Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur le cumul des mandats qu’il nous est proposé d’examiner aujourd’hui pose, selon moi, de sérieux problèmes. Je pense notamment, monsieur le ministre, à votre conception de l’organisation politique et territoriale de notre pays, et tout particulièrement au respect du rôle des sénateurs. Je ne suis d’ailleurs pas la première, à cette heure-ci, à intervenir en ce sens.
Ce projet de loi est en effet inadapté aux réalités auxquelles nous sommes confrontés sur le terrain et, donc, inapproprié au bon fonctionnement de notre démocratie. La preuve en est qu’à droite, comme au centre et à gauche, cette réforme, qui coupe les partis politiques en deux, fait voler en éclat les clivages partisans. Quant à la commission des lois, elle a rejeté les deux textes que vous nous présentez.
Il est vrai que la proposition 48 du candidat Hollande, qui sonne comme un dogme, s’impose à vous sans alternative. Mais est-ce réellement un sujet de société ou s’agit-il d’un effet de mode ? Surtout, ce texte était-il si urgent, au regard des difficultés que nos concitoyens rencontrent chaque jour ? Ils payent toujours plus d’impôt, sont toujours plus nombreux à subir le chômage et souffrent toujours plus d’insécurité dans leur ville. Je m’arrêterai là, mon collègue Éric Doligé l’ayant excellemment démontré.
Ce projet est inadapté, je le disais voilà quelques instants. Monsieur le ministre, est-il bien raisonnable, au moment où vous vous apprêtez à supprimer des milliards destinés aux collectivités locales dans les années qui viennent, d’augmenter encore le nombre des élus ?
Vous avez abandonné le conseiller territorial, qui remplaçait à la fois le conseiller général et le conseiller régional, pour finalement le remplacer par le conseiller départemental. Malgré la diminution du nombre des cantons, le nombre des conseillers départementaux restera stable, puisque, au nom du respect de la parité, il faudra désormais être élu en binôme. En Picardie, par exemple, alors que nous aurions dû compter 109 conseillers territoriaux au lieu de 186 conseillers régionaux et départementaux à ce jour, ce nombre demeurera identique en 2015, bien que le nombre des cantons ait été divisé par deux.
Aux termes du projet de loi qui nous est soumis, vous multiplierez demain le nombre des élus, les parlementaires, d’une part, les élus locaux, d’autre part. Au moment où tout le monde parle d’économies, je regrette cette inflation budgétaire.
Ce projet de loi est tout sauf réaliste, il est inapproprié et me fait penser à du bricolage territorial parce que, avant de s’attaquer au cumul des mandats de manière idéologique et dogmatique, il eût été plus sage de préparer un vrai et grand statut de l’élu local, que nous n’avons cessé de réclamer : un statut qui donne à tout citoyen l’envie d’être élu – et aujourd’hui, franchement, on ne se bouscule pas pour l’être et on se bousculera de moins en moins –, un statut qui garantisse la transparence et permette une efficacité accrue, un statut qui organise aussi concrètement la fin du mandat pour celles et ceux qui devront retourner dans la vie active.
Monsieur le ministre, vous qui avez été député-maire d’Évry – et j’ai cru comprendre que ce double rôle vous convenait et vous passionnait –, vous savez que les élus qui cumulent ne cumulent pas leurs indemnités – nous sommes écrêtés – et qu’ils jouissent de peu de privilèges : ils cumulent l’efficacité et les responsabilités…