire sa réelle vocation : permettre à son bénéficiaire de vivre de façon autonome et indépendante, sans être soumis à des pressions, et non de s'enrichir à titre personnel, en accumulant diverses indemnités et en « gratouillant » partout afin d’en récupérer le plus possible.
Ensuite, un premier pas est fait vers l’intégration – ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent – des mandats locaux exercés au nom d'une intercommunalité, reconnus comme des mandats locaux à part entière puisque leurs détenteurs sont soumis à l'interdiction du cumul avec les mandats parlementaires.
Par ailleurs, la volonté apparaît de préserver la spécificité de la représentation des territoires par le Sénat, mais les moyens pour y parvenir ne sont pas toujours partagés.
Enfin, la volonté d'améliorer la qualité du travail du Sénat, d'éviter des conflits d'intérêts et, peut-être, une gestion trop prégnante des dossiers locaux à l’échelon national sont des idées largement défendues au sein de mon groupe. Là encore, les moyens pour y parvenir ne sont pas forcément partagés.
J’en arrive à un sujet, déjà largement évoqué à cette tribune, qui suscite des vives craintes et des débats : la perte du lien avec le terrain. Ce lien devrait-il se réduire à celui qui se noue lors des comices agricoles ou des inaugurations ? Ce n’est pas au cours de telles manifestations que l'on apprend le plus sur les difficultés rencontrées par les collectivités, sur les conséquences de l'application des lois que nous votons dans cet hémicycle ou de l’exercice de nouvelles compétences, etc.
Une incompréhension et une inquiétude demeurent : pourquoi placer sur un pied d’égalité les fonctions de conseiller municipal, régional, général et, demain, départemental ? Ce serait méconnaître les différences qui existent entre mandat local et mandat national. Un mandat de conseiller général n’a pas grand-chose à voir avec un mandat de conseiller municipal, qu’il s'agisse d'une commune de 100 000 habitants ou de 250 habitants.
Une autre question soulève de grands débats : le non-cumul des mandats, tel qu’il nous est proposé, règlera-t-il vraiment le problème de l'absentéisme ?