Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rapport d’information de mars 2012 de nos collègues François-Noël Buffet et Georges Labazée sur le cumul des mandats et l’étude de législation comparée, de juillet 2012, dans sept pays de l’Union européenne, portant sur le même sujet font apparaître que la proportion d’élus en situation de cumul ne dépasse guère 20 % dans la plupart des pays européens alors qu’elle est en France de 83 % pour les députés et de 78 % pour les sénateurs.
Certes, l’organisation territoriale diffère. Il est donc compréhensible que le niveau de cumul varie selon que l’État est unitaire ou fédéral.
Néanmoins, cela en dit long sur la situation actuelle s’agissant du renouvellement de la classe politique, surtout lorsqu’on sait qu’en 1936 seulement 36 % des députés exerçaient un mandat local. §
Si l’on ajoute à ce constat une grave crise de confiance des citoyens à l’égard de la représentation nationale, ce qui traduit un grand désarroi citoyen, il est urgent de prendre des mesures pour préserver le pacte républicain.
Cela explique que François Hollande, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, se soit notamment engagé à faire voter une loi sur le cumul des mandats et des fonctions électives.
Le texte qui nous est soumis est donc la concrétisation de cet engagement. Il reprend les principales suggestions de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin.
Le projet de loi traite de la limitation du cumul dans l’espace, mais non dans le temps. Ses dispositions ont été renforcées par les députés, qui ont élargi le champ de l’incompatibilité aux fonctions « dérivées de mandats locaux » et limité les hypothèses de cumul d’indemnités.
Au Sénat, le débat s’est engagé de manière différente qu’à l’Assemblée nationale. Ainsi, un certain nombre de collègues estiment que l’interdiction d’exercer concomitamment un mandat parlementaire et une fonction élective romprait le lien de proximité entre les élus nationaux et leurs électeurs. Ils évoquent la spécificité du mandat sénatorial et demandent sa reconnaissance en s’appuyant sur l’article 24 de la Constitution, qui dispose que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Cela justifierait, selon eux, la possibilité de cumuler une fonction exécutive locale et un mandat de sénateur.
Cette question divise d’ailleurs la doctrine, comme nous avons pu le constater lors d’une audition organisée la semaine dernière par la commission des lois de notre assemblée.
Que faut-il en penser ? Je ne doute pas de la sincérité des collègues qui demandent la reconnaissance de la spécificité du mandat sénatorial ; ils pensent probablement défendre ainsi à la fois les prérogatives du Sénat et le bicaméralisme.