Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà longtemps que j’ai quitté Sciences Po, mais, si j’en crois mes souvenirs, confirmés par les interventions de certains orateurs, la Constitution dispose que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».
Je vous le demande, mes chers collègues, comment le Sénat pourra-t-il encore représenter les collectivités territoriales si l’on interdit aux élus qui sont à leur tête d’y siéger ? Certes, les élus locaux, qui composent l’essentiel du corps électoral pour les élections sénatoriales, pourront toujours élire de simples conseillers municipaux, départementaux ou régionaux. Mais en quoi ces élus, qui participent aux délibérations des assemblées locales mais ne sont pas au cœur des problématiques de mise en œuvre sur le terrain de la loi et des normes, pourront-ils porter au Parlement la voix spécifique des collectivités ?
Je vous laisse imaginer où nous en serions sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, que la commission des lois étudie actuellement en vue de la deuxième lecture, si le texte n’était examiné que par de simples conseillers municipaux. Aurions-nous pu effectuer le travail très important qui a été mené par notre rapporteur René Vandierendonck si nous ne disposions pas de l’expérience de gestion des collectivités territoriales qui est la nôtre ? Certainement pas ! Nous aurions abouti à un monstre technocratique !
Avez-vous déjà vu l’un de nos concitoyens, confronté à un problème dans sa commune, demander un rendez-vous à un simple conseiller plutôt qu’au maire ou à l’adjoint ayant la délégation dans le domaine concerné ? Bien sûr que non !
M. le ministre nous a déclaré voilà quinze jours, avec – il faut bien le dire – le zèle du repenti, que les Français voulaient « des maires à plein temps et des parlementaires à plein temps ». Dont acte !
Mais alors pourquoi les grands électeurs s’obstinent-ils dans bien des cas à donner la préférence au maire ou au président de conseil général candidats aux élections sénatoriales plutôt qu’au simple conseiller municipal ou départemental et, a fortiori, au candidat ne détenant aucun mandat électif ? Parce que les premiers sont naturellement mieux connus ? Sûrement ! Mais tout aussi sûrement parce que les électeurs, qui sont souvent bien éloignés des combines et calculs politiques auxquels on assiste parfois – mais bien évidemment pas avec ce texte…